vendredi 7 novembre 2025

Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac

« Cyrano est un personnage qui échoue et évoque chez chaque spectateur la part d'échec qu'il recèle. » Libération

           

Fil conducteur
- Provoqué par un snob, Cyrano se moque de lui et surtout de son nez. Quant à séduire la belle Roxane, vaut mieux oublier, elle aime Christian, un beau cadet de Gascogne qui manque d’esprit.
Une idée lui vient : "Je serai ton esprit, tu seras ma beauté", propose-t-il à Christian. Jeu dangereux peut-être. Christian sent bien que Roxane aime un Cyrano qui manque de confiance en lui.
- Quinze ans plus tard, Roxane, toujours amoureuse de Christian, s'est retirée dans un couvent où Cyrano lui rend visite une fois par semaine. Ce jour-là, Cyrano est tombé dans un attentat et arrive au couvent blessé à la tête.

- La fin : Christian meurt au siège d'Arras
à Cyrano continue d'écrire à sa place et Roxane se retire dans un couvent. Quelques années plus tard, Cyrano, mourant, vient la voir et lui révèle toute la vérité.
- Morale : Roxane
(Magdeleine Robin) va préférer la beauté intérieure de Cyrano à l’éphémère beauté extérieure de Christian à
Intériorité est supérieure aux apparences. "Tous les mots sont fins quand la moustache est fine."



Contexte et genèse
- affaire Schnaebelé /Boulanger (pb diplomatique France-Allemagne) + Dreyfus + Panama + anarchisme
- pièces légères (Courteline, Feydeau) ou drames (Strindberg, Tchekhov, Ibsen)
--> Le «vrai » Cyrano Savinien de Cyrano de Bergerac (1619-1655 - 36 ans), militaire, bretteur, libertin/libre-penseur.
--> Il aide un ami à séduire une jeune snob en lui indiquant à choisit les bons mots.

Ambivalence :
- La pièce a tout pour être un four : 5 actes, alexandrins, difficile à monter (50 personnages, longue, 2 600 vers, décors et costumes très nombreux.
      cf
Edmond pièce d'Alexis Michalik
       
         (gestion de la pièce)
- Pièce pleine d'action, scènes variées et dialogues animés. Alterne scènes de duel et scènes d'amour. Répliques : "Tous les mots sont fins quand la moustache est fine."
- Cyrano symbole intégrité, courage, gloire, amour.

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Edmond Rostand Cyrano de Bergerac - Déroulement
Bravoure, inconscience de Cyrano
à on dirait une BD de cape et d’épée genre Dumas, Féval (le bossu) ou Fallet (Fanfan la tulipe)

* Acte I : On attend Cyrano, rimeur, bretteur – Christian est contre Valvert, défend Lignère
Cyrano veut chasser Montfleury qui n‘a pas le droit de jouer une pièce La Chorise. (scène 4)
à tirade du nez p 71-73
Cyrano : « Je fais sonner les vérités comme des éperons. » p 76 mais réponse de Le Bret (scène 5) p 89, « Tu te mets sur les bras vraiment trop d’ennemis. »
Cyrano lui avoue son amour pour Roxane, Magdeleine Robin, sa cousine. (p 92-93) et sa haine pour Montfleury qui a osé la convoiter. Mais il veut sauver Lignère, (p 102) et vainc ses ennemis.

* Acte II p 106
Le pâtissier Ragueneau (ex p 112) à scènes d’une FARCE.
Mélange d’amour (poème de Cyrano) et de combat (de Cyrano contre une bande, raconté par des poètes qui en profitent pour se goinfrer) [p 120-121] (scène 4)
Roxane avoue à Cyrano son amour pour Christian qui tente de le dénigrer. (scène 6)
Rencontre avec De Guiche + poème p 150 (scène 7) - Hymne à la liberté p 157 (scène 8)
Christian lui cherche noise sur son nez p 168-170 (scène 9)
Cyrano propose un stratagème à Christian pour charmer Roxane (scène 10)

* Acte III
Christian s’essaie à l’épître. P 190
De Guiche arrive, jaloux, épris de Roxane qui ne peut directement le repousser mais parvient à le mystifier. (Cyrano n’ira pas au siège d’Arras) p 196
- scène 5 :  Roxane et Christian SEULS sur scène (fiasco) à scène du balcon p 211 + p 220-221
Ironie quand Cyrano se moque de « l’esprit » dans l’amour, la phraséologie des précieuses p 219-220
Scène tendre et romantique  avec scènes précédentes plus animées.
--> appel à différents sens (p 232) 
- scène 11 De Guiche insiste lourdement envers Roxane (p 233) puis Cyrano tombe du ciel pour retarder De Guiche (scène 12) pendant que R et Ch se marient (p 251) De Guiche envoie C. à la guerre.

