Référence : L’Étranger d'après Albert Camus, paru en 1942, film 2025 avec dans les rôles principaux :
Benjamin Voisin (Meursault), Rebecca Marder (Marie Cardonna), Pierre
Lottin (Raymond Sintès), Denis Lavant (Le vieux au chien), Swann Arlaud
(L'aumônier), Nicolas Vaude (Le procureur).
« En s’attaquant à l’énigmatique Meursault d’Albert Camus, François Ozon relève un sacré défi. Il mêle savamment fidélité à l’œuvre et audaces narratives [...] Une adaptation très réussie. » Télérama
Affiche du film Mostra 2025
Le fil conducteur est bien connu et, à cet égard, le scénario suit bien le déroulement du roman : [1]
Alger 1938. Meursault, un jeune homme,
la trentaine, un modeste employé, enterre sa mère sans manifester
(c'est du moins ce qu'on leur reprochera) la moindre émotion. [2]
Meursaut et Marie
Le lendemain, il entame une liaison avec Marie, une collègue de bureau. La vie quotidienne reprend, avec le travail et les loisirs à la plage. Marie
rêve de mariage mais lui ne semble pas prêt pour s'engager, il semble
d'une façon plus générale, hésitant, sans ambitions et refuse la
promotion que lui offre son patron.
Son voisin et ami Raymond Sintès va perturber son
quotidien en l’entraînant dans des histoires louches jusqu’au drame
central, sous un soleil de plomb sur la plage déserte. Dès lors, le sort
de Meursaut est scellé : condamné pour avoir refusé de
jouer le rôle que la société attend de lui, en disant simplement et
crument SA vérité. [3]
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Benjamin Voisin avec Ozon Meursault avec Marie
Meursault se veut anonyme, il n'a toujours pas de prénom [4],
il me rappelle "Bartleby" le personnage d'Hermann Melville qui répète souvent « Je préfère ne pas » et se retranche peu à peu des autres.
L'itinéraire de Meursault illustre bien les questions
existentielles sur la vie et la mort, l’absurde et l’humain. En prison,
il se positionne face à la mort, face à la dialectique classique de
l'aumônier. Camus était résolument athée, refusant les promesses d'un au-delà édénique jouant sur la peur de la mort. 1942, année de parution de L’Étranger, c'est aussi le temps où Camus est venu soigner en France une nouvelle crise de tuberculose [5],
de nouveau confronté au spectre de la mort. Une peine de mort que,
d'un point de vue éthique, il refuse de toutes ses forces, luttant pour
son abolition. [6]
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Meursaut et Marie sur la plage Meursault lors de son procès
Dans sa prison, Meursault tombe sur un vieil article de
journal relatant un fait divers : deux femmes tuant leur fils et frère
qui avait décidé de rester anonyme, terrible méprise symbole pour Camus (et pour Meursault) de l'absurde. Camus reprendra ce qui est une simple anecdote dans L’Étranger dans sa pièce intitulée "Le Malentendu".
- Dans toute adaptation, il y a une part de trahison, qu’il faut
accepter. Les langues littéraires et cinématographiques ne sont pas les
mêmes. J’ai suivi mon instinct et j’ai collé à la vision d’Albert Camus.
- Pour moi, la première partie de « L’Étranger » (les obsèques de la mère de Meursault, la vie quotidienne à Alger et l’assassinat de l’Arabe sur la plage) devait être sensorielle, quasiment muette avec un rythme lent. La seconde partie avec le procès de Meursault et son emprisonnement était celle que j’appréhendais le plus.
- Dans mon film, les deux personnages féminins, Marie et Djemila, la sœur de l’Arabe, sont plus présentes que dans l’œuvre de Camus. Marie par exemple n’est pas une amoureuse naïve, elle prend conscience que Meursault est un homme différent.
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François Ozon avec des membres de son équipe
François Ozon en compagnie de Denis Lavant (Le vieux au chien)
[1] Le film débute non par « Aujourd'hui, maman est morte » comme chez Camus mais par « J'ai tué un Arabe. »
[2] En 1967, Luchino Visconti en avait déjà signé une adaptation, avec Marcello Mastroianni dans le rôle de Meursault
[3] Camus connaissait bien les mécanismes de la justice
pour avoir assisté à des procès comme journaliste au journal Alger
Républicain
[4] Dans "La mort heureuse", un roman précédent paru à titre posthume, Meursault se prénomme Patrice.
[5] Il ira se reposer et regagner des forces au Panelier en Haute-Loire près de la commune de Chambon-sur-Lignon, chez Paul Œttly, oncle de sa future femme Francine Faure, où il rencontrera Francis Ponge.
[6] Voir entre autres son ouvrage Réflexions sur la peine capitale écrit avec Arthur Kœstler.
* Alice Kaplan, Avec Camus, En quête de "L'Étranger" --
* Camus Malraux et l’étranger --
* Kamel Daoud, Meursault, contre-enquête -- Camus à Alger --
* Camus au Panelier -- La mort heureuse --
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<< Christian Broussas - L’Étranger, film - © CJB 02/12/2025 >>
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