Cette biographie de Joseph Fouché écrite par l'historien Jean Tulard,
membre de l'Institut et directeur de l'institut Napoléon, apporte le
regard d'un historien qui connaît particulièrement bien cette époque et
apporte sa vision des relations entre Fouché et Bonaparte puis Napoléon.
Joseph Fouché, miniature sur ivoire, par Jean-Baptiste Sambat
Il essaiera toujours de se rapprocher du pouvoir, pour « vouloir être de tout » comme le déclarera un jour Napoléon Ier. Cette soif de pouvoir lui jouera des tours par son comportement extrémiste pendant la Terreur à Nevers et à Lyon qu'il traînera toujours comme un boulet ou les deux disgrâces qu'il subira sous l'Empire comme ministre de la police.
Sa science de l'intrigue lui permettra souvent de revenir au premier plan, pendant les Cent-Jours [1] par exemple, il multiplia les manœuvres, devenant pour un temps le ministre de la police de Louis XVIII.
Dans cet ouvrage, Jean Tulard s'attache plus à présenter une histoire de la police entre 1793 et 1815 qu'à cerner la personnalité de Joseph Fouché.
De quoi largement brouiller une image qui était déjà difficile à cerner. [4]
L'historien Jean Tulard
À Arras, Fouché se lie avec Robespierre qui lui présente sa sœur Charlotte avec qui il a une relation amoureuse sans suite. Fouché prête même de l'argent à Robespierre, nouvel élu aux États généraux. Ainsi serait née la rivalité entre les deux hommes, un contentieux datant de l'époque d'Arras. Revenu à Nantes, il préside le Club des Amis de la Constitution, se marie avec une jeune bourgeoise fort laide Bonne-Jeanne Coiquaud et finit par se faire élire à La Convention comme modéré, ce qui ne fut du goût de Robespierre. En ces premiers combats entre Girondins et Montagnards, Fouché penche pour ces derniers et prend une grave décision lourde de conséquences, qui le poursuivra toute sa vie : voter la mort du roi, devenir régicide. De l'épreuve de force engagée entre la Convention et la Commune, celle-ci en sort vainqueur, le régime se radicalise et Fouché aussi.
Le 24 juin 1793, il part en mission dans le centre et l'ouest où il joue un jeu de balance entre modération et radicalisme, mettent les riches à contribution et attaquant 'les superstitions religieuses' [6]. Mais c'est à Lyon qu'il va donner toute sa mesure, Lyon révoltée contre la Convention [7], Lyon où il arrive en novembre 1793 avec Collot d'Herbois. On estime à 1604 les victimes guillotinées ou mitraillées au canon pendant son passage à Lyon [8].
Robespierre exécuté
De retour à la Convention, Fouché constate la puissance de Robespierre... et les rangs clairsemés de l'Assemblée [9]. Après une pénible entrevue avec Robespierre [10], Fouché comprend qu'entre eux, c'est la guerre. Il va largement participer au complot qui va abattre Robespierre et ses amis le 9 thermidor an II (27 juillet 1794). Il sauve ainsi sa tête. Mais le Directoire le range parmi les Montagnards et il doit faire face à une violente attaque de Tallien. Il se garde bien de prendre part 'aux émeutes de la faim' [11] car écrit Jean Tulard, « il est un homme d'intrigue au sein du sérail, pas un émeutier. » (page 76)
Lors du complot royaliste du 13 vendémiaire, il est aux côtés de Barras et de Bonaparte qui écrase l'insurrection. Il n'en tira aucun profit immédiat, avait encore une fois sauvé sa tête mais se retrouvait sans ressources et allait vivre une des périodes les plus noires de sa vie. Cependant grâce à l'appui de Barras, il sera peu de temps ambassadeur à Milan puis en Hollande avant que le Directoire, toujours sur l'impulsion de Barras, ne le nomme ministre de la police [12]. C'est à ce poste qu'il va donner toute sa mesure.
Comme l'écrit Jean Tulard « le choix de Fouché, en plein offensive jacobine, n'avait pas surpris, en raison de son passé. » (page 108) L'objectif assigné à Fouché est particulièrement difficile à atteindre : « Arrêter la Révolution, contenir les royalistes à droite, paralyser les jacobins à gauche. » C'est, par un jeu de balance qu'il connaît bien [13], ce qu'il va faire. La situation politique est tendue et Sieyès décide d'organiser un coup d'État en s'appuyant sur Bonaparte et Fouché : ce sera le 18 brumaire [14] dont Bonaparte tirera finalement tous les bénéfices. Pour Fouché, l'essentiel est atteint : il conserve son ministère sous le Consulat.
Il vise d'abord les Jacobins puis pourchasse les royalistes, procède à l'arrestation de deux de leurs chefs, Dupérou et le chevalier de Coigny, ainsi que le journaliste Joseph Fiévée [15] qui fut aussi un agent secret [16]. Bonaparte est aux anges, il lui écrit « ma confiance en vous est sans bornes. » [17] Mais la fausse nouvelle de la défaite de Marengo, où Fouché est prêt à abandonner Bonaparte pour s'allier avec Talleyrand et un obscure sénateur Clément de Ris [18] va ternir leurs relations.
Le Consulat met rapidement en place une réforme des structures policières et crée le poste de "Préfet de police de Paris" qui pourrait faire de l'ombre au ministre de la police qui va s'efforcer le conserver de leadership à Paris. Mais cette dualité est quand même synonyme de rivalité entre services de polices.
De toute façon, « la vie d'un ministre de la police n'était pas de tout repos sous le Consulat. Fouché s'efforce de dominer les événements, « les mesures de sûreté seront prises avant que vos ennemis puissent agir mais il faut se presser d'organiser nos forces. » [19]
À l'agitation jacobine succède l'attentat meurtrier de la rue Saint-Nicaise [20] est est immédiatement attribué aux Jacobins [21]. Le 24 décembre 1800, Bonaparte va voir un concert de Haydn à l'Opéra. La voiture du Premier consul était passée depuis peu quand une explosion ravagea une partie de cette petite rue [22]. Seul Fouché sait d'où vient le coup et parvient à démanteler le complot royaliste et arrêter bon nombre de conspirateurs. Grande victoire mais de courte durée. La guerre des polices fait rage entre lui et Dubois le préfet de police de Paris mais là encore, Fouché arrive à le prendre de vitesse pour dénoncer un nouveau complot. [23]
Fouché va s'opposer à Bonaparte en deux occasions importantes, d'abord pour éviter la signature du Concordat puis contre le Consulat à vie [24], ce que le Premier consul digère mal Aussi il profite de la paix d'Amiens signée le 25 mars 1802, pour supprimer le ministère de la police. Fouché se retrouve 'chômeur'. Disgrâce relative quand même : il devient sénateur et reçoit la sénatorerie d'Aix-en-Provence au revenu annuel de 25 000 francs.
Son retour en grâce, Fouché le doit à son initiative consistant devant le Sénat à demander à Bonaparte le 27 mars 1804 « d'achever son ouvrage en le rendant immortel. » Et le 2 décembre 1804, Fouché assiste au sacre de Napoléon dans la tenue réservée aux ministres pour les cérémonies. Dès son retour, Fouché réorganise et étend son ministère pour en faire une véritable machine de police politique, ayant maintenant sous ses ordres Réal [25], l'ex préfet de police Dubois et un ancien conventionnel modéré Pelet de la Lozère qui ne se fait guère d'illusions sur Fouché. [26]
Tous les matins, Fouché remet à Napoléon un compte-rendu regroupant les informations provenant des rapports de la gendarmerie et des préfets, des bulletins de la préfecture de police ainsi que de ses agents secrets [27]. La guerre des polices se rallume entre Dubois et Fouché, culminant dans l'affaire du complot du général Malet [28], que Fouché minimise et que Dubois monte en épingle [29]. Mais Napoléon se suit pas son ministre, plutôt contrarié par son attitude. [30]
1808 : Napoléon va se fourrer dans le guêpier espagnol. Fouché n'est pas chaud pour cette intervention, contrairement à Talleyrand [31] et il distille subtilement ses inquiétudes dans son bulletin quotidien remis à l'empereur. Quoi qu'il en soit, vu la tournure désastreuse des événements, ils sont très très inquiets et l'incroyable se produit : le 20 décembre 1808, ils tissent une alliance au cas où l'empereur ne reviendrait pas d'Espagne [32]. Aussitôt alerté, Napoléon revient à Paris à brides abattues. L'accueil est plutôt froid.
Napoléon sévit contre Talleyrand mais -pour le moment- ménage Fouché. Rapidement la guerre reprend avec l'Autriche et Cambacérès qui assure "l'interim", est vite dépassé et à compter du 29 juin 1809, c'est Fouché qui assume cette responsabilité. Dans ce rôle, il est parfait, réagissant avec vigueur, mobilisant la garde nationale pour endiguer un débarquement anglais dans le nord du pays. Récompense immédiate : Fouché est fait duc d'Otrante [33], petite localité des Pouilles en Italie. Mais il en fait trop [34], voulant tenter une paix avec l'Angleterre sans l'accord de Napoléon qui réagit violemment [35].
Fouché est destitué et se retrouve gouverneur des États romains. Survient alors un épisode assez rocambolesque où Fouché se joue de Savary son successeur, brûle et subtilise des documents importants qui lui sont réclamés et qu'il ne veut pas rendre. Napoléon ne peut le supporter et lui envoie Savary, le duc de Rovigo. Fouché prend la fuite en Italie pendant plusieurs semaines et finit par rejoindre sa sénatorerie d'Aix-en-Provence. De toute façon, selon Jean Tulard, Fouché n'était pas assez docile pour cautionner l'évolution de l'Empire en 1810 vers un régime autoritaire, rôle que Savary remplit pleinement. (page 255) [36]
Depuis sa disgrâce, Fouché mène une vie de riche rentier entre Aix-en-Provence et son château de Ferrières-en-Brie près de Paris dans la Seine-et-Marne. Le 10 octobre 1810, il a la douleur de perdre sa femme [37] qui l'a suivi dans toutes les grandeurs et les vicissitudes qu'il a connues mais il ne va pas tarder à se remarier avec une jeune et belle aristocrate qu'il rencontre lors d'un de ses séjours à Marseille Gabrielle-Ernestine de Castellane [38].
Il continue de suivre les affaires politiques de près et la déconfiture de Savary lors de la seconde conjuration du général Malet [39] en 1812, ne peut que le réjouir [40]. Ceci d'autant plus qu'à Paris, certains le regrettent.
Si Napoléon le rappelle pendant la campagne d'Autriche, juste après la victoire de Lützen le 2 mai 1813 [41] c'est qu'il le considère comme un homme dangereux pour lui et qu'il veut l'éloigner de Paris. Il va alors le 'promener', l'envoie à Prague puis le nomme gouverneur des Provinces Illyriennes [42] où Fouché fait en peu de temps un travail remarquable, jouant comme à son habitude des intérêts de chacun pour diriger et asseoir son autorité [43]. Mais la guerre reprend avec l'Autriche et il faut évacuer. Les Provinces Illyriennes n'existent plus. Fouché quitte sa capitale Laybach [44] et se replie sur Bologne dans le nord de l'Italie. Il sait que la France sera vaincue et que Napoléon est perdu. Comme solution de rechange, il pense à Murat le roi de Naples marié à sa sœur Caroline pour assumer le pouvoir. Mais Murat [45], après plusieurs tergiversations [46] ne pense qu'à sauver son Royaume de Naples et se rallie finalement à la coalition. IL en sera finalement déchu en mai 1815, après sa défaite à la bataille de Tolentino.
Fouché déplore « le peu de succès de sa mission » à Naples, tout en laissant agir Murat [47], « en virtuose du double jeu » [48] ajoute Jean Tulard. Il tente alors de joindre les maréchaux hostiles à l'empereur, Bernadotte puis Augereau le duc de Castiglione, à Lyon où il se rend [49] mais il est trop tard : lorsqu'il arrive à Paris, Talleyrand occupe déjà la place.
Talleyrand s'est débrouillé pour rester à Paris; c'est lui qui tient les cartes en mains [50]. Fouché se bat, prend des contacts avec un royaliste influent, le baron de Vitrolles [51]. Il intrigue auprès des royalistes pour récupérer le ministère de la police, essayant de leur démontrer qu'il est l'homme de la situation. Au mois d'août 1814, des nouvelles relations se nouent entre Fouché et Talleyrand qui dînent ensemble, « on m'assura, indique le comte Beugnot récemment nommé ministre de la police, que lorsque le duc d'Otrante est à Ferrières, sa correspondance avec Paris est fort active. » [52]
Le plus souvent à Ferrières, il y mène une vie apparemment retirée, dans cette propriété qu'il a peu à peu agrandie, entretenant maintes correspondances [53] En réalité, il est en relations avec Talleyrand alors à Vienne, avec Maret, le duc de Bassano et penche pour une régence avec l'impératrice Marie-Louise. Mais le retour de Bonaparte, « le vol de l'aigle de clocher en clocher » anéantit ses projets. Son idée est alors de se rallier à Bonaparte pour mieux le trahir [54] mais le roi, méfiant, préfère le mettre en arrestation. Suit un épisode curieux où Fouché parvient à berner les policiers venus l'arrêter en s'enfuyant de son domicile par une échelle. Peut-être se demande Jean Tulard, ceci ne fut qu'une mise en scène pour dédouaner Fouché avant le retour de l'empereur [55].
Bien qu'il eût préféré les Affaires étrangères, voilà de nouveau Fouché ministre de la police pendant les Cent-Jours. En subtil politique, il sait à quoi s'en tenir sur les chances de Napoléon, il pressent la défaite et l'exil, en décrit les étapes à Thibaudeau et au chancelier Pasquier [56]. Dans cette période particulièrement trouble, Fouché tisse sa toile et c'est Napoléon lui-même qui lui remet l'acte d'abdication en faveur de son fils. Il va alors mettre tout son talent à rétablir les Bourbons, « allez trouver le roi dit-il à Vitrolles, vous lui direz que nous travaillons pour son service. » [57]
Le 6 juillet 1815, en compagnie de Talleyrand, il dîne chez Wellington. La messe est dite. Quand Louis XVIII apparaît flanqué de Talleyrand et de Fouché, « le vice appuyé sur le bras du crime » [58], les royalistes sont ulcérés, mortifiés [59] et Joseph de Maistre aura cette remarque : « Il faut convenir que Sa Majesté Très Chrétienne figure tristement au milieu de ces deux acolytes. » [60]
Fouché est le point de mire des ultras qui veulent leur revanche pendant la Terreur blanche [61]. Il fait le grand écart entre l'établissement des listes de proscrits et l'aide à ses amis inscrits sur ces listes. Il croit avoir l'appui du roi contre les ultras et désire aussi par un mariage sceller son appartenance au nouveau régime.
Elle, Gabrielle-Ernestine de Castellane, est issue d'une branche de la maison de Provence, mais pauvre, lui est très riche et rêve de conforter sa position sociale : ils sont faits l'un pour l'autre. Pendant ce temps, les ultras réalisent un raz-de-marée aux élections à la chambre des députés, en profitent pour s'en prendre à Fouché et réclament son départ. Dès lors, ses jours sont comptés. Vitrolles a raconté cette séance mémorable où Talleyrand distille les allusions, de plus en plus précises, savourant ses effets. Mais Fouché avait compris depuis longtemps, son sort venait de se jouer [62]. Il est finalement nommé à Dresde en Saxe, ravale son orgueil et accepte son nouveau poste [63].
L'exil commence [64]. Il reste peu de temps à Dresde, les ultras ayant voté une loi qui exclut de l'amnistie les régicides. Fouché, révoqué, part à Prague où il espère bénéficier de la protection de Metternich mais vite fatigué de la ville après une rupture avec son ami Thibaudeau, il s'installe à Linz charmante petite bourgade autrichienne. Il en repart bientôt pour Trieste où il a résidé et qu'il a pu apprécier par le passé mais « c'est un homme brisé qui arrive à Trieste en novembre 1819. » [65] Il ne survivra que peu de temps à cette dernière épreuve.
Fouché, cet homme si décrié, qui passe encore aujourd'hui pour une espèce de Machiavel, peut-il être considéré comme un homme d'État ou comme un opportuniste, se demande Jean Tulard ? Lui qui porta l'estocade à Robespierre, sut résister à Napoléon, lui qui fit preuve d'une grande lucidité à des moments critiques [66], « a davantage profité des circonstances qu'il ne les a créées. »
Son mythe repose surtout sur un pouvoir nouveau pour l'époque, qu'il manie avec dextérité : la police politique. Avec lui, avec ses talents d'organisateur, il fait de cette police un redoutable instrument, une machine à renseignements qui déjoue les complots. « On pourrait, dit Jean Tulard, écrire l'histoire intérieure du Consulat et de l'Empire en n'utilisant que les bulletins quotidiens que Fouché adressait à Napoléon. »
« C'est un politique. La diplomatie le fascine » ajoute-t-il. Il rêva d'être ministre des Affaires étrangères, tenta de négocier avec les Anglais, ce qui lui valut d'être disgracié, mena les négociations en 1815 pour rétablir les Bourbons. Ce fut sans doute son grand regret. On lui reprocha toujours d'avoir été un régicide et le mitrailleur de Lyon [67]. Napoléon fera ce commentaire à Sainte-Hélène : « L'intrigue était aussi nécessaire à Fouché que la nourriture. » Il aime se singulariser, complote contre Robespierre le 9 thermidor [68], conseille Barras le 13 vendémiaire [69] et l'abandonne le 18 brumaire [70] au profit de Bonaparte.
Ce ne fut pas toujours le cas. Au début du Directoire, il dut recourir aux bonnes grâces de Barras, tant il se trouvait dans le besoin [72] et même si l'on peut affirmer qu'il avait hérité de son père 2 000 livres de rente [73].
Comme ministre de la police en particulier, ses revenus ont variés selon sa situation :
Il aime aussi jouer en bourse, recevant parfois des informations de première main : Jean Tulard cite l'exemple d'achat de la rente à 5 % qu'il fit quand il apprit avant tout le monde la victoire de Wagram en 1809.
Outre ses revenus financiers, Fouché avait acquis plusieurs biens immobiliers d'importance :
<><> CJB Frachet - Fouché Tulard - Feyzin - 24/09/2009 - © • cjb • © •• <><>
Joseph Fouché, miniature sur ivoire, par Jean-Baptiste Sambat
1- Présentation de l'ouvrage
Si les livres sont nombreux qui font référence à Joseph Fouché et si de nombreux historiens se sont intéressés à lui, c'est bien sûr qu'il a connu un parcours singulier et une grande longévité à une époque particulièrement dangereuse pour les hommes politiques.Il essaiera toujours de se rapprocher du pouvoir, pour « vouloir être de tout » comme le déclarera un jour Napoléon Ier. Cette soif de pouvoir lui jouera des tours par son comportement extrémiste pendant la Terreur à Nevers et à Lyon qu'il traînera toujours comme un boulet ou les deux disgrâces qu'il subira sous l'Empire comme ministre de la police.
Sa science de l'intrigue lui permettra souvent de revenir au premier plan, pendant les Cent-Jours [1] par exemple, il multiplia les manœuvres, devenant pour un temps le ministre de la police de Louis XVIII.
Dans cet ouvrage, Jean Tulard s'attache plus à présenter une histoire de la police entre 1793 et 1815 qu'à cerner la personnalité de Joseph Fouché.
L'homme Fouché
Le portrait que dressent de lui ses contemporains n'est pas flatteur : « Visage émacié, teint pâle, lèvres minces, paupières lourdes masquant un regard volontairement éteint, tel apparaît Joseph Fouché » (page 7). Son caractère est aussi présenté comme particulier : « Charles Nodier souligne son impassibilité et sa parfaite maîtrise [2] . » Pourtant un homme comme Balzac a dit beaucoup de bien de lui et s'en est largement inspiré, c'est par exemple Contenson le policier de Splendeurs et misères des courtisanes ou Fromenteau dans Les Comédiens sans le savoir. Il est aussi vrai que le mythe du grand policier retors s'en est mêlé. Napoléon dans Le Mémorial de Sainte-Hélène lui donne le rôle du traître et Victorien Sardou dans Madame sans gêne en fait une espèce de Scapin. (page14) [3]De quoi largement brouiller une image qui était déjà difficile à cerner. [4]
L'historien Jean Tulard
2- Description des chapitres
21- De l'oratorien à l'ambassadeur
Joseph Fouché naît dans la commune du Pellerin à quelques lieues de Nantes le 21 mai 1759. En novembre 1781 à la fin de ses études, il entre à l'Oratoire de Paris. « Il était déjà tonsuré, ayant reçu les ordres mineurs. » [5] Entre 1780 et 1789 il professe à l'Oratoire avec de futurs conventionnels comme Billaud-Varennes, Lebon ou Daunou.
Le roi jugé par la Convention
À Arras, Fouché se lie avec Robespierre qui lui présente sa sœur Charlotte avec qui il a une relation amoureuse sans suite. Fouché prête même de l'argent à Robespierre, nouvel élu aux États généraux. Ainsi serait née la rivalité entre les deux hommes, un contentieux datant de l'époque d'Arras. Revenu à Nantes, il préside le Club des Amis de la Constitution, se marie avec une jeune bourgeoise fort laide Bonne-Jeanne Coiquaud et finit par se faire élire à La Convention comme modéré, ce qui ne fut du goût de Robespierre. En ces premiers combats entre Girondins et Montagnards, Fouché penche pour ces derniers et prend une grave décision lourde de conséquences, qui le poursuivra toute sa vie : voter la mort du roi, devenir régicide. De l'épreuve de force engagée entre la Convention et la Commune, celle-ci en sort vainqueur, le régime se radicalise et Fouché aussi.
Le 24 juin 1793, il part en mission dans le centre et l'ouest où il joue un jeu de balance entre modération et radicalisme, mettent les riches à contribution et attaquant 'les superstitions religieuses' [6]. Mais c'est à Lyon qu'il va donner toute sa mesure, Lyon révoltée contre la Convention [7], Lyon où il arrive en novembre 1793 avec Collot d'Herbois. On estime à 1604 les victimes guillotinées ou mitraillées au canon pendant son passage à Lyon [8].
Robespierre exécuté
De retour à la Convention, Fouché constate la puissance de Robespierre... et les rangs clairsemés de l'Assemblée [9]. Après une pénible entrevue avec Robespierre [10], Fouché comprend qu'entre eux, c'est la guerre. Il va largement participer au complot qui va abattre Robespierre et ses amis le 9 thermidor an II (27 juillet 1794). Il sauve ainsi sa tête. Mais le Directoire le range parmi les Montagnards et il doit faire face à une violente attaque de Tallien. Il se garde bien de prendre part 'aux émeutes de la faim' [11] car écrit Jean Tulard, « il est un homme d'intrigue au sein du sérail, pas un émeutier. » (page 76)
Lors du complot royaliste du 13 vendémiaire, il est aux côtés de Barras et de Bonaparte qui écrase l'insurrection. Il n'en tira aucun profit immédiat, avait encore une fois sauvé sa tête mais se retrouvait sans ressources et allait vivre une des périodes les plus noires de sa vie. Cependant grâce à l'appui de Barras, il sera peu de temps ambassadeur à Milan puis en Hollande avant que le Directoire, toujours sur l'impulsion de Barras, ne le nomme ministre de la police [12]. C'est à ce poste qu'il va donner toute sa mesure.
22- Du directoire au Consulat
Comme l'écrit Jean Tulard « le choix de Fouché, en plein offensive jacobine, n'avait pas surpris, en raison de son passé. » (page 108) L'objectif assigné à Fouché est particulièrement difficile à atteindre : « Arrêter la Révolution, contenir les royalistes à droite, paralyser les jacobins à gauche. » C'est, par un jeu de balance qu'il connaît bien [13], ce qu'il va faire. La situation politique est tendue et Sieyès décide d'organiser un coup d'État en s'appuyant sur Bonaparte et Fouché : ce sera le 18 brumaire [14] dont Bonaparte tirera finalement tous les bénéfices. Pour Fouché, l'essentiel est atteint : il conserve son ministère sous le Consulat.
Il vise d'abord les Jacobins puis pourchasse les royalistes, procède à l'arrestation de deux de leurs chefs, Dupérou et le chevalier de Coigny, ainsi que le journaliste Joseph Fiévée [15] qui fut aussi un agent secret [16]. Bonaparte est aux anges, il lui écrit « ma confiance en vous est sans bornes. » [17] Mais la fausse nouvelle de la défaite de Marengo, où Fouché est prêt à abandonner Bonaparte pour s'allier avec Talleyrand et un obscure sénateur Clément de Ris [18] va ternir leurs relations.
Le Consulat met rapidement en place une réforme des structures policières et crée le poste de "Préfet de police de Paris" qui pourrait faire de l'ombre au ministre de la police qui va s'efforcer le conserver de leadership à Paris. Mais cette dualité est quand même synonyme de rivalité entre services de polices.
23- Grâces et disgrâce sous l'Empire
De toute façon, « la vie d'un ministre de la police n'était pas de tout repos sous le Consulat. Fouché s'efforce de dominer les événements, « les mesures de sûreté seront prises avant que vos ennemis puissent agir mais il faut se presser d'organiser nos forces. » [19]
À l'agitation jacobine succède l'attentat meurtrier de la rue Saint-Nicaise [20] est est immédiatement attribué aux Jacobins [21]. Le 24 décembre 1800, Bonaparte va voir un concert de Haydn à l'Opéra. La voiture du Premier consul était passée depuis peu quand une explosion ravagea une partie de cette petite rue [22]. Seul Fouché sait d'où vient le coup et parvient à démanteler le complot royaliste et arrêter bon nombre de conspirateurs. Grande victoire mais de courte durée. La guerre des polices fait rage entre lui et Dubois le préfet de police de Paris mais là encore, Fouché arrive à le prendre de vitesse pour dénoncer un nouveau complot. [23]
Fouché va s'opposer à Bonaparte en deux occasions importantes, d'abord pour éviter la signature du Concordat puis contre le Consulat à vie [24], ce que le Premier consul digère mal Aussi il profite de la paix d'Amiens signée le 25 mars 1802, pour supprimer le ministère de la police. Fouché se retrouve 'chômeur'. Disgrâce relative quand même : il devient sénateur et reçoit la sénatorerie d'Aix-en-Provence au revenu annuel de 25 000 francs.
Son retour en grâce, Fouché le doit à son initiative consistant devant le Sénat à demander à Bonaparte le 27 mars 1804 « d'achever son ouvrage en le rendant immortel. » Et le 2 décembre 1804, Fouché assiste au sacre de Napoléon dans la tenue réservée aux ministres pour les cérémonies. Dès son retour, Fouché réorganise et étend son ministère pour en faire une véritable machine de police politique, ayant maintenant sous ses ordres Réal [25], l'ex préfet de police Dubois et un ancien conventionnel modéré Pelet de la Lozère qui ne se fait guère d'illusions sur Fouché. [26]
Tous les matins, Fouché remet à Napoléon un compte-rendu regroupant les informations provenant des rapports de la gendarmerie et des préfets, des bulletins de la préfecture de police ainsi que de ses agents secrets [27]. La guerre des polices se rallume entre Dubois et Fouché, culminant dans l'affaire du complot du général Malet [28], que Fouché minimise et que Dubois monte en épingle [29]. Mais Napoléon se suit pas son ministre, plutôt contrarié par son attitude. [30]
1808 : Napoléon va se fourrer dans le guêpier espagnol. Fouché n'est pas chaud pour cette intervention, contrairement à Talleyrand [31] et il distille subtilement ses inquiétudes dans son bulletin quotidien remis à l'empereur. Quoi qu'il en soit, vu la tournure désastreuse des événements, ils sont très très inquiets et l'incroyable se produit : le 20 décembre 1808, ils tissent une alliance au cas où l'empereur ne reviendrait pas d'Espagne [32]. Aussitôt alerté, Napoléon revient à Paris à brides abattues. L'accueil est plutôt froid.
Napoléon sévit contre Talleyrand mais -pour le moment- ménage Fouché. Rapidement la guerre reprend avec l'Autriche et Cambacérès qui assure "l'interim", est vite dépassé et à compter du 29 juin 1809, c'est Fouché qui assume cette responsabilité. Dans ce rôle, il est parfait, réagissant avec vigueur, mobilisant la garde nationale pour endiguer un débarquement anglais dans le nord du pays. Récompense immédiate : Fouché est fait duc d'Otrante [33], petite localité des Pouilles en Italie. Mais il en fait trop [34], voulant tenter une paix avec l'Angleterre sans l'accord de Napoléon qui réagit violemment [35].
24- Déclin et fin de l'Empire
Fouché est destitué et se retrouve gouverneur des États romains. Survient alors un épisode assez rocambolesque où Fouché se joue de Savary son successeur, brûle et subtilise des documents importants qui lui sont réclamés et qu'il ne veut pas rendre. Napoléon ne peut le supporter et lui envoie Savary, le duc de Rovigo. Fouché prend la fuite en Italie pendant plusieurs semaines et finit par rejoindre sa sénatorerie d'Aix-en-Provence. De toute façon, selon Jean Tulard, Fouché n'était pas assez docile pour cautionner l'évolution de l'Empire en 1810 vers un régime autoritaire, rôle que Savary remplit pleinement. (page 255) [36]
Depuis sa disgrâce, Fouché mène une vie de riche rentier entre Aix-en-Provence et son château de Ferrières-en-Brie près de Paris dans la Seine-et-Marne. Le 10 octobre 1810, il a la douleur de perdre sa femme [37] qui l'a suivi dans toutes les grandeurs et les vicissitudes qu'il a connues mais il ne va pas tarder à se remarier avec une jeune et belle aristocrate qu'il rencontre lors d'un de ses séjours à Marseille Gabrielle-Ernestine de Castellane [38].
Il continue de suivre les affaires politiques de près et la déconfiture de Savary lors de la seconde conjuration du général Malet [39] en 1812, ne peut que le réjouir [40]. Ceci d'autant plus qu'à Paris, certains le regrettent.
Si Napoléon le rappelle pendant la campagne d'Autriche, juste après la victoire de Lützen le 2 mai 1813 [41] c'est qu'il le considère comme un homme dangereux pour lui et qu'il veut l'éloigner de Paris. Il va alors le 'promener', l'envoie à Prague puis le nomme gouverneur des Provinces Illyriennes [42] où Fouché fait en peu de temps un travail remarquable, jouant comme à son habitude des intérêts de chacun pour diriger et asseoir son autorité [43]. Mais la guerre reprend avec l'Autriche et il faut évacuer. Les Provinces Illyriennes n'existent plus. Fouché quitte sa capitale Laybach [44] et se replie sur Bologne dans le nord de l'Italie. Il sait que la France sera vaincue et que Napoléon est perdu. Comme solution de rechange, il pense à Murat le roi de Naples marié à sa sœur Caroline pour assumer le pouvoir. Mais Murat [45], après plusieurs tergiversations [46] ne pense qu'à sauver son Royaume de Naples et se rallie finalement à la coalition. IL en sera finalement déchu en mai 1815, après sa défaite à la bataille de Tolentino.
Fouché déplore « le peu de succès de sa mission » à Naples, tout en laissant agir Murat [47], « en virtuose du double jeu » [48] ajoute Jean Tulard. Il tente alors de joindre les maréchaux hostiles à l'empereur, Bernadotte puis Augereau le duc de Castiglione, à Lyon où il se rend [49] mais il est trop tard : lorsqu'il arrive à Paris, Talleyrand occupe déjà la place.
25- L'embellie des Cent-Jours
Talleyrand s'est débrouillé pour rester à Paris; c'est lui qui tient les cartes en mains [50]. Fouché se bat, prend des contacts avec un royaliste influent, le baron de Vitrolles [51]. Il intrigue auprès des royalistes pour récupérer le ministère de la police, essayant de leur démontrer qu'il est l'homme de la situation. Au mois d'août 1814, des nouvelles relations se nouent entre Fouché et Talleyrand qui dînent ensemble, « on m'assura, indique le comte Beugnot récemment nommé ministre de la police, que lorsque le duc d'Otrante est à Ferrières, sa correspondance avec Paris est fort active. » [52]
Le plus souvent à Ferrières, il y mène une vie apparemment retirée, dans cette propriété qu'il a peu à peu agrandie, entretenant maintes correspondances [53] En réalité, il est en relations avec Talleyrand alors à Vienne, avec Maret, le duc de Bassano et penche pour une régence avec l'impératrice Marie-Louise. Mais le retour de Bonaparte, « le vol de l'aigle de clocher en clocher » anéantit ses projets. Son idée est alors de se rallier à Bonaparte pour mieux le trahir [54] mais le roi, méfiant, préfère le mettre en arrestation. Suit un épisode curieux où Fouché parvient à berner les policiers venus l'arrêter en s'enfuyant de son domicile par une échelle. Peut-être se demande Jean Tulard, ceci ne fut qu'une mise en scène pour dédouaner Fouché avant le retour de l'empereur [55].
Bien qu'il eût préféré les Affaires étrangères, voilà de nouveau Fouché ministre de la police pendant les Cent-Jours. En subtil politique, il sait à quoi s'en tenir sur les chances de Napoléon, il pressent la défaite et l'exil, en décrit les étapes à Thibaudeau et au chancelier Pasquier [56]. Dans cette période particulièrement trouble, Fouché tisse sa toile et c'est Napoléon lui-même qui lui remet l'acte d'abdication en faveur de son fils. Il va alors mettre tout son talent à rétablir les Bourbons, « allez trouver le roi dit-il à Vitrolles, vous lui direz que nous travaillons pour son service. » [57]
Le 6 juillet 1815, en compagnie de Talleyrand, il dîne chez Wellington. La messe est dite. Quand Louis XVIII apparaît flanqué de Talleyrand et de Fouché, « le vice appuyé sur le bras du crime » [58], les royalistes sont ulcérés, mortifiés [59] et Joseph de Maistre aura cette remarque : « Il faut convenir que Sa Majesté Très Chrétienne figure tristement au milieu de ces deux acolytes. » [60]
26- La restauration et l'exil
Fouché est le point de mire des ultras qui veulent leur revanche pendant la Terreur blanche [61]. Il fait le grand écart entre l'établissement des listes de proscrits et l'aide à ses amis inscrits sur ces listes. Il croit avoir l'appui du roi contre les ultras et désire aussi par un mariage sceller son appartenance au nouveau régime.
Elle, Gabrielle-Ernestine de Castellane, est issue d'une branche de la maison de Provence, mais pauvre, lui est très riche et rêve de conforter sa position sociale : ils sont faits l'un pour l'autre. Pendant ce temps, les ultras réalisent un raz-de-marée aux élections à la chambre des députés, en profitent pour s'en prendre à Fouché et réclament son départ. Dès lors, ses jours sont comptés. Vitrolles a raconté cette séance mémorable où Talleyrand distille les allusions, de plus en plus précises, savourant ses effets. Mais Fouché avait compris depuis longtemps, son sort venait de se jouer [62]. Il est finalement nommé à Dresde en Saxe, ravale son orgueil et accepte son nouveau poste [63].
L'exil commence [64]. Il reste peu de temps à Dresde, les ultras ayant voté une loi qui exclut de l'amnistie les régicides. Fouché, révoqué, part à Prague où il espère bénéficier de la protection de Metternich mais vite fatigué de la ville après une rupture avec son ami Thibaudeau, il s'installe à Linz charmante petite bourgade autrichienne. Il en repart bientôt pour Trieste où il a résidé et qu'il a pu apprécier par le passé mais « c'est un homme brisé qui arrive à Trieste en novembre 1819. » [65] Il ne survivra que peu de temps à cette dernière épreuve.
3- Conclusion
Fouché, cet homme si décrié, qui passe encore aujourd'hui pour une espèce de Machiavel, peut-il être considéré comme un homme d'État ou comme un opportuniste, se demande Jean Tulard ? Lui qui porta l'estocade à Robespierre, sut résister à Napoléon, lui qui fit preuve d'une grande lucidité à des moments critiques [66], « a davantage profité des circonstances qu'il ne les a créées. »
Son mythe repose surtout sur un pouvoir nouveau pour l'époque, qu'il manie avec dextérité : la police politique. Avec lui, avec ses talents d'organisateur, il fait de cette police un redoutable instrument, une machine à renseignements qui déjoue les complots. « On pourrait, dit Jean Tulard, écrire l'histoire intérieure du Consulat et de l'Empire en n'utilisant que les bulletins quotidiens que Fouché adressait à Napoléon. »
« C'est un politique. La diplomatie le fascine » ajoute-t-il. Il rêva d'être ministre des Affaires étrangères, tenta de négocier avec les Anglais, ce qui lui valut d'être disgracié, mena les négociations en 1815 pour rétablir les Bourbons. Ce fut sans doute son grand regret. On lui reprocha toujours d'avoir été un régicide et le mitrailleur de Lyon [67]. Napoléon fera ce commentaire à Sainte-Hélène : « L'intrigue était aussi nécessaire à Fouché que la nourriture. » Il aime se singulariser, complote contre Robespierre le 9 thermidor [68], conseille Barras le 13 vendémiaire [69] et l'abandonne le 18 brumaire [70] au profit de Bonaparte.
4- La fortune de Fouché
Joseph Fouché passait pour être très riche et il est vrai qu'à la fin de sa vie, il se trouvait à la tête d'une belle fortune [71].Ce ne fut pas toujours le cas. Au début du Directoire, il dut recourir aux bonnes grâces de Barras, tant il se trouvait dans le besoin [72] et même si l'on peut affirmer qu'il avait hérité de son père 2 000 livres de rente [73].
Comme ministre de la police en particulier, ses revenus ont variés selon sa situation :
- - 140 000 francs en 1806;
- - 250 000 francs e rente annuelle provenant de sa sénatorerie d'Aix-en-Provence;
- - 20 000 francs en 1808 provenant de dotations du Hanovre et de Westphalie;
Il aime aussi jouer en bourse, recevant parfois des informations de première main : Jean Tulard cite l'exemple d'achat de la rente à 5 % qu'il fit quand il apprit avant tout le monde la victoire de Wagram en 1809.
Outre ses revenus financiers, Fouché avait acquis plusieurs biens immobiliers d'importance :
- - À Paris, son hôtel de la rue Cérutti ;
- - Le château de Ferrières-en-Brie en 1801 dont il agrandit largement le domaine au fil des années. Ses héritiers le revendirent en 1829 au baron James de Rothschild;
- - Le château de Grosbois en 1804, qu'il fut obligé de revendre à perte sur ordre de Napoléon, au maréchal Berthier [74].
5- Joseph Fouché au cinéma
- L'aiglonne, de Keppens, en 1921 où Fouché est dépeint comme plutôt cruel;
- Madame Récamier de Ravel en 1927 où Edmond Van Daele « est un Fouché très convaincant » selon Jean Tulard;
- Les Cent-Jours en 1934 où Enzo Biliotti interprète un Fouché « très crédible physiquement et son rôle en 1815 bien mis en valeur » selon Jean Tulard;
- Madame Sans Gêne de Richbé en 1941 où Aimé Clariond est « un fabuleux Fouché » selon Jean Tulard;
- Le destin fabuleux de Désirée Clary de Sacha Guitry en 1941 où Noël Roquevert est « un Fouché inattendu » selon Jean Tulard;
- Madame Sans-Gêne de Christian-Jaque en 1961 où Renaud Mary est Fouché. Jean Tulard le qualifie de « film consternant »;
- Les duellistes de Ridley Scott en 1977, à partie d'une nouvelle de Joseph Conrad avec Albert Finney dans le rôle de Fouché;
- Le souper, d'Édouard Molinaro, en 1992, adapté de la pièce de Jean-Claude Brisville où Fouché est interprété par Claude Brasseur.
6- Bibliographie
- Parmi les nombreux ouvrages de Jean Tulard consacrés à la Révolution et à l'Empire, on peut citer :
- L'Anti-Napoléon, Julliard, 1964;
- La vie quotidienne des Français sous Napoléon, Hachette, 1978;
- La France de la Révolution et de l'Empire P.U.F, 1995.
- Louis Madelin, Fouché, Paris, 1901, 2 volumes, Éditions Plon, 1955
- Stefan Zweig, Joseph Fouché, biographie, traduit de l'Allemand par Alzir Hella et Olivier Bournac, Paris, 1931, 314 pages, Édition française Bernard Grasset, Le Livre de Poche historique n° 525-526, 1973 : Joseph Fouché (Zweig)
- André Castelot, Fouché, le double jeu, Librairie Perrin, 1990
- André Castelot, Joséphine, Librairie Perrin, 1965
- L'aiglon, Napoléon II, Librairie Perrin, prix Richelieu 1959
- Tallleyrand ou le cynisme, Librairie Perrin, 1980
- Alain Decaux, Face au mystérieux Fouché, revue Historia, 1975
- Le Gallo, Les Cent-Jours,
- Thierry Lentz, Le Grand Consulat, Fayard, Paris, 1999.
- A. E. Moulin, Le grand amour de Fouché : Ernestine de Castellane
7- Notes et références
- voir en particulier Emmanuel de Waresquiel, Cent Jours : la tentation de l'impossible, mars-juillet 1815, Fayard, 2008 (ISBN 978-2213621586)
- Charles Nodier, Souvenirs et portraits de la Révolution, 1840
- Pour l'homme et sa vie, voir Jean Savant, Tel fut Fouché, 1955, 331 pages
- Voir par exemple, Georges Riu, Essai psychopathologique sur Joseph Fouché, Bordeaux, 1933, 65 pages
- Louis Madelin Fouché, tome I page 5
- par exemple, l'arrêté sur les cultes qu'il promulgue à Nevers le 9 octobre 1793
- voir Soulèvement de Lyon contre la Convention nationale
- Voir Jean Étèvenaux Fouché, page 73, Bourg-en-Bresse, 1990, 208 pages
- C'est l'époque de la Grande Terreur où les Girondins et les hébertistes viennent d'être éliminés
- Voir les Mémoires de Barras, tome 1, page 178
- Émeutes à Paris du 12 germinal et du 1er prairial an IV
- Nomination datant du 2 thermidor de l'an VIII (juillet 1799)
- Sur cette période, voir Aulard, Paris sous le Consulat, tome I
- Voit Thierry Lentz, Le 18 brumaire, page 377
- Voir la biographie de Jean Tulard, Fiévée, page 110 pour cet épisode
- Josepf Fiévée, Correspondance et relations avec Bonaparte, 3 volumes, 1836
- Citation tirée Ernest D'Hauterive, La contre-police royaliste, page 196
- Sur cette affaire, voir Ernest D'Hauterive, L'enlèvement du sénateur Clément de Ris
- Lettre du 2 février 1800 de Fouché à Clarke
- À l'occasion de cet attentat, une liste des jacobins à proscrire fut dressée : voir Liste des Jacobins proscrits le 5 janvier 1801
- « Ce sont 'vos' terroristes qui ont fait le coup » reprocha Bonaparte à Fouché, Mio de Melito, Mémoires, tome I, page 332
- Voir Aulard Paris sous le Consulat, tome II, page 88
- Voir G. Augustin Thierry, Le complot des libelles
- voir aussi Consulat Bonaparte,Sieyès,Roger-Ducos ainsi que Consulat Napoléon Bonaparte
- Voir la biographie de Bigard Le comte Réal
- Pelet de la Lozère, Opinions sur Napoléon, page 81
- Voir les Mémoires de Fain, page 43
- 9 mars 1808 : découverte de la première conspiration du général Malet - pour la seconde en 1812, voir chapitre suivant
- D'Hauterive, La police secrète du premier Empire, pages 232 à 249
- Lecestre, Lettres inédites de Napoléon 1er, pages 205 à 219
- Voir les Mémoires du chancelier pasquier, tome I
- Cf les Mémoires du chancelier Pasquier, pages 353 à 357
- Par lettres patentes du 15 août 1809
- Voir les Mémoires du comte Mollien
- Voir Thiers, Histoire du Consulat et de l'Empire, tome XII
- Voir Thierry Lenz, Savary, page 54
- Pour un portrait de sa première femme, voir Stefan Zweig, Fouché
- Voir Moulin A. E., Le grand amour de Fouché : Ernestine de Castellane
- voir l'émission télévisée en 1963, La caméra explore le temps en 1963, La conspiration du général Malet
- Voir Alain Decaux, La Conspiration du général Mallet, Perrin, 1952
- voir Correspondance de Napoléon 1er, n° 19994
- Les Provinces Illyriennes correspondent grosso modo à ce qu'on appelait la Yougoslavie
- Voir Charles Nodier, Souvenirs de la Révolution et de l'Empire, tome II
- Actuellement Ljubljana, capitale de la Slovénie
- Voir le livre de Jean Tulard, Murat, page 187
- Murat va encore combattre à Dresde et à Leipzig avant de traiter avec l'anglais lord Bentinck pour sauver son royaume
- Louis Madelin, Fouché, page 202
- Voir André Castelot, Fouché, le double jeu, Librairie Perrin, 1990
- Voir les Mémoires de Chaptal, pages 312 à 315
- Voir André Castelot, Talleyrand ou le cynisme, Librairie Perrin, 1980
- Voir Eugène Forgues, Mémoires et relations politiques du baron de Vitrolles - Tomes I 1814, II 1814-1815, III 1845-1830
- Eugène Welvert, Napoléon et la police sous la première Restauration, page 67
- Voir Thibaudeau, Mémoires, pages 425-427
- Louis Madelin, Fouché, tome II, page 332
- Thibaudeau, Mémoires, page 457
- Voir les Mémoires de Thibaudeau, page 483 et ceux de Pasquier, tome III
- Vitrolles, Mémoires, Éditions Farel, tome II, page 191
- Chateaubriand, les Mémoires d'outre tombe, Éditions Levaillant, 1948, réédition Éditions Clément, 1997
- Beugnot, Mémoires, page 605, qui fut témoin de la scène en compagnie de Chateaubriand
- Lacour-Gayet, Talleyrand, tome III, page 23
- Voir par exemple Henri Houssaye, La Terreur blanche
- Vitrolles, Mémoires, tome II, page271-279
- Eugène Forgues, Le dossier secret de Fouché, juillet-septembre 1815, 82 pages
- Voir Julien Sapori L'exil et la mort de Joseph Fouché, Anovi, 2007
- Jean Tulard, Un ministre de la police en exil, revue de l'Institut Napoléon, 1962
- par exemple, quand il met en garde Napoléon sur les dangers de s'engager en Espagne (1808) ou en Russie (1812), ou quand sa vive réaction met en échec les Anglais lors des Cent-Jours
- Voir par exemple Alain Texier, La terreur institutionalisée, Historia no 624, décembre 1998
- Voir A. Savine et F. Bournand F, Le 9 Thermidor, Éditions Michaud
- Voir A. Keller, De Brienne au 13 vendémiaire, Éditions Mericant ou le film-documentaire de Maurice Failevic, Saint-Roch : le 13 vendémiaire an IV, 1969
- Voir Jean-Paul Bertaud, Bonaparte prend le pouvoir, Complexe, Bruxelles, 1987
- Voir l'inventaire de ses biens réalisé après son décès le 18 mai 1821, Archives nationales, étude XCI, liasse 1613
- Voir Stefan Zweig, Joseph Fouché
- Voir Henri Buisson, Fouché, page 399
- Voir les Mémoires de Paul Barras, tome IV
Grand Prix Gobert de l'Académie française 1971 | Grand Prix national de l'Histoire 1977 | Prix du Mémorial 1981 | Prix des Ambassadeurs 2007 | Lauréat de l'Académie des beaux-arts et Prix Marmottan, |
<><> CJB Frachet - Fouché Tulard - Feyzin - 24/09/2009 - © • cjb • © •• <><>
Un excellent sommaire.
RépondreSupprimer