jeudi 24 novembre 2016

Art de la paix et diplomatie

L’art de la paix
Secrets et trésors de la diplomatie

         
                                                                                             

Une exposition sur le thème de la paix intitulé "L’art de la paix", pilotée par le ministère des Affaires étrangères, voilà qui ne manque pas d’originalité. Ce thème est traité à partir de d’une riche iconographie et de nombreux documents. Pas moins de quarante traités et une soixantaine de documents choisis avec soin dans les archives diplomatiques, retracent pour la première fois l’histoire des relations internationales de la France.

Picasso, Colombe de la paix, 1950

On y trouve en particulier des pièces d’archives exceptionnelles comme le traité d’Arras (1435) signé entre Charles VII et Philippe le Bon, de tableaux comme celui de Sebastiano Ricci (Plaisance, Palais Farnèse) commémorant la réconciliation de François Ier et de Charles Quint sous l’impulsion du pape Paul III.

             
La paix d’Arras d’après une miniature des Chroniques d’Enguerrand de Monstrelet
Le Traité de Troyes, 1420, Charles VI & Isabeau de Bavière, Londres

Tout ceci est complété par des peintures, des sculptures, du mobilier, des objets d’arts précieux et des archives filmées et replacées dans le contexte de leur époque, permettant de mieux appréhender tout processus de négociation. Cette mise en perspective permet de susciter la réflexion des visiteurs sur le concept de paix tel que la France le définit à travers sa longue histoire qui a structuré aussi bien notre mémoire collective qu’individuelle. On y trouve, autour de cinq sections thématiques, un ensemble de quelque deux cents œuvres allant du Moyen-âge jusqu’à l’histoire contemporaine, comme autant de repères tout au long du parcours de l’exposition.

      
 Le concept de paix est une notion qui a évolué au fil de l’Histoire, de la nostalgie de l’ordre romain (pas forcément synonyme de pax romana) et des partisans de la paix de Dieu jusqu’aux penseurs actuels. Une histoire française jalonnée de dates importantes, de Charlemagne à Napoléon jusqu’à Charles de Gaulle. Plus récemment, on en arrive à l’émergence d’institutions supranationales contrôlant l’équilibre des forces, puis d’un nouvel ordre mondial au-delà du domaine politique et diplomatique, intégrant les dimensions économiques et environnementales.


Vassili Verechtchaguine Apothéose de la guerre, 1871, Moscou

Catalogue de l’exposition, présentation
 Catalogue L'Art de la paix, éditions Paris Musées, 250 illustrations, 336 pages, octobre 2016
Auteurs : Richard Boidin, Hélène Carrère d’Encausse, Patrick Lemasson, Christophe Leribault, Isabelle Nathan, Isabelle Richefort, Gaëlle Rio

L’art de la guerre ne doit pas faire oublier l’art de la paix, un idéal qu’il convient de célébrer sans réserve. Si la diplomatie a ses secrets, elle a aussi ses fastes.
Pour la première fois, cet ouvrage présente une sélection spectaculaire de traités de paix, parmi les vingt-cinq mille signés par la France et précieu­sement conservés au sein des archives du ministère des Affaires étrangères. Ces documents embléma­tiques de l’histoire de France sont aussi de véri­tables objets d’art, dotés pour certains de sceaux remarquables et de portefeuilles ouvragés.

Mais les plus grands peintres ont également glorifié les traités mémorables et les alliances prestigieuses. L’ouvrage met en valeur ces magni­fiques allégories et les représentations des cérémonies officielles, sans négliger pour autant les œuvres plus critiques – caricatures, affiches militantes et toiles manifestes – qui illustrent l’engagement des peuples.

La guerre, la paix et la diplomatie
La diplomatie est en quelque sorte la pendant de la guerre e de la violence et non, comme on a pu le dire, une autre façon de faire la guerre. On en trouve déjà des éléments dès le IIIe millénaire avant JC. Elle est un processus de négociation fondé sur la recherche d’un équilibre entre partenaires ou adversaires comme le Congrès de Vienne en fut l’exemple marquant au XIXe siècle et où Talleyrand put développer tout son talent de négociateur.


Congrès de Vienne en 1815 : "Le congrès s’amuse"

À l’époque médiévale, les états dynastiques négocient des arrangements entres elles et concluent des mariages sensés éviter de nouvelles guerres. Mais ces alliances peuvent elles-mêmes être sources de guerres comme la guerre de Succession d’Espagne à la fin du règne de Louis XIV. La puissance peut être aussi un élément essentiel de l’équilibre géo politique à une période donnée. Le roi Saint-Louis par exemple pour puissant qu’il fût, suscita aussi l’admiration de ses pairs pour sa capacité à faire des concessions comme l'illustre le Traité de Paris signé en 1259 avec Henri III d'Angleterre.

À la fin du Moyen Âge, la diplomatie devient peu à peu une affaire de professionnels. Les ambassades permanentes se généralisent sur le modèle des grandes villes de la renaissance italienne dont Venise sera meilleur exemple.
Les pratiques diplomatiques se structurent en traités dont certains, comme en 1717 le De la manière de négocier avec les souverains de François de Callières sont des modèles de négociation.


Traité de Munster (Paix de Westphalie), Barthelomeus van der Helst, 1648

La diplomatie va pleinement s’exercer dans la guerre de Trente ans (1618-1648), guerre européenne entre états catholiques et protestants marquée par des discussions qui s’ouvrent dès 1643 à Osnabrück et Münster en Westphalie où les belligérants vont se réunir pendant cinq longues années,  sans que s’arrêtent les combats, avant de conclure par la paix de Westphalie et de signer deux traités concomitants. 

On retrouvera cette forme de diplomatie, remise en case un moment par la Révolution française, aboutissant au Traité d’Utrecht en 1713 pour clore la guerre de Succession d’Espagne ou au Congrès de Vienne en 1815, modèle du genre où, sous couvert de frivolités, bals, réceptions, et concerts, on négocie les termes de conditions de paix acceptables pour toutes les parties. On pourrait aussi citer le Congrès de Paris qui en 1865, met fin à la guerre de Crimée entre la France de Napoléon III, le Royaume-Uni de la reine Victoria, le royaume de Piémont-Sardaigne de Victor-Emmanuel II et la Russie d’Alexandre II.

La suite sera plus contrastée et les accords signés traduiront d’abord les rapports de forces entre vainqueur et vaincu comme dans les guerres austro-prussienne de 1866 ou franco-prussienne de 1870-1871. Les guerres coloniales sont traitées de la même façon, que ce soit l’alliance franco-anglaise à la convention de Pékin en 1860 ou la Conférence de Berlin en 1885 pour découper les territoires africains.

Le plus grand échec sera le Traité de Versailles signé en juin 1919 où l'Allemagne sera exclue des négociations de paix. Le texte du traité lui sera seulement communiqué et on ne tiendra guère compte des observations qu’elle formulera. Les haines nationales l’ont ainsi emporté sur les tractations diplomatiques, avec des conséquences désastreuses et le rejet de texte par le Congrès américain.

 
28/06/1919 Traité de Versailles, William Orpen, Londres


Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la même logique s’impose avec le procès de Nuremberg et une conférence entre vainqueurs à Postdam pour régler du sort de l’Allemagne qui est morcelée, découpée en quatre zones, prémices de problèmes futurs. Désormais, c’est la force qui prime, l’équilibre ne se fait plus par la diplomatie mais par la terreur et la guerre froide entre les États-Unis et l'URSS et il s’agit alors pour les autres états de choisir leur camp.

Complément : Le précurseur Hugo Grotius ou de Groot (1583 - 1645)


Hugo Grotius (forme latinisée) ou de Groot, considéré comme le fondateur du droit international au XVIIe siècle.

Né en 1583 à Delft, aux Provinces-Unies, Hugo de Groot s'établit comme avocat à La Haye et commence à publier de nombreuses œuvres tant politiques que philosophiques et religieuses.
Hugo de Groot, d’abord avocat à La Haye, est un libéral au sens noble du terme : dès 1609, il publie un court texte  La Liberté des mers (Mare liberum en latin) prône la liberté de circulation sur les mers, contrairement aux Portugais et aux Espagnols bien décidés à la confisquer à leur profit.

C’est en 1625 qu’il publie son œuvre maîtresse le Droit de la guerre et de la paix (en latin De jure pacis et belli), où on trouve le concept d'un droit international qui s'impose aux États, contrairement au droit du plus fort qui peut tout justifier, un droit né de l’humanisme de l’époque, ni divin ni dynastique.
Mais dans cette période très troublée, dans les luttes qui déchirent les Province-Unies (les Pays-Bas) il va être condamné à l'emprisonnement à vie en 1618. Après son évasion, il est résident de Suède en France en 1634 et va négocier pendant une dizaine d’années le traité qui mettra fin à la guerre de Trente ans. Il mourra à Rostock peu après son retour en Suède.

Mes fiches "Histoire" 2016
* Louise de Savoie, La louve --
* Art de la paix/Diplomatie -- Le docteur Ménétrel --
* Georges Duby, Sur les traces de nos peurs -- * Quand Lyon devint française --
* Jean-Marie Constant, C'était la Fronde -- * Des gaulois aux Français --
* Jacques Serverin, Les ombrelles du quai Pierre-Scize --
 


<<<<  Christian Broussas – La paix - 18/11/2016 < • © cjb © • >>>

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire