Référence : Tahar ben Jelloun, "L’insomnie", éditions Gallimard, 272 pages, décembre 2018 « C’est un roman très différent de tout ce que j’ai écrit jusqu’à présent. Dans sa forme, c’est un thriller tragi-comique. » Tahar Ben Jelloun 
         
  

Tahar Ben Jelloun est né à Fès au Maroc en 1944. Après des études de philosophie et de psychiatrie sociale dans les années 70, il devint professeur de philosophie et vit en France même si sa famille réside à Tanger.
.
Après un premier roman intitulé Harrouda en 1973, il obtient le prix Goncourt avec La Nuit sacrée en 1987, second tome de L’Enfant de sable. Également poète et essayiste, il est membre du Conseil supérieur de la langue française et de l'Académie Goncourt.
Ses principales œuvres :
L’Enfant de sable, La Nuit sacrée, L'Auberge des Pauvres, Le Dernier ami, Partir, Le Bonheur conjugal.
.
Son double parcours franco-marocaine lui permet d'évoquer ces mondes croisés qui dans la conjoncture actuelle, de tournent le dos. À travers ses deux livres L'islam expliqué aux enfantset Le terrorisme expliqué à nos enfants,il tente de tisser des liens entre l’Occident et l’Orient.

          

Une nouvelle fois, Tahar ben Jelloun traite du thème de l’identité. Dans L’enfant de sable, Ahmed à l’identité à jamais perdue, ni vraiment homme, ni vraiment femme, est sacrifié(e) à la famille et à l’ordre social. Au soir de sa vie, après la comédie des apparences, Ahmed ne trouvait plus « d’énergie, plus de force pour supporter son image. »

Dans la suite intitulée La nuit sacrée, Ahmed  reprend son identité féminine et s'engage dans une errance dont il/elle espère qu'elle l'aidera à  établir une distance avec son passé et à recouvrer son identité. Mais on ne peut simplement affronter la vérité et facilement pardonner, pratiquer « la grâce de l'oubli. » C'est ainsi que par la grâce du père mourant, Ahmed devient Zahra.
Il a aussi raconté en 2018 dans La Punition comment son passage dans les geôles d’Hassan II l’avait traumatisé, le confrontant à une réflexion sur ce qu’il était et ce qu’il voulait faire de sa vie. 

        

Dans L'insomnie, son héros est aussi confronté  à ses pulsions qui le conduisent à commettre des meurtres pour se sentir délivré de cette insomnie qui le ronge.
Est-ce un monstre repoussant ou un être pitoyable qui supplie : « S’il vous plaît… un petit peu de sommeil… un petit peu de cette douce et agréable absence… Une simple échappée, une brève escapade, un pique-nique avec les étoiles dans le noir... »

         

Ce scénariste qui vit à Tanger, insomniaque maladif, découvre que s'il veut avoir une chance de trouver le sommeil, il doit tuer quelqu’un et sa mère sera sa première victime. Mais avec le temps, l’effet du meurtre s’estompe et il doit sans cesse recommencer. Peu à peu, il devient une espèce de "dormeur à gages". Les crimes qu'il commet alors, il les voudrait aussi beaux qu'une œuvre d'art, aussi parfaits qu’au cinéma. 



Il remarque également que plus sa victime est importante et mieux il trouve le sommeil et le repos. Mais ce repos, il ne le trouvera jamais puisqu'il faut sans arrêt recommencer. Et c’est l’escalade, un cercle vicieux dont il ne peut sortir.
Et à chaque fois, tout peut basculer.
.
 
 Voir aussi
* Mes fiches : