mercredi 12 mars 2025

Annie Ernaux Chantre de l'autofiction

 Annie Ernaux : Une œuvre centrée sur  l’intime

 
Écrits  fictionnelsFamille et intime, L’influence  de Bourdieu
 Au-delà de l’autofiction, Au temps du Nobel, Pour aller au-delà
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« Des récits ni biographies, ni romans, mais peut-être quelque chose entre la littérature, la sociologie et l'histoire. »

L'œuvre d'Annie Ernaux est caractérisée par une transparence assumée qui tout à la fois déconcerte et séduit par son exploration de l'intime, sa liberté d'expérimenter et d'exposer tous les détails d'une existence.

Elle dépeint aussi un tableau lucide de la société d'après-guerre, des modes subtils d'exclusion, de l'évolution des femmes. Son œuvre repose sur une écriture plus exigeante qu'on ne le pense, demandant beaucoup de rigueur.


1- L’autosociobiographie
Ses écrits sont basés sur la description d'une période de sa vie, centrés le plus souvent sur son milieu ou les événements qui ont marqué sa vie, tout en incluant la dimension sociologique. D'où sa volonté d'allier l'individuel (l'intime) au collectif (le sociologique).

Ce qu'elle appelle son approche "autosociobiographie". Elle écrira d'ailleurs à ce sujet : 
« Mes livres, c’est la fusion la plus étroite entre le collectif et l’individuel. »


2- Une œuvre autocentrée sur elle-même
** Sur sa jeunesse : Les armoires vides (1974), à partir de 1963
   Retour à Yvetot, 1940-64 (1913/2022)
** Sur ses 15 ans : Ce qu'ils disent ou rien (1977), L'adolescence.
** Sur ses 18 ans : Mémoire de fille (2016),
** Sur son mariage (1964-81) : La femme gelée (1981)
     et ses études, La honte (1997),
Son expérience, ses parents la sépare de ses amis bourgeois : « Ma place d'écartelée entre deux
     mondes sociaux
. »


3- Une œuvre autocentrée sur sa famille
Son œuvre fictionnelle se présente ainsi :
** Sur son père : La Place (1983)

« J’écris peut-être parce qu’on n’avait  plus rien à se dire. »
** Sur sa mère : Une femme (1988)/Je ne suis pas sortie de ma nuit (1997) - Connivence et déchirements
** Sur sa sœur Ginette : L'autre fille (2011)


4- Une œuvre autocentrée sur l'intime
** Sur ses rapports amoureux :
   « Ce gouffre entre l'imaginaire, le désir et le réel ».
     - Avec S/A : Passion simple (récit 1992) et Se perdre (2001)
     - Avec W : L'occupation (1997) et Le jeune homme (2022)

** Sur son avortement : L'événement (2000)
** Sur son cancer : L'usage de la photo (2005) avec Marc Marie
** Sur la photo : De banales photos deviennent
« une œuvre documentaire puissante et universelle. »
 L'usage de la photo, Les Années (2008), Les années super 8 (2022)

5- Au-delà de l’autofiction 1/2 - Les textes de Cergy
** Aucun sujet n'est tabou : « Préserver des instants qui n’ont pas vocation de rester. »
-
Journal du dehors (1985-92) [1993], scènes urbaines
-
  La vie extérieure (1993-99) [2011] : scènes de vie du RER, des SDF, des pauvres, le Kosovo, le métro, caissières Auchan
-
Regarde la lumière mon amour (2014) : les clients du Auchan de Cergy en 2012-13

** Style et "écriture plate"
Son écriture "plate", c'est les lettres à ses parents, mais recherchant la plus grande précision. (cf L’écriture comme un couteau)

« Pour rendre compte d’une vie soumise à la nécessité, je n’ai pas le droit de prendre d’abord le parti de l’art, ni de chercher à faire quelque chose de “passionnant”, ou d’“émouvant. 
» (La place p 24)


** L'influence de Pierre Bourdieu
    Entre dominés et dominants : « Cette prise de conscience, je la dois à Bourdieu.
[...] Il éclaire les mécanismes de reproduction sociale. »  (L’habitus )
« Avec Les Héritiers, elle découvre
« quelque chose de l’ordre de la vérité ontologique. »


6- Au-delà de l’autofiction 2/2 - Les interviews
- L'écriture comme un couteau (2003-2011), Entretien avec Pierre-Yves Jeannet : sa pratique de l'écriture
-
La littérature est une arme de combat (2005), Entretiens avec Isabelle Charpentier : déplacements et sociologie, "la langue de l'ennemi" (Genet), Bourdieu
-
Écrire, écrire, pourquoi ? (2010) : Entretiens avec Raphaëlle Rérolle : « J’écris pour que nous n’ayons pas existé pour rien. »
-
Le vrai lieu
(2014), Entretiens avec Michelle Porte : Yvetot/Rouen, Cergy - Liens entre sa vie et son écriture
-
La conversation (2023), Entretiens avec Rose-Marie Lagrave : trajectoire & transfuge de classe, rapport au travail, à la vieillesse


7- Au temps du Nobel, 2022
** Pour : « Le courage et l’acuité clinique avec laquelle elle découvre les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle. »
** Rééditions :
-->
L'écriture comme un couteau (2003-2011)
--> L'atelier noir (2011/2022) : Journal sur ses idées, sa logique, ses doutes…

--> Rappel : [Les années super 8 (2022), Le jeune homme (2022)], La conversation (2023)

--> Hôtel Casanova (2020) : recueil de 12 textes divers de 1984 à 2006 sur sa mère et sa maladie (Retours), le mur de Berlin et Leipzig, des écrivains comme Cesare Pavese et Pierre Bourdieu.

8- Pour aller plus loin...
** Essai : Un engagement d'écriture de Pierre-Louis Fort et Violaine Houdart-Merot
** Cahier de l'Herne, Annie Ernaux, Pierre-Louis Fort, mai 2022
** La rage de dire, la foi d'écrire, Le 1 hebdo, hors série, 2022

** Écrire la vie (2011), éd. Gallimard/Quarto, anthologie (onze titres plus textes de récits et de réflexions, photos) : « Écrire n'est pas pour moi un substitut de l'amour, mais quelque chose de plus que l'amour ou que la vie. »

Voir aussi :
* Annie Ernaux, Le vrai lieu -- Mémoire de fille La place -- Les Années -- 
L'art d'écrire -- 

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