Référence : Jean-Yves Le Naour, "L’assassinat de Clémenceau", éditions Perrin, 200 pages, février 2019
             

L'attentat contre Clemenceau : un récit historique avec une pincée de roman policier
Relations entre politique, justice et presse dans l’entre-deux-guerres au début du XXe siècle.

Jean-Yves Le Naour, l’un des meilleurs spécialistes de cette époque et en particulier de la Grande guerre [1], enquête sur cet assassinat raté contre l’homme politique le plus adulé du moment, surnommé "Le père la victoire" après l’aura recueilli par la victoire sur l’Allemagne. Alors, pourquoi vouloir assassiner un homme porté au pinacle, pourquoi cette volonté d’aller à contrecourant de l'opinion publique, s'attaquer à un homme qu’on aurait pu considérer comme intouchable, et dont Clémenceau portera les stigmates jusqu’à sa mort.



La presse est quasi unanime pour s’élever contre cet acte inique :
 « Coup de revolver contre M. Clemenceau. Le président du Conseil serait légèrement blessé » (Le Populaire), Un attentat contre la France victorieuse. Dix balles contre Clemenceau » (L’Action française), « Le criminel serait un anarchiste » (La Croix), « Vive Clemenceau ! » (Le Petit Parisien). On le constate, la une des journaux, ce 20 février 1919, retentit de l’immense émoi qu’a suscité la tentative d’assassinat contre le président du conseil le jour précédent.

    
La Grande guerre (1)   La Grande guerre (1)    L'archiduc François-Ferdinand


Reprenons les faits : le 19 février vers à 8 h 40, Clémenceau s’apprête à monter dans la Rolls-Royce que  conduit son chauffeur Coujat pour aller au ministère de la Guerre. Visé par plusieurs coups de revolver, il est blessé à l’épaule, il réussit à se réfugier dans sa voiture. À l’angle de la rue Franklin et du boulevard Delessert, un jeune anarchiste, Émile Cottin, [2] qui reproche à Clémenceau d’avoir employé la force pour briser des grèves, tire sept fois en ne parvenant qu’à le blesser légèrement. Émile Cottin [3] est rapidement condamné à mort, mais le « Tigre », fidèle à lui-même, obtiendra en fin de compte que cette peine soit commuée en dix ans de réclusion.

              
La Grande guerre (3)        La Grande guerre (4)       La Grande guerre (5)

Sur les blessures occasionnées à Georges Clémenceau, nous possédons quelques témoignages qui nous permettent de compléter ce récit :
Le médecin major Laubry, appelé au chevet de Clémenceau, arrive et constate que ce dernier a été atteint par trois balles dont l'une « a pénétré un peu de biais dans la région scapulaire droite, derrière l'omoplate, le trou d'entrée étant situé à proximité de la colonne vertébrale. »
- Ce n'est rien, remarqua le Tigre, en regardant son pardessus troué.

Le mercredi après-midi, le Président de la République, Raymond Poincaré, vient prendre des nouvelles du blessé à son domicile rue Franklin. Dans la soirée, un bulletin médical rassure la foule, massée devant son domicile. Clemenceau passe un examen radiographique : la balle a atteint le poumon et s’est logée tout près du cœur  à quelques centimètres de la colonne vertébrale. Il refuse qu’on la lui extrait, disant : « Puis-je vivre avec elle ? »
- Pourquoi pas ? lui répond Laubry, son médecin.
- Alors, nous tâcherons de faire bon ménage, répond-il.

   

Notes et références
[1]
JY Le Naour a publié une histoire de la Grande guerre en 5 tomes : La grande illusion (1), L'enlisement (2), L'enfer (3), La paix impossible (4) et L'étrange victoire (5) ainsi qu'un livre-synthèse intitulé simplement La Grange guerre.
[2]
Le journal Le Libertaire prendra la défense de Cottin, en particulier  au motif que Vilain l'assassin de Jean Jaurès venait d'être acquitté.

[3] Libéré en 1924, Cottin sera volontaire pour combattre en 1936 au sein de la Colonne Durruti, en Espagne, où il meurt sur le front d'Aragon en octobre 1936.
Sur ces circonstances, voir l’article de la Société d’histoire Auteuil-Passy

 
                                   Fiche d'Émile Cottin après la tentative de lynchage

Voir aussi
* Paul Savigny, Louis Lecoin, Émile Cottin, Alphonse Barbé, Eugène Bevent, Les Anarchistes et le cas de conscience, Éditions de la Librairie Sociale
* Outre La Grande guerre, JY Le Naour a écrit de nombreux ouvrages sur cette période, en particulier Verdun (3 tomes), Les taxis de la Marne, Le soldat inconnu, Le front d'Orient, L'affaire Malvy ou Les Poilus

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