Référence : Roland Cayrol, "Tenez enfin vos promesses", éditions Fayard, janvier 2012, 224 pages, isbn 2213663165
Roland Cayrol, fondateur et ex-directeur de l’institut de sondage CSA, actuel directeur du Centre d’Etudes et d’Analyse -le Cetan- , conseil en stratégie et en communication, porte son regard d’homme d'expérience sur les relations difficiles entre les Français et leur classe politique. Des politiques, écrit-il qui sont « craintifs du peuple et vivant trop souvent à l’écart de ses préoccupations, dans une bulle pour privilégiés et selon des règles qui les mettent à l’abri du regard de leurs mandats ». Le jugement est sévère.
Selon son analyse, le système français est mal en point et éloignent les citoyens de la politique [1] : les problèmes sont récurrents, on en parle beaucoup sans jamais les traiter vraiment comme le cumul des mandats, les conflits d'intérêts, les privilèges, mainmise des élites sur le pays, qui perpétuent la domination d'une caste à caractère fortement masculin et bourgeois. [2]
Les Français n'ont plus guère confiance et constatent les liens étroits entre l'argent et la politique, les privilèges dont bénéficient leurs représentants. Mais la méfiance est à double sens, les politiques reprochant aux citoyens de rejeter des réformes portant nécessaires dans un monde en pleine évolution. Les élections qui approchent en ce début d'année 2012 seront-elles à la hauteur pour répondre à ces interrogations et définir des programmes qui sachent rassurer et apporter des solutions opérationnelles allant au-delà que des promesses électorales par nature difficiles à tenir.
Roland Cayrol pense que cette fois pour la présidentielle de 2012, les Français dans le contexte de la crise et parce qu'ils ont encore en tête l'épisode de 2002, préféreront voter utile dès le premier tour. [3] Mais les électeurs veulent aussi des réponses à leurs préoccupations immédiates, donc à la crise économiques actuelle et ne se satisferont plus de promesses électorales comme ils en ont l'habitude. [4]
Dans l'Express, Philippe Alexandre constate que Roland Cayrol regrette que les Français « optent majoritairement pour une dictature à la romaine mâtinée de suffrage universel ». Il n'apprécie guère la primauté d'un système présidentiel dont il dénonce les dérives et des hommes politiques qui parlent de rigueur et d'austérité mais « n'ont pas l'air de s'appliquer à eux-mêmes ce vertueux discours ».
Au fil des élections, Les Français ont pris plus d'autonomie, ce qui ne facilite pas la tâche des organismes de sondage, ce fonds réactif, surtout dans le vote de rejet, qui dit-il, « est dans nos tripes mais que condamnent notre intelligence et notre sensibilité, » dilemme qui complique le choix de l'électeur. Aussi préconise-t-il des projets "sérieux", précis et chiffrés, dans des domaines comme par exemple la santé et les mécanismes de l'Assurance maladie, pour « savoir où l'on va. » [5]
Dans ses dernières interviews, Roland Cayrol estime que les Français restent méfiants vis-à-vis des hommes politiques qui ont tendance à 'oublier' leurs promesses, à développer des slogans comme "produire français" sans analyse préalable et que l'événementiel a peu d'impact sur l'opinion publique comme par exemple les ventes d'avions 'rafales'. [6] Il fait aussi la différence entre un homme de parti comme François Copé et un homme d'opinion comme François Fillon.
La démocratie doit être avant tout tournée vers la bataille d'idées, pour trancher sur le fond et faire des choix essentiels. Les Français s'intéressent davantage à la nouvelle génération, est sensible aux signes que peut donner la classe politique, 'petits' signes comme la diminution des salaires ou plus significatifs comme la définition d'une charte de déontologie qui deviendrait opposable à terme.
Ce qui veut dire d'abord, faire une analyse de la société française et répondre à la question préalable : « de quoi a-t-elle besoin ? » [7] En cette période de crise durable, le principal souci des électeurs est de choisir le meilleur pour poser les bases d'une sortie de crise, au-delà des jeux de communication, des problèmes institutionnels et des promesses conjoncturelles. [8]
Notes et références
[1] Il ajoute ce sous-titre significatif : "Essai sur les pathologies politiques françaises"
[2] Voir son livre "Le grand malentendu : les Français et la politique", où déjà en 1994, dans un contexte fort différent, son analyse rejoignait celle qu'il développe dans cet ouvrage
[3] Voir l'article du Parisien du 3 mars 2012 : « Le vote utile pèse beaucoup »
[4] Voir l'article de Joël Aubert du 24 mai 2012 paru dans Aqui.fr
[5] Philippe Alexandre, l'Express du 16 mars 2012
[6] Voir son interview par Ruth Elkrief du 1 février 2012 avec Jean-Luc Bennahmias sur BFM.tv
[7] Voir son interview par Ruth Elkrief du 25 mai 2012 avec Jacques Séguéla sur BFM.tv
[8] Voir son interview au salon du livre de Paris le 18 mars 2012
Bibliographie
- "François Mitterrand 1945-1967", Presses des sciences politiques, 1967, 173 pages, ainsi que "François Mitterrand et la guerre d'Algérie"
- "Les sondages d'opinion", Bureau d'Etudes de la R.T.B.F., 178 pages, 1981
- "Le grand malentendu : les Français et la politique", Le Seuil, 185 pages, 1994
- "Médias et Démocratie, la dérive", Presses de Sciences-Po, 1997
- "Sondages, mode d'emploi", Presses De Sciences Po, 136 pages, mars 2000
- "La nuit des politiques", Hachette, 2006
- "La nuit des politiques", Hachette Littérarure, mai 2006, isbn 978-2012372313
- "La revanche de l'opinion : Médias, sondages, Internet", avec Pascal Delannoy, Jacob-Duvernet, 205 pages, octobre 2006, isbn 2847241213
- Joël Aubert 24/5/2012
- Cayrol-Perrineau
<<< Christian Broussas - Feyzin - 20 février 2012 - <<< © • cjb • © >>>
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