* Acte IV
Siège d’Arras : les assiégeants assiégés à famine dans camp (siège : juin-août 1640)
Roxane débarque juste avant l’attaque.
(suspens : « C : quels yeux vous avez ! – R : je te dirai pourquoi ») p 291 puis « chut, tout à l’heure. » p 300
- scène 7 : Cyrano avoue à Christian qu’il a écrit à Roxane plus qu’il ne lui a dit. Roxane avoue à son tour que ce sont ses lettres qui l’ont décidée à le rejoindre et que même laid, elle l’aimerait toujours. P 313-14.- - -- scène 9 : dialogue cornélien entre Cyrano et Christian (je t’aime moi non plus)
- scène 10 : mort de Christian. La guerre fait rage.

Acte V – p332 – 15 ans après (1655)
- Roxane est entrée au couvent. Elle reçoit De Guiche devenu duc de Grammont, évoquant Christian.
- Le Bret apprend au duc l’attentat contre Cyrano (p 347)
- scène 5 : Elle permet à Cyrano de lui lire la dernière lettre de Christian et c’est alors qu’elle COMPREND TOUT… Elle le lui dit… Il nie mais elle ne le croit pas.
- scène 6 : Cyrano va de plus en plus mal. (p 371) Il meurt en défiant ses ennemis, le mensonge, le compromis, les préjugés, les lâchetés, la sottise, leur lance son panache à la figure.

Les temps forts
Acte I
– La tirade du nez -
Acte II – Le stratagème (scène 10)
Acte III – Scène du balcon (scène 5)
--> contraste scènes visuelles & textuelles (p 232) 
--> contraste scènes animées + tendres/romantiques
Acte IV – Arras, mort de Christian - 
Acte V – La vérité, mort de Cyrano -


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Le comte de Guiche, duc de Grammont (1604-78)
Antoine III de Gramont, duc de Gramont (1648), pair et maréchal de France.

Outre Cyrano de Bergerac, il a inspiré Dumas dans Vingt ans après et Le vicomte de Bragelonne (père de l'ami de Raoul, fils d'Athos, dans la guerre contre les Espagnols)

Victoire sur les Espagnols en 1647 (guerre des faucheurs) puis dirige la Normandie et la Picardie.
Couvert d’honneurs : vice-roi de Navarre et du Béarn en 1644, duc et pair en 1648, ministre d'État en 1653 et colonel des gardes françaises en 1661.
Ambassadeur à Madrid où il organise le mariage de Louis XIV, le représente au mariage à Madrid, accueille à Bayonne le roi, sa mère et Mazarin.


Savinien de Cyrano de Bergerac (1619-1655), était poète, militaire, bretteur, libre-penseur et inverti mais ni noble ni gascon. Son ami Henry Le Bret rédige sa biographie : homme libre, généreux, athée libertin rejetant le dogmatisme.
S’engage dans la compagnie des mousquetaires de Carbon de Casteljaloux,
Ecrit une pièce La mort d’Agrippine en cinq actes et en vers qui fit scandale Le pédant joué (1645), comédie en cinq actes où beaucoup ont puisé, y compris Molière comme dans cette réplique : « Qu’allait-il faire dans cette galère ? ».
Ecrit aussi L'Autre monde, un diptyque qu’on considère comme un précurseur de la science-fiction, inspirant Swift, Fontenelle ou Diderot.
Il meurt à 35 ans, d’une pièce de bois sur la tête en sortant de chez le duc d'Arpajon. 


Voir également
* cf
Cyrano-audibleRostand à Cambo --

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dimanche 2 novembre 2025

Karine Tuil La guerre par d'autres moyens

 Référence : Karine Tuil, La guerre par d'autres moyens, éditions Gallimard, 384 pages, mars 2025 

« Un portrait des hautes sphères de la politique et du cinéma, minées par l'alcool, la violence et l'antisémitisme. » Radio-France 

      

Karine Tuil est l'auteure de romans comme "Les choses humaines" (prix Interallié 2019 et Goncourt des lycéens 2019) adapté au cinéma par Yvan Attal, "La décision" en 2022  adapté aussi au cinéma et un recueil de poèmes intitulé "Kaddish pour un amour".



Ancien président de la République, Dan Lehman traverse une phase noire : le couple médiatique qu'il forme encore avec sa femme Hilda Müller est en plein naufrage,

Lui est un alcoolique menacé de poursuites judiciaires qui essaie vainement de revenir au premier plan, elle est la vedette d'un film très prometteur mais ils peinent à séparer vie personnelle et fiction. 


« C'est un roman sur l'hypocrisie de notre société. » Libération 


Karine Tuil et l'écrivain et cinéaste franco argentin Santiago Amigorena

Hilda trompe Lehman avec le cinéaste Romain Nizan, qui est aussi l'amant de la fille aînée de  Lehman. Elle est l'héroïne de son dernier film qui traite des violences conjugales et qui est adapté d'un roman de Marianne, l'ex-épouse de Lehman



A travers ses différents personnages, Karine Tuil s'attelle à analyser sans aménité les mécanismes du pouvoir, espèce de miroir aux alouettes qui finit par broyer les êtres. Comédie humaine moderne à la Balzac entre addiction et dépression, où les armes de séduction sont devenues la jeunesse et le capital social. 

Karine Tuil tente de cerner les faiblesses et les difficultés personnelles de ces êtres et la façon dont ils parviennent ou non à se libérer des pesanteurs sociales qu’ils subissent. Mais il manque parfois à ses personnages ce supplément d’émotions pas vraiment compatible avec les chassés-croisés et les jeux de pouvoir dont se délectent tous ces représentants de l’élite. 

      

Commentaire
« 
Dan Lehman [...] passe de l'euphorie du pouvoir à une descente alcoolisée dans l'ennui et la solitude du quotidien. Sa seconde épouse, Hilda... tente de renouer avec sa carrière sous la direction d'un réalisateur à la mode, prétendument féministe. Un tableau sombre des relations de pouvoir, en politique, au cinéma, mais aussi dans le couple, sur fond d'addictions, de domination et de montée de l'antisémitisme. » Laurent Chalumeau [1]
 

Interview de Karine Tuil (extrait)

« Non, ce n'est pas un roman à clé, même si à l’origine de mes romans il y a une inspiration réaliste, parce que je désire comprendre ce qui dans la société me perturbe. Pour ce livre-là, j’ai rencontré en un laps de temps assez court des conseillers politiques et d’anciens présidents de la République, et j’ai eu envie d’écrire sur l’après-pouvoir : le vide existentiel, l’agenda qui ne compte plus de rendez-vous majeurs, la fin d’une forte exposition médiatique. Dans la même période, j’ai, pour des raisons professionnelles, rencontré beaucoup de gens du cinéma, et l’envie m’est venue de décrire ces deux cercles du pouvoir. »

Notes et renvois
[1] Laurent Chalumeau, romancier, scénariste et dialoguiste.

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L'automne au mont Myon

 

L’automne me berce de son chant nostalgique
Dans la douce mélancolie qui se dégage
De ces arbres maintenant effeuillés, sans âge,
Fantômes nocturnes aux formes fantastiques.


Plus loin, les touches violacées des colchiques
Parsèment au hasard l’herbe d’une prairie
D’où émergent de longues tiges d’angéliques
Dressant leurs corolles fleuries comme un défi.


Je progresse le long d’un sentier pour charrois
Dans d’épaisses mousses tapissant le sous-bois,
Dans le contraste d’une superbe saison
Abandonnant avec regrets ses frondaisons.


Finie la clarté dorée des temps insolés
Baignés par l’aveuglante torpeur de l’été,
La forêt prend des poses, des teintes cuivrées
Qui virent du jaune-orangé au mordoré.


Petit à petit, sur la terre humide règnent
Les sphaignes spongieuses jonchées de châtaignes,
recouvertes des feuilles tombées de la veille,
Proposent un vrai spectacle à nul autre pareil.


La saison avance, tout s’étiole et décline
Dans la pâleur diaphane d’un temps de bruine,
En pulsant comme un cœur qui vit au ralenti,
Les bruits alors s’amenuisent, deviennent sourds,
Les pas se font plus lourds, les doigts deviennent gourds,
La forêt frissonne, tout petit à petit s’évanouit.

La brume éparse s’étire sans façon,
Voile souvent le matin le sommet du mont
Mais cependant, quand tout nous paraît assoupi
La nature, belle endormie, grouille de vie.


*** Voir également ***

Document utilisé pour la rédaction de l’article * L’automne en Revermont V1  --       

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Patrick Modiano, Paris des jours et des nuits

 Référence : Patrick Modiano, Paris des jours et des nuitsGallimard Quarto, septembre 2024 

        

Pour le dixième anniversaire de la remise du prix Nobel, Patrick Modiano a réuni dix de œuvres dans un ensemble dont le fil conducteur repose sur des histoires qui se déroulent dans le Paris des années1953-1972.

On y retrouve l’atmosphère propre aux romans de Modiano, les années d’après-guerre, une certaine nostalgie d’un temps révolu, des personnages souvent ordinaires qui ont vécu des vies qui ne le sont pas forcément. Sa vision de Paris n’a rien d’une toile de fond, c’est un personnage central dans la peinture qui s’en dégage, un élément essentiel de son identité littéraire.


Patrick Modiano 
à Paris devant chez lui

Même si les lieux traversés sont facilement identifiables, Modiano nous offre un Paris passé au filtre de sa mémoire et de ses traces évanescences. Des photographies en tête de l’ouvrage accompagnées de notes de l'écrivain, se dessinent une géographie personnelle de Paris à partir de ses souvenirs. Son œuvre, de 1968 à aujourd’hui, entre réel et retranscription, entre palpable et insaisissable, prouve bien qu’on se trouve dans une autobiographie qui s’insère dans une géographie réinventée, dans des lieux qui ont évolué et diffèrent des images mnémoniques qui interrogent Modiano.

Aux neuf romans parus entre 1982 et 2019 s'ajoute un récit inédit, Brassaï de la nuit qui établit un lien dynamique entre texte et images. Patrick Modiano revient sur le travail de ce photographe dont il dit qu’il « transmettrait très loin dans le temps… les lumières noires et blanches de Paris ».

        

Les ouvrages retenus :
- Années 1980-90 : De si braves garçons, Quartier perdu, Voyage de noces, Brassaï de la nuit, Un cirque passe, Du plus loin de l'oubli, Des inconnues
- Années 2000-20 : La Petite Bijou, Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier, Encre sympathique

- De si braves garçons (1982) : A la recherche de compagnons d’internat 20 ans après.
- Quartier perdu (1985) : Jean Dekker alias l'écrivain anglais Ambrose Guise se tourne sur son passé 20 ans après : tout un quartier perdu de la mémoire est ainsi revisité pour "apprivoiser son passé".
- Voyage de noces (1990) : Avis de recherche " Ingrid Teyrsen, seize ans, 1,60 m. Un voyage de noces pour passer dans la zone libre. Jean part sur les traces de cette femme qu'il a connue et qui vient de se suicider.
- Brassaï de la nuit (cf ci-dessous)
- Un cirque passe (1992) : Jean et Gisèle, ancienne écuyère, ses amis pas très recommandables, se rencontrent et se quittent … un cirque passe…
- Du plus loin de l'oubli (1996) : Entre Londres et Paris, un couple sans passé renoue 15 ans après pour une courte période. "Que sont mes amis devenus"...

- Des inconnues (1999) : Trois inconnues un peu paumées, « en manque d’existence »,  que Modiano s'efforce de cerner.
- La petite bijou (2001) : Thérèse, la petite bijou, une femme hantée par son passé, pense avoir retrouvé sa mère qui l’a abandonnée jadis.
- Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier (2014) :
 Un carnet d’adresse retrouvé renvoie Daragane à son enfance, à Annie Astrand avec qui il avait fui en Italie.
- Encre sympathique (2019): Un détective Jean Eyben tente de retrouver Noëlle Lefebvre disparue depuis longtemps. Quelques éléments de vérité se dévoilent enfin comme une encre sympathique qui révèle peu à peu des pans d'information.

    

Patrick Modiano et Brassaï, Paris Tendresse

Référence : Patrick Modiano & Brassaï, Paris Tendresse, éditions Hoëbeke, Paris, 90 pages, novembre 1990
Album de photographies prises à Paris par Brassaï dans la période 1930-40, avec un texte écrit par Modiano en 1990. Modiano évoque Brassaï (1899-1984), photographe né en Transylvanie alors situé en Hongrie.

Patrick Modiano a repris son texte en 2022, intitulé cette fois « Brassaï de la nuit » et figure en tête de l’album Brassaï, 100 photos pour la liberté de la presse, publié par Reporters sans frontières.

Les photos permettent à Patrick Modiano de renouer avec l’ambiance du Paris de l’entre-deux-guerres, ses petits truands, ses faits divers, des lieux comme Le bal Tabarin...
Il écrit de Brassaï qu’il appartient à la race des artistes qui ne se laissent pas déborder par la technique, quelques bouts de ficelle et ils font éclore la magie . »

Modiano parle de son père s’échappant d’une caserne d’Angoulême en août 1940, et sa mère, jeune actrice belge : « Elle me disait qu’après son arrivée à Paris, les jours où elle éprouvait le mal du pays, elle se réfugiait dans deux cafés, l’un quai d’Austerlitz, l’autre quai des Grands-Augustins, pour entendre les mariniers parler flamand. »                                                     ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Référence : Patrick Modiano, Romans, Gallimard Quarto, mai 2013

Patrick Modiano avait déjà publié en 2013 une compilation regroupant dix de ses romans.

Voici la présentation qu'en fait Patrick Modiano :

« Ces "romans" réunis pour la première fois forment un seul ouvrage et ils sont l'épine dorsale des autres, qui ne figurent pas dans ce volume. Je croyais les avoir écrits de manière discontinue, à coups d'oublis successifs, mais souvent les mêmes visages, les mêmes noms, les mêmes lieux, les mêmes phrases reviennent de l'un à l'autre, comme les motifs d'une tapisserie que l'on aurait tissée dans un demi-sommeil.

Les quelques photos et documents reproduits au début de ce recueil pourraient suggérer que tous ces "romans" sont une sorte d'autobiographie, mais une autobiographie rêvée ou imaginaire. Les photos mêmes de mes parents sont devenues des photos de personnages imaginaires. Seuls mon frère, ma femme et mes filles sont réels.
Et que dire des quelques comparses et fantômes qui apparaissent sur l'album, en noir et blanc ? J'utilisais leurs ombres et surtout leurs noms à cause de leur sonorité et ils n'étaient plus pour moi que des notes de musique.
»
 

Les ouvrages retenus :
- Années 1980-90 : 
Villa triste (1975) , Livret de famille (1977), Rue des boutiques obscures (1978), Remise de peine (1988)Chien de printemps (1993), Dora Bruder  (1997)
- Années 2000 : Accident nocturne (2003), Un pedigree (2005),
Dans le café de la jeunesse perdue (2007), L'horizon (2010).
 

*** Voir également ***
Document utilisé pour la rédaction de l’article  
* Mon site Patrick Modiano --       

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dimanche 19 octobre 2025

Arturo Perez-Reverte, L'Italien

 Référence : Arturo Perez-Reverte, L'Italien, éditions Gallimard, Collection Le monde entier, traduction Robert Amutio, 448 pages, août 2024 

       Arturo Perez-Reverte en 2024

« Les livres de Dumas sont les premiers que j'ai lus quand j'étais jeune... Dumas m'a laissé une certaine façon d'entendre la littérature (...) et surtout la manipulation de l’histoire et l'introduction des éléments forts. »

Arturo Perez-Reverte est surtout connu pour sa suite romanesque intitulée Les Aventures du capitaine Alatriste, mélange de roman historique et de roman picaresque, peinture de l'Espagne du Siècle d'or (XVIIe siècle). Elle comprend sept tomes publiés dans la période 1990-2010. [1]

Journaliste et correspondant de guerre, il a longtemps bourlingué pendant une vingtaine d'années (1973-94) [2] avant de se consacrer à l'écriture. Dans ses articles, il dénonce beaucoup de pratiques progressistes comme 
le néolibéralisme ou 
l'Union Européenne, comparant l'immigration en Europe aux invasions barbares, origine de la chute de l'Empire romain, prônant la lutte contre l'islam. 

          L'Italien        Une affaire d'honneur      Territoire Comanche

« Nuits noires et mers noires, pas bleues, comme si cette couleur avait disparu pour toujours de l’univers ».

Dans L'Italien, il évoque un épisode de la Seconde guerre mondiale illustrant la lutte entre des plongeurs italiens et la marine anglaise. La trame narrative repose sur une jeune femme Elena Arbués qui vient en aide à un italien Teseo Lombardo impliqué dans une opération navale contre la Royale Navy. En l'aidant, elle s'engage dans une voie dangereuse.

Une histoire de guerre et d’amour ? Certes... ou alors, une référence historique, la légende celle d'Ulysse rejeté par la mer après un naufrage dans L’Odyssée, puis recueilli sur les côtes du royaume phéacien par une jeune femme, Nausicaa, retour du mythe du héros, Teoso «
 corps dur et musclé, cheveux mouillés, profil de statue grecque, bien ciselé, sur lequel le bronze d'un casque antique s'adapterait naturellement. »

Car nous dit Agnès Séverin (du site Viabooks.fr), « un agent à la solde de Mussolini n’en est pas moins patriote. Après sa chute, les amis d’hier deviennent des ennemis. Les Anglais, dans le camp de la liberté, continuent (quand même) de se faire haïr. »

En tout cas, sur le plan structurel, la narration alterne entre le récit de la liaison entre Elena et Teseo et celui du narrateur qui enquête et tente d'en reconstituer les événements à travers d es témoignages.

Notes et références
[1] Série constituée de : Le capitaine Alatriste,  Les Bûchers de Bocanegra, Le soleil de Bréda, L’or du roi,  Le Gentilhomme au pourpoint jaune, Corsaires du Levant, Le Pont des assassins.
Un tome 8 "Mission à Paris" est en préparation

[2] On peut citer 
la première guerre du golfe, la Croatie et la Bosnie, Chypre et le Liban, les Malouines, Les guerres d'Afrique et d'Amérique latine.

Voir également
* Teseo Tesei -- * Critique sur WP --

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Françoise Frenkel, Rien où poser sa tête

 Référence : Françoise Frenkel, Rien où poser sa tête, Editions Gallimard, collection « L’Arbalète », 336 pages, octobre 2025

« Un fond de sadisme doit être caché en tout homme pour se dévoiler lorsqu'une occasion se présente. » (p. 129)

Un livre rescapé, comme son héroïne elle-même, et sa fuite éperdue pendant les années de guerre, ressuscité après des années de purgatoire. Et republié soixante-dix ans après sa publication à Genève[1]

Cette polonaise qui a fait ses études à Paris, grande admiratrice de littérature française, ouvre une librairie française en 1921 qui devient rapidement un centre littéraire renommé. [2] Mais, l’atmosphère en Allemagne devient vite irrespirable, surtout pour une juive comme elle et elle fuit ce pays en 1939.  

Dès lors, c’est une fuite aléatoire sans savoir où elle va bien pouvoir, souffler « et poser sa tête. »  Elle réussit toutefois à passer en Suisse. Tantôt dénoncée, tantôt secourue, emprisonnée avant d’être incarcérée. Elle est loin de perdre espoir, écrivant « Ce voyage au tribunal fut pour nous une réelle récréation. Il offrait l'occasion de quitter pour des heures la prison, de contempler le soleil, la forêt, les champs, les Alpes avec leurs cimes neigeuses, l'hiver dans toute sa splendeur. » (p. 212)

Elle sera enfin libérée, rencontre des Français antagonistes, que la guerre divise. C’est ce quotidien qu’elle relate avec autant de sensibilité que d’objectivité.

Ce témoignage conserve, miraculeusement intacts, la voix, le regard, l’émotion d’une femme qui réussit à échapper à un destin tragique. Elle évoque par exemple la pratique épistolière des Français, « 
On écrivait partout, tout le monde écrivait. » 
(p 71) [3]

Notes et références 
[1] C'est un niçois Michel Francesconi qui dénicha un exemplaire de ce livre dans un vide-greniers et fut la base de sa diffusion.

[2] Librairie qu'elle tint avec son mari Simon Raichenstein qui sera raflé à Paris en juillet 1942 et mourra en déportation un mois plus tard. 
[3] Dans sa préface, Patrick Modiano écrit :« À notre époque, l'écrivain... s'interpose sans cesse entre ses
œuvres et ses lecteurs et devient un voyageur de commerce. On regrette le temps de notre enfance où on lisait Le trésor de la Sierra Madre signé sous un faux nom "B Traven", par un homme dont ses éditeurs eux-mêmes ignoraient l'identité. » 

 À voir également
* Biographie --

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