Référence : Philippe Claudel, "L'Archipel du chien", éditions Stock, 276 pages, 2018
Des hommes confrontés à un événement dérangeant
«
Certes il n'y avait pas que le vent pour raboter les âmes : l'image des
corps de trois noyés était cousue à l'intérieur des paupières. Nul ne
pouvait l'en chasser. » (p. 64)
Philippe Claudel, c’est (entre autres) l’auteur des âmes grises, prix Renaudot 2003 qu’on connaît mieux à travers le film d’Yves Angelo où Jean-Pierre Marielle joue le rôle du procureur, d’un roman admirable, Le rapport de Brodeck, une histoire sur fond d’omerta et de responsabilité, d’un récit sur un homme confronté à la maladie, L’arbre du pays Toraja.
Cette
fois, il se penche sur la relation de l’homme avec les événements
marquants, dramatiques auxquels il est confronté et les conditions dans
lesquelles il se révèle à lui-même : « La plupart des
hommes ne soupçonnent pas chez eux la part sombre que pourtant tous ils
possèdent. Ce sont souvent les circonstances qui les révèlent, guerres,
famines, catastrophes, révolutions, génocides. Alors quand ils la
contemplent pour la première fois, dans le secret de leur conscience,
ils en sont horrifiés et ils frissonnent. »
« Les hommes n'aiment pas l'hier. Les hommes vivent au présent et rêvent de lendemain. »
Dans l'esprit de l'auteur, l’archipel des chiens doit bien se situer quelque part en Méditerranée.
Une seule île y est habitée, assez isolée, une vie en vase clos animée
par une liaison hebdomadaire de ferry, un volcan, de belles habitations
classées au patrimoine de l'humanité, des vignes, des oliviers et des
pêcheurs. Des vies simples dans cet endroit retiré.
Mais en réalité, il s’en passe des choses dans cette "mare nostrum" sillonnée par des coques de noix instables et surchargées qui dérivent et coulent parfois…
Et
c’est précisément trois cadavres (encombrants) qu’on découvre un jour
échoués sur la belle plage de l’île. Énorme émoi chez les autochtones
qui se demandent d’où ils ont bien pu surgir et comment ils sont arrivés
sur leur île. Émoi d’autant plus considérable que le maire s’est
entiché d’un vaste projet de développement touristique et qu’il décide
de faire disparaître les cadavres avec les trois témoins de l’événement.
Pas vu, pas pris, les affaires peuvent continuer.
Ce n’est qu’un conte mais qui nous demande des comptes, qui nous susurre « qu’auriez-vous fait vous-même, auriez-vous céder à la cupidité, l'égoïsme, l'injustice, la lâcheté ? »
L’auteur nous propose un conte qui déploie toute son intensité
dramatique dont le style simple, dépouillé agit par contraste avec le
fil narratif du récit.
On
est projeté en pleine actualité, celle des migrants et des mafias qui
profitent de la situation, illustré par la présence obsédante du volcan
dont on sent la puissance qui pourrait facilement engloutir ce monde
perverti par l'argent comme un nouveau Pompéï. La nature est bien là, rappelant à l'homme sa faiblesse et sa contingence.
Mes fiches sur Philippe Claudel
* Philippe Claudel, "Le rapport de Brodeck" -- L'archipel du chien --
* Philippe Claudel, "L'enquête" -- Philippe Claudel, "L'arbre du pays Toraja" –
* Vidéo : Présentation de l'auteur --
<< Christian Broussas – Ph Claudel - 16/03/2018 © • cjb • © >>
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire