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« Ce qui m’intéresse : les ressorts psychologiques fondamentaux. »

Selon Marc Dugain « Nous sommes en train d’échanger notre liberté contre la sécurité. » Jugement sévère mâtiné de scepticisme sur l’évolution de nos sociétés.

Après le grand succès de La malédiction d'Edgar basée sur la vie d’Edgar Hoover, l’ancien patron du FBI et de « La chambre des officiers », (déjà) sur des histoires d’affaires politiques, il s’attelle à cette trilogie –L’Emprise, Le Quinquennat et Ultime partie qui vient de paraître- avec la volonté de créer une série télé politique à la française. Après des séries telles que Borgen ou The Boss, il tente à son tour de se lancer dans une réflexion sur l’essence du système politique français, ce qui en fait ses forces et ses faiblesses.

Apparemment, pas facile de faire passer cette idée à des décideurs frileux : « J’avais proposé ce thème à une chaîne il y a quelques années, la réaction avait été enthousiaste, mais la hiérarchie de la chaîne a refusé le projet. » Même résultat pour sa tentative en direction du cinéma.
Alors, qu’en est-il de cette histoire ou plutôt de ces histoires qui s’entrecroisent qui, écrite sous forme d’une trilogie romanesque connaîtra une version télé après l’accord de la chaîne Arte ?

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« Ce roman est une métaphore de ce qui se passe aujourd’hui. »

Marc Dugain met en scène différents personnages, un favori à la prochaine élection présidentielle, le président d'un groupe militaro-industriel, un directeur du renseignement intérieur, un syndicaliste disparu après le meurtre de sa famille, une photographe chinoise en vogue dont on se demande ce qui peut bien les relier. C’est Lorraine, agent des services secrets, qui est chargée d’établir ce lien mystérieux. Elle s’y attelle en passant par Paris, la Bretagne et l'Irlande mais les embrouilles ne manquent pas dans ces relations interlopes entre les personnages et les conflits d’intérêts.

Philippe Launay, responsable d’un des principaux partis politiques français, rêve de remporter les élections présidentielles. Pour cela, il doit d’abord éliminer son principal concurrent dans son propre parti, nommé Lubiak. En fait, ils ont tendance à se neutraliser tous les deux, l’un prêt à déterrer une vieille affaire mettant en cause Launay, l’autre prêt à diffuser des informations sur les comptes en banque que Lubiak a planqués dans des paradis fiscaux.

L’équilibre de la terreur et d’intérêts bien compris, jeu bien connu du « je te tiens, tu me tiens par la barbichette », chacun étant parfaitement au courant des turpitudes de l’autre.
Ce pauvre Launay a également d’autres problèmes, il doit se méfier de sa femme qui le déteste et voudrait bien lui nuire, se dit prête à tout pour l’empêcher de parvenir au couronnement, de sa maîtresse aussi… Ceci dans un climat inquiétant avec une espionne qui enquête sur un voilier qu’un sous-marin aurait coulé, et un syndicaliste qui se bat pour contrecarrer les plans d’une multinationale qui veut l’éliminer.
N'empêche, il préconise aussi de pratiquer ce qu'il appelle le "nettoyage social". [1]

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« L’intimité est en train de disparaître, l’individu devient transparent. »

Ballet des ambitions, soif de pouvoir et d’argent générant la corruption, Marc Dugain a la dent dure. « Toute la difficulté, fait-il remarquer, était de ne pas tomber dans la caricature. » Il voit le lecteur comme un spectateur installé derrière une glace sans tain pour mieux saisir la psychologie des personnages et leurs obsessions, les ressorts de leurs ambitions.
Selon lui, les hommes politiques éprouvent avant tout le besoin d’exister, d’être le plus possible dans la lumière. 

Sa trilogie insiste aussi sur un monde politique présenté comme impuissant, ayant perdu une grande partie de son pouvoir.Il y décrit les dérives du monde politique, l’électoralisme, les fiefs locaux qu’il considère aussi dangereux que le terrorisme, ainsi que le poids international des États-Unis.
 

Même si ses personnages sont nombreux comme dans certains romans russes et l'histoire assez complexe, l'ensemble s'imbrique peu à peu à travers les liens qui se font jour et cimentent toutes ces histoires.  

« L’éducation est en panne, la culture a fusionné avec la consommation. » Quinquennat, p. 28-29

Un dernier thème essentiel l’interpelle : la pléthore d’informations disponibles à partir des réseaux et qui sont ensuite récupérées et traitées par des entreprises comme Google qui revendent les données récoltées sans en référer à personne.

Uniquement du business d’où toute éthique est absente, un monde qui menace la liberté individuelle, où  « l’individu devient transparent. » Abandonner sa vie privée contre la sécurité, abandonner ses données personnelles aux brokers et autres services secrets contre les services gratuits du net, est le deal imposé aux individus. Face à l’immense réservoir des "bigs datas", [2] le pouvoir politique se sent totalement démuni.

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Il est tentant de faire des rapprochements avec des affaires récentes et Marc Dugain reconnaît qu’il s’est inspiré en particulier de l’affaire Karachi ou de la récente loi sur le renseignement, et d’y retrouver les problèmes socio politiques de notre époque, la collusion entre le monde politique et le monde des affaires, les tropismes de l’attrait des extrêmes, le terrorisme et les services secrets.

Un thriller politique comme l’ont qualifié certains critiques avec en plus des personnages complexes et fragiles, attachants, faits d’ombres et de lumières.
Son prochain ouvrage intitulé L’Homme nu revient sur ce thème, car estime-t-il, « on est dénudé par des systèmes qui nous scannent en permanence, grâce à des mots-clés, des algorithmes... C’est une intrusion incroyable dans la vie privée des gens. »

Notes et références
[1] cf Le quinquennat, page 239
[2]
Bigs datas, ces masses colossales de données numériques sur tout et sur tous qui inquiètent beaucoup l’auteur qui pense que bientôt, « le marché des données sera le plus gros marché commercial » – au côté, selon lui, de « la prévention des crimes, comme dans Minority Report, de Philip K. Dick, adapté par Spielberg ».


Mes fichiers sur Marc Dugain 
* La malédiction d'Edgar -- L'emprise 1 -- 
< Christian Broussas – Dugain Trilogie - 2 avril 2016 -© • cjb • © >