« On apprend la sagesse en expérimentant le chagrin.» Eric-Emmanuel Schmitt
Les deux messieurs de Bruxelles est un recueil de cinq nouvelles avec comme fil conducteur des vies en perspective sur le thème de l'amour. Il nous entraîne dans l'histoire de Jean et Laurent qui se qui se posent des questions sur le mariage et la parentalité, avec cet homme qui retrouve sa dignité d'être humain à Auschwitz grâce à l'amour d'un chien, avec ce curieux amour d'un second époux pour le premier mari de sa femme , avec les remords d'une mère rongée par la culpabilité après la mort de son fils, avec l'histoire de ce couple confronté à la découverte d'une maladie génétique.
  
Dans 
une interview,  Éric-Emmanuel Schmitt, donne son sentiment sur les 
thèmes qu'il aborde dans ses nouvelles, où il développe différentes 
formes que peut
    revêtir l'amour. [1]
  
 
  
Pour 
lui, l'amour et la confiance sont les éléments moteurs de la condition 
humaine. Ses nouvelles sont inspirées d'histoires vraies et évoquent les
 liens subtiles
    qui soudent un couple, deux êtres plus cet amour qui les 
transcendent.
  
 
  
Dans Les deux messieurs de Bruxelles, la 
nouvelle qui donne son titre au livre, lors d'un mariage dans une église
 où un home et une femme sont unis par un prêtre, deux
    hommes célèbrent leur mariage,  à leur façon. Ils tisseront un lien 
puissant avec David, l'un des enfants du couple hétérosexuel qui 
deviendra finalement leur fils symbolique.
  
 
  
Dans la deuxième histoire, Le chien, qui se déroule à Auschwitz, le docteur Samuel Heymann,
 retrouvera le
    sentiment d'être vraiment une personne, et sa confiance en lui, 
grâce à un pauvre animal vagabond. Le chien n'a pas de préjugés, il 
n'est pas raciste et accueille l'homme sans a priori,
    contrairement aux bourreaux nazis. L'homme à travers cette 
expérience pourra réapprendre à vivre après la terrible expérience des 
camps et après avoir survécu à l'horreur de la Shoa.
    Une leçon de vie où un animal, par sa simple présence et son regard d'amour, parviendra à reconnecter un homme à l'humanité.
  
 
  
    Au salon du livre en 2010
  
 
  
Dans Ménage à trois, une jeune veuve 
autrichienne se remarie et curieusement son nouveau conjoint se prend de
 passion pour cet homme disparu dont il voudra défendre la mémoire à tout prix.
Un cœur sous la cendre, il aborde le problème de  nos attitudes en face de la souffrance, surtout lors qu'il s'agit d'un enfant et la confrontation aux
    prélèvements et aux greffes d'organes. Curieux amour que celui de 
cette mère qui préfère son neveu à son propre fils. Mais la mort va 
passer par là et la culpabilité va entraîner la mère dans le
    drame. Confrontation à la mort mais aussi à des maladies terribles 
comme la mucoviscidose -dont on dit que Chopin était atteint- et qui 
posent la question existentielle de savoir si l'on peut
    supprimer une vie, et dans quelles conditions. En tout cas, il 
n'existe pas de bonne solution et conclut l'auteur, « La plupart des problèmes éthiques relèvent du
    tragique.» 
  
 
  
Pour lui, il est difficile sinon impossible de se faire moraliste 
quand on traite de la complexité de l'être humain et des sentiments 
qu'il peut éprouver, « de leur volatilité, de leur
    évolution, quand on essaye de mettre en avant ce qui se cache sous certaines émotions.
 » Juger est déplacé et sans intérêt, aussi bien soi que les autres,  
l'important est de montrer sa
    compassion, de rechercher une vérité qui est de toute façon fugace 
et si difficile à saisir sous ses multiples aspects. La réalité du 
quotidien ne définit pas la totalité de l'être, caractérisé
    aussi dans ses intentions autant que dans ses actes. L'imaginaire 
joue dans cette quête identitaire un rôle considérable, c'est une aide 
indispensable pour appréhender la réalité et faire la
    part des choses sans sombrer dans les frustrations car dit l'auteur « Beaucoup de désirs et d'aspirations s'accomplissent allégoriquement. » Le symbole construit tout autant une histoire d'amour que le
    visible, comme dans Les deux messieurs de Bruxelles où les deux homosexuels compensent leur frustration du désir d'enfant en vivant leur paternité discrètement par
    l'intermédiaire de David, l'enfant de l'autre couple.   
 
  
Il faut bien dissocier amour et sexualité. Dans l'amour, il y a projet
 de vie ensemble, projection commune dans l'avenir tout en acceptant son
 entité mystérieuse. La sexualité est synonyme de
    pulsion cherchant la jouissance et seul l'amour peut s'épanouir dans
 le mariage, y compris pour des personnes de même sexe. 
L'homoparentalité en est la conséquence, qu'elle provienne d'une
    insémination artificielle, d'une procréation médicalement assistée 
ou plus simplement d'une adoption. Cette reconnaissance éviterait bien 
des drames, notamment en cas de décès de l'un des
    parents...  alors « cessons de nier la réalité, entendons la souffrance des autres. »
  
 
  
A notre époque, Un cœur sous la cendre et L'enfant fantôme l'attestent,
 les gens éprouvent beaucoup de
    difficultés à supporter la souffrance, les privant ainsi d'une part 
de leur humanité. Comme si, dans nos sociétés du bonheur, le malheur 
n'avait plus droit de cité. Il confesse avoir longtemps «
    refusé ce qui le gênait . » L'expérience lui a appris à 
relativiser, à admettre, faisant de l'épreuve un travail sur soi qui 
rend plus fort, un attribut du bonheur car « se
    mesurer à sa douleur rend meilleur et rapproche des autres. » 
Le bonheur s'apprécie d'abord en collant à la réalité quotidienne et ses
 difficultés, ses avanies mais chacun doit rechercher sa
    propre vérité au fond de lui-même car il n'existe pas de réponse 
collective. La vie, c'est aussi un mystère qu'il faut assumer.   

  
  
[1] Interview parue dans le journal "Le point" du 1er décembre
    2012
Mes articles sur Éric-Emmanuel Schmitt
--  Éric-Emmanuel Schmitt  Biographie  --  Le cycle de l'invisible  --  Le bruit qui pense
 -- Un homme trop facile ? --  EE Schmitt entre réel et sentiments-- L'élixir d'amour 
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