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dimanche 25 mai 2025

Giuliano Da Empoli, Le temps des prédateurs

Référence : Giuliano Da Empoli, Le temps des prédateurs, éditions Gallimard, collection Blanche, avril 2025 

 « Le chaos n’est plus l’arme de l’insurgé mais le sceau du pouvoir. » Giuliano da Empoli 


Giuliano Da Empoli est à la fois assez pessimiste sur le fond et innovant sur la forme, sa façon de présenter les idées qu'il veut développer.
Il ne mâche pas ses mots : « Aujourd’hui, l’heure des prédateurs a sonné et partout les choses évoluent d’une telle façon que tout ce qui doit être réglé le sera par le feu et par l’épée. » Il utilise pour cela le biais d'un scribe aztèque s'exprimant plutôt par images pour être plus concret, pour donner une certaine coloration à ses propos.
 
Giuliano da Empoli utilise aussi son expérience, faisant référence à ses voyages de New York à Riyad, en passant par l’ONU, le Ritz-Carlton [1] ou MBS. Il décrit ces gens de pouvoir acquis de façon « irréfléchie et tapageuse », où des autocrates profitent du chaos, où les seigneurs de la tech sont déconnectés de la réalité, où l’IA semble incontrôlable…
C'est l’heure des prédateurs.


L'auteur peint le tableau d'espèces de César Borgia, prince italien de la Renaissance qui inspira Machiavel, de notre monde.
Ces « borgiens » sont déjà parmi nous. De Trump à Poutine, ils jouent sur l’effet de surprise, suite de leurs actions erratiques, marque du pouvoir du prince. Aidés en plus par une nouvelle technique, l’ingénierie algorithmique des plateformes numériques, ce qui peut mener à des révoltes et des débordements et déboucher sur ce renversement : « Le chaos n’est plus l’arme des rebelles, mais le sceau des dominants. »  
  

Outre ces « borgiens », on trouve aussi des patrons de la tech, qui depuis trente ans se sont faits une place au soleil pour prendre le contrôle du monde ni vus ni connu. Ils sont comme des conquistadors espagnols qui se sont emparés de l’immense empire aztèque dont le chef Moctezuma « fit ce que les politiques, de tout temps, font dans ce genre de situation : il décida de ne pas décider ».

La conjonction de ces deux phénomènes qui refusent toute règle contraignante menace la démocratie, surtout avec la
Servitude volontaire des populations décrite par La Boétie. Ce cycle repose, comme à la Renaissance de César Borgia et des condottières qui ont plongé l’Italie dans le chaos, sur l’invention de l’artillerie et comme aujourd'hui les progrès du numérique (contrôle des données et cyberattaques).

Voir aussi
* [1] Le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salman a mis en scène en 2017, un guet-apens contre des dignitaires du royaume, soumis à plusieurs mois d’interrogatoire au Ritz-Carlton de Riyad.

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