Référence : Lydie Salvayre, Rêver debout, éditions Le Seuil, 208 pages, août 2021
Discussion entre une femme du XXIe siècle et Cervantès.
« Est-il insensé de considérer que la littérature n’est pas lettre morte, parure de cheminée, boniment inutile, mais plutôt lettre vive, ardente, expérience intime qui bouleverse la vie ? »
Lydie Salvayre nous donne avec Rêver debout, l’occasion de nous replonger dans ce monument qu’est Don Quichotte, ce gentilhomme bien de notre époque qui défie des moulins. Loin des apparences, il est bien loin du ridicule, le "chevalier à la Triste Figure" avec son espèce de collerette en guise de heaume, ses chausses rapiécées, sa vieille lance, son bouclier en piteux état, sans oublier sa fidèle Rossinante et son fidèle Sancho Pança.
Il
n’est en fait pas si contemporain l’orgueilleux soldat, avec son côté
sérieux même dans l’excès, son côté épique même dans le grotesque,
humain toujours, en particulier avec les plus démunis, ne biaisant
jamais avec la vérité et surtout, surtout jamais blasé.
Avec en contrepoint la banalité de nos vies.
La déclaration Cintegabelle [1] Hymne (Jimi Hendrix)
Contre les tendances actuelles de violence, de performance et d’indifférence, Lydie Salvayre oppose les qualités inhérentes à don Quichotte basées sur le courage, la générosité et la compassion, disant de son époque : « Moi ce que je crains, Monsieur, c’est que la carence en utopie de ceux qui nous gouvernent et qui se veulent réalistes, ne nous accule au pire si aucun nouveau don Quichotte ne déboule dans le paysage. »
Le tableau serait incomplet sans la présence aux côtés du chevalier du fidèle Sancho Pança dont elle récuse l'image d'un être un peu rustre et trouillard, aux allures de paysan maté, le contraire de son maître et ami. Pour Lydie Salvayre, ils forment au contraire un couple indéfectible qui se complète admirablement.
Tout homme est une nuit Brigitte Fossey lisant "Pas pleurer"
Elle les voit comme le symbole de notre situation, reflétant notre nature profonde : « Les
deux en nous cohabitent. Nous nous reconnaissons dans l'un comme dans
l'autre, selon les jours et nos chagrins ; et leurs révoltes, leurs
impasses, leurs craintes et leurs contradictions sont, à des degrés
divers, les nôtres. »
Ils tendant en quelque
sorte vers un idéal, recherchant réalisant un subtile équilibre qui
permet de garder la capacité de rêver sans perdre le sens des réalités.
Avec Dan Franck Avec Ariane Ascaride en 2015
Voilà sous forme épistolaire -15 lettres au total- le projet de Lydie Salvayre, et le procès de notre société beaucoup trop matérialiste. Convoquer don Quichotte, la grande figure épique de son époque et Cervantès son géniteur, est pour elle une manière d'aborder la nôtre, d'évoquer aussi à travers don Quichotte, l'itinéraire d'un homme révolté tel que le définissait Albert Camus et de confronter aussi le concret à son rêve de justice, de réconcilier ainsi la réalité à la soif d'utopie.
Notes et références
[1] La conférence de Cintegabelle ou le pouvoir de la parole --
Voir aussi ma fiche :
► Lydie Salvayre, Lydie la colère --
---------------------------------------------------------------------------------
<< Christian Broussas,Lydie Salvayre 2 15/09/2021 © • cjb • © >>
---------------------------------------------------------------------------------
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire