Patrick Chamoiseau brosse une fresque épique du chemin de l’île de La Martinique, son île natale, dans les arcanes et les difficultés de ses ancêtres et de ses relations avec la tutelle française. Œuvre fleuve qui lui a pris quelque cinq ans pour en venir à bout, (août 1987 à janvier 1992) du temps des grandes plantations esclavagistes aux temps actuels de la bataille pour la dignité à travers la lutte pour la reconnaissance de cet énorme bidonville qui domine la ville de Fort-de-France, qui s’appelle Texaco. Texaco, du nom de la société pétrolière qui avait choisi d’y implanter ses cuves de pétrole.
Patrick Chamoiseau chez lui en Martinique
Cette Marie-Sophie Laborieux qui raconte cette épopée à l’auteur, est décrite ainsi : « Une vieille femme câpresse, très grande, très maigre, avec un visage grave, solennel et des yeux immobiles. » Elle acquière une dimension mythique dans son rôle moteur dans son combat pour faire exister, faire reconnaître cet amas de tôles, de bois, de fibrociment qui constitue aussi une micro société riche de son vécu humain et de son mode de vie. C’est aussi la lutte de la population de plus pauvre, délaissée, souvent malmenée par le pouvoir et les forces de répression qui détruisent périodiquement les misérables cases, sous l’autorité du préfet et des « békés », les riches colons. Seule la municipalité de Fort-de-France avec son maire Aimé Césaire et un urbaniste qu’ils ont surnommé le Christ, les aidera à pérenniser Texaco.
Marie-Sophie Laborieux évoque la vie si difficile de ses parents, son père Esternome, nègre affranchi qui vit d’abord avec la belle Ninon qui perdra la vie à Saint-Pierre dans l’éruption volcanique de la montagne Pelée puis avec Idoménée, l’aveugle. Marie-Sophie vit de petits boulots, au service des békés blancs qui tiennent « l’en-ville, » boulots éphémères, amours éphémères mais elle est l’âme de la résistance aux mulâtres, aux békés, à tous ceux qui voudraient détruire Texaco.
Cette saga nous mène au cœur de l’âme créole à travers son histoire et la vie quotidiennes de ses membres, ses fables et ses rêves, dans un style fluide truffé d’expressions créoles qui donnent du piment au récit et parfois aussi un frein à la facilité de lecture.
Quelques citations
* C’était comme s’il s’était trouvé « dans la situation du prophète
Jean-Baptiste qui, dans l’eau du Jourdain, vit surgir le fils de la Bonne
Nouvelle ». page 31
* « Je ne sentais pas en lui cette raideur intérieure qu’instaurent les certitudes ». page 37
* « Rien de l’avenir n’allant à découvert… » page 54
* « Oh grand-mère… ta vieillesse fut un abîme sous des paupières brisées. » page 61
* « Oh Sophie ma doudoune, tu dis "l’Histoire" mais ça ne veut rien dire, il y a tellement de vies, tellement de destins, tellement des tracées pour faire notre seul chemin. Toi tu dis "l’Histoire", moi je dis "les histoires" ». p 102
* « Une liberté s’arrache et ne doit pas s’offrir ni se donner jamais ». page 112
* « … où l’envers et l’endroit de mêlaient tout bonnement ». page 345
* « Les peuples n’étaient plus menacés par la botte, l’épée, le fusil ou les dominations bancaires de l’Être occidental, mais par l’érosion des différences de leur génie, de leurs goûts, de leurs émois, de leur imaginaire ». page 423
* « Les vies n’ont pas de sens en fait, elles vont et viennent souvent comme des tsunamis, avec le même fracas, et elles drainent des débris qui croupissent dans la tête comme autant de reliques… » page 340
Repères bibliographiques
* Texaco, éditions Gallimard, 1992, isbn 978-2-286-04056-7* « Je ne sentais pas en lui cette raideur intérieure qu’instaurent les certitudes ». page 37
* « Rien de l’avenir n’allant à découvert… » page 54
* « Oh grand-mère… ta vieillesse fut un abîme sous des paupières brisées. » page 61
* « Oh Sophie ma doudoune, tu dis "l’Histoire" mais ça ne veut rien dire, il y a tellement de vies, tellement de destins, tellement des tracées pour faire notre seul chemin. Toi tu dis "l’Histoire", moi je dis "les histoires" ». p 102
* « Une liberté s’arrache et ne doit pas s’offrir ni se donner jamais ». page 112
* « … où l’envers et l’endroit de mêlaient tout bonnement ». page 345
* « Les peuples n’étaient plus menacés par la botte, l’épée, le fusil ou les dominations bancaires de l’Être occidental, mais par l’érosion des différences de leur génie, de leurs goûts, de leurs émois, de leur imaginaire ». page 423
* « Les vies n’ont pas de sens en fait, elles vont et viennent souvent comme des tsunamis, avec le même fracas, et elles drainent des débris qui croupissent dans la tête comme autant de reliques… » page 340
Repères bibliographiques
* Solibo Magnifique, éditions Gallimard, 1988
* Éloge de la créolité, éditions Gallimard, essai, 1989 (avec J. Barnabé & R. Confiant)
<< Christian Broussas - Texaco - Feyzin le 6 août 2014 - <<< © • cjb • © >>>>>
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