mercredi 16 novembre 2016

Alfred Sauvy et le circuit économique


« L'humanité est vouée au progrès à perpétuité » Alfred Sauvy


Alfred Sauvy (1898-1990) était à la fois économiste, démographe et sociologue. Luttant contre les phénomènes de dénatalité et de vieillissement, il est surtout connu pour être à l’origine de la notion de CSP (catégories socio-professionnelles), pour sa théorie du déversement (les mouvements migratoires entre CSP) et pour avoir créé l'expression « Tiers-Monde ».

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La liberté de la presse est entière : il suffit d'avoir les milliards nécessaires. »
Alfred Sauvy


Cet article va sans doute vous rappeler un autre article intitulé "Economie et circuit de la dette" qui traitait aussi des effets néfastes d'un traitement uniquement monétaire de la dette grecque. Comme souvent, Alfred Sauvy est parti d’un exemple simple (et même dans ce cas immoral) pour en dégager certaines règles et les appliquer à une situation, une problématique économique plus globale.

Un faux-monnayeur fabriqua un jour 10 000 € de fausse monnaie et avec cet argent, il acheta un superbe bijou. Le bijoutier qui lui vendit le bijou utilisa l’argent gagné pour acheter une voiture puis le vendeur de voiture acheta des meubles et ainsi de suite jusqu’à ce que la fausse monnaie soit découverte et détruite.
Avant que l’argent soit retiré de la circulation, il avait été échangé dix fois avec un profit net moyen estimé à 20% lors des différentes transactions effectuées.

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Finalement, on peut dire que le faux monnayeur avait gagné un superbe et onéreux bijou (peu importe s’il fut ou non arrêté par la suite). Les neuf  personnes impliquées dans les transactions suivantes se sont partagé un profit cumulé de 18.000 € et seule la dixième et dernière personne perdit dans cette affaire son argent.

On peut estimer que cette escroquerie avait permis de « créer » 8.000 € d’échanges nets + un bijou. Ces échanges, insérés dans le circuit de production avaient eux-mêmes permis de créer une activité économique constituée de travail, d’emplois, de revenus générés par cette activité, ainsi que des impôts…

  

Cette anecdote rapportée par Alfred Sauvy pour présenter les mécanismes financiers de l'économie illustre bien le rôle déterminant que peut avoir la monnaie dans les échanges… mais également ses dangers. C’est un mécanisme comparable que les banquiers centraux espéraient mettre en place à la suite de la crise de 2008 : injecter massivement des liquidités dans l’économie afin de la réamorcer. [1]

Non qu'il faille assimiler un banquier à un faux monnayeur, ce dernier d'ailleurs aurait peut-être été bien plus efficace à sa place, mais le mécanisme mis en lumière par Alfred Sauvy n'est applicable qu'à certaines conditions qui ne sont pas forcément réunies. Et c'est bien là le problème. En effet, plutôt que d’acheter directement des biens comme le faux monnayeur, les banquiers centraux ont injecté l’argent via les banques commerciales pour les inciter à le prêter —à faire crédit, et ceci de deux manières :
-          En baissant les taux jusqu’à les rendre négatifs afin de diminuer au maximum le coût du crédit.
-          En rachetant directement les créances des banques afin de leur permettre d’en émettre de nouvelles. C’est ce que l’on appelle « le quantitative easing ».



Or ces injections financières des banques centrales par l’intermédiaire des banques commerciales n'ont pas quitté les coffres des banques centrales pas plus en 2008 qu’en 2016 : faute de demandes solvables et pour satisfaire à des règles plus restrictives —règles dites de « Bâle III »-, les banques n’ont pas trouvé à distribuer de prêts et ont "préféré" garder l’argent dans les coffres des banques centrales.
Retour à la case départ.


Cet argent "inemployé" reste en quelque sorte "sous le matelas" ou comme un billet de 100 € stocké dans un bas de laine. Il ne participe à aucune transaction économique alors qu’un billet de 5 € échangé une fois par semaine aurait pu généré 260 € d’échanges au bout d’une année.
Il s’agit donc d’une crise des liquidités et c’est bien le mal dont l’économie mondialisée souffre depuis plusieurs années.

 

Notes et références
[1]
Le mécanisme qu’on nomme la relance par la demande n’a d’ailleurs rien d’original puisqu’il fut le socle de la politique économique de la deuxième république avec les Ateliers nationaux ou du "New deal" de Roosevelt basé sur les idées de l’économiste anglais Keynes. 


Voir aussi
* Mes fiches sur L'économie et la société --


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