vendredi 4 mai 2018

Jean-Marie Gustave Le Clézio Alma, 2017

Référence : Jean-Marie Gustave Le Clézio, Alma, éditions Gallimard, collection Blanche, octobre 2017Le Clézio en novembre 2015    Modiano à Stockholm en 2014

              
Le Clézio en novembre 2015    Modiano à Stockholm en 2014


« L’histoire des familles, la vraie (l’autre étant plutôt imaginaire…) ne laisse pas  beaucoup de traces. » Alma, page 319

Pour l’Académie Nobel, c’est  « l’écrivain de la rupture, de l’aventure poétique et de l’extase sensuelle, l’explorateur d’une humanité au-delà et en-dessous de la civilisation régnante »

On retrouve cette-fois Le Clézio sur la route de ses racines mauriciennes, déjà thème de sa  trilogie qui comprend Le chercheur d’or, Voyage à Rodrigues, et La quarantaine.
Ce livre, confie-t-il à France-inter, « je l'ai commencé il y a 30 ans, en allant dans les archives d'Outre-mer, rue Oudinot à Paris, en lisant la liste des noms de baptême des esclaves : je me suis dit : "Un jour il faudra parler de ces gens, où sont-ils, pourquoi ne connait-on qu'une petite partie de cette région du monde" ? »


                              Euréka, la maison de famille de l’île Maurice, devenue musée

Il se penche aussi sur un passé peu reluisant, celui des colonies et de l’esclavage, « quand il s'agissait de baptiser des esclaves, dit-il dans une interview, on leur donnait un prénom tout de suite c'était facile, mais pour le nom de famille, on leur donnait le nom du bateau dans lequel ils étaient arrivés, "L'hirondelle", "La sémillante", "le Redoutable", c'est le vol de leur nom, de leur existence. Le seul héritage de ces esclaves, ce sont des tas de pierre situés le long d'une route dans une partie de l'île, des tas de roches que les esclaves ont extrait du sol. » Il ira voir la dernière prison pour les Noirs, pour les esclaves à Bras d’Eau, la seule qui n’ai pas été détruite.

Jérémie Felsen, mauricien vivant en France, né à Nice comme l’auteur, revient au pays natal à 50 ans, enquêter sur ses origines et le tragique destin de ces animaux endémiques qu’étaient alors les dodos. Ses investigations lui font découvrir une autre branche de la famille Felsen, celle qu’on a dépossédée de tous ses biens, celle qui habitait dans une masure, de l’autre côté de la belle maison de maître.

Le second volet du récit, c’est l’histoire du dernier descendant de l’autre branche, Dominique Felsen, que justement on surnomme Dodo, dernier Fe’sen comme on dit en créole ou encore Coup de Ros (de Rani Laroche ou Laros, le nom de sa mère), un homme meurtri, au visage déformé par la lèpre, qui vagabonde à Maurice puis en France où il finira ses jours.


      

Se dégage aussi les portrait de femmes comme celle qui se fait appeler Krystal, son côté anar et têtu, qu’il ira visiter en prison ou Aditi, "écolo" et sauvageonne, qui accouchera seule, loin de tout, en pleine forêt.

A force d'interroger les habitants, le narrateur reconstitue peu à peu le destin tragique de cette famille coupée en deux. Mais quelle importance désormais, maintenant le domaine d’Alma n’existe plus, bientôt remplacé, dit-on, par un centre commercial.

Tout ça, « c’est l’aube d’un temps ancien, elle allume l’horizon mais elle ne parvient pas à faire grandir le jour. » Il reste encore quelques survivants des temps anciens, mais pour peu de temps, ces témoins vont disparaître, emportant avec eux ce qui faisait la vie de leur époque, un morceau de mémoire collective à jamais disparu comme Emmeline Carcénac qui habite maintenant Moka, « il n’y a plus qu’elle qui s’en souvient, ce souffle léger qui vacille, petite flamme pâle prête à s’évanouir. »

                    
                                     JMG Le Clézio et Patrick Modiano

Le Clézio et le "dodo"

JMG Le Clézio est particulièrement sensible au le sort qu’a subi le dodo (ou Drontes de Maurice) cette espèce de gros dindon endémique de l’île Maurice et raconte la poignante histoire du dernier voyage du dernier dodo qui mourra en Angleterre.

Il explique dans une interview : « C'était des oiseaux qui ne connaissaient pas les humains. Ils étaient assez grands, assez costauds, donc ils n'avaient peur de rien. Quand les humains sont arrivés, ils sont allés vers eux pour faire connaissance de ces drôles de bipèdes qui débarquaient chez eux et là, on les a assommés. Un des marins raconte comment ça se passait : "L'oiseau est tellement bête, il suffit qu'il y en ait un qui ajoute un chiffon rouge à gauche, l'autre arrive à droite et peut lui taper dessus sans problèmes. »

Il ajoute sur cet oiseau qui, par certains aspects, lui fait penser à l’homme : « C'est un fossile qui était vivant à l'époque où les premiers humains sont arrivés à l'île Maurice. C'était le dernier plus gros oiseau à terre dans cette région, de la famille des colombes, énorme. Il est connu surtout pour avoir servi d'illustration dans Alice aux Pays des Merveilles, c'est cet oiseau un peu ridicule et en même temps touchant. »
Il a des réactions qui rappellent l’être humain : quand on le capture il pleure, si on veut l'enfermer il se laisse mourir de faim, il ne peut pas vivre sans sa compagne…


           
                                                     Image du dodo

Notes et références
[1]  qu'Alexis, le narrateur de son roman
La Quarantaine
en 1995 lui a été inspiré par un épisode de la vie de son grand-père maternel Alexis, celle qu'il subit sur un îlot au large de l'île Maurice, suite à une épidémie de variole. C’est aussi Le Chercheur d’or en 1985, à la recherche de son grand-père Léon qui, après avoir été ruiné,  ira prospecter sans succès à l’île Rodrigues.  Il y retournera pour un second voyage, thème du roman suivant Voyage à Rodrigue.

Sur la présentation de sa trilogie, voir mes fiches dans JMG L Clézio, L’homme et son œuvre  --
Voir aussi
 
* La Catégorie Le Clézio sur mon site dédié aux prix Nobel de littérature --


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