dimanche 9 février 2020

Jacques Attali, L'année des dupes Alger 1943

Références : Jacques Attali, L'année des dupes Alger 1943, éditions Fayard, 349 pages, 2019

       

« Donner des droits aux Juifs, c’est pousser les musulmans à en réclamer ; et ça, pas question. » 

1943, année charnière où on ne sait pas clairement dans quel camp la victoire va se dessiner. En Algérie, une rupture va se produire avec le débarquement allié. Mais Jacques Attali se pose la question du sort des juifs dans ce qui est encore une colonie française.

  Jacques Attali avec Nathalie Baye

Et la situation n’est pas brillante : Vichy, de sa propre initiative, a ouvert de véritables camps de concentration qui vont perdurer après le débarquement américain, « récit, dit-il, d’un épisode incroyable, trop souvent censuré, de l’histoire de France, de l’histoire de l’Algérie et de celle de la Seconde Guerre mondiale. »

  

Comme souvent, roi de la prospective, il y voit des indices éclairant « d’un jour nouveau la situation géopolitique mondiale d’aujourd’hui. » Et effectivement, la situation est assez contrastée puisque l'antisémitisme connaît de résurgences sporadiques dans le monde.

  

L’histoire des Juifs d’Algérie elle aussi est contrastée. Ils reçurent en 1870 la citoyenneté française mais restèrent des sous citoyens victimes de discriminations, et plus encore avec l’arrivée au pouvoir de Pétain. On leur retira leur citoyenneté, les menaçant de leur faire porter l’étoile jaune et de les envoyer dans des camps au Sahara.


                                                          Pétain à Vichy en 1943
 

L'histoire débute effectivement en 1870 avec le décret Crémieux, nom du ministre de la justice, qui attribue la citoyenneté française aux « israélites indigènes d'Algérie », c'est-à-dire quelques 35 000 personnes. Mais beaucoup avaient peur que toute avancée dans ce domaine soit généralisée aux musulmans. 

  Jacques Attali avec Anne Hidalgo

En 1936, à l'époque du Front populaire, dit le projet Blum-Viollette, du nom d'un ancien gouverneur de l'Algérie, visait à étendre à quelque 25 000 musulmans la citoyenneté française tout en leur permettant de conserver leur statut personnel lié à leur religion. Mais cette réforme, qui avait suscité tant d'espoirs, ne fut jamais mise en place.

            

Quant aux Juifs, deux gouvernements français successifs leur retirèrent leur citoyenneté  : un gouvernement collaborant avec les nazis; puis un autre en collaboration avec les Américains.
Des Juifs à qui des dirigeants français, hors de toute présence allemande, se préparaient à faire porter des étoiles jaunes et qu’ils s’apprêtaient à enfermer dans des camps de concentration sahariens. 

           

À l’époque, l’Algérie est un mélange détonnant de vichystes proaméricains, d’Américains pétainistes, de résistants maréchalistes, grenouillant dans ce bouillon de culture. Il aborde aussi bien les bagarres entre Français avec la rivalité entre De Gaulle et le général  Giraud, l'antisémitisme de certains dirigeants américains, la collaboration active des chefs locaux français,

Il faut dire que la situation en Algérie avait été rarement aussi embrouillée depuis que les américains y avaient débarqué en novembre 1942 et que, le mois suivant, l'amiral Darlan présent à Alger et que les américains regardaient avec un oeil favorable, y soit assassiné par un jeune gaulliste nommé Bonnier de la Chapelle.



« Nulle part en France ni dans l'Empire, écrit-il, on ne vit (la propagande du Maréchal) s'étaler avec autant d'indécence : énormes slogans barbouillant les murs, gigantesques portraits du bon dictateur... »

Les Français d’Algérie, dans leur majorité, s’identifièrent au régime de Vichy et à son ordre nouveau, le voyant comme un idéal et la possibilité de satisfaire sa soif de domination. Pour eux, reconnaître des droits aux juifs d’Algérie signifiait logiquement donner à terme les mêmes droits aux musulmans algériens. Ça voulait dire aussi renoncer à toute politique d’assimilation, ce qui était grave de conséquences… et ce que prouverait l’avenir. 

 

Voir aussi
* Éric Branca, L’ami américain -- Ménétrel & Pétain -- Marc Lambron, 1941 --
* Histoire, mémoire, témoignage -- Auschwitz & complot nazi --
* Olivier Guez, Le siècle des dictateurs -- * Thomas Picketty, Capital et idéologie --
* Régis Debray, Civilisation et Du génie français --

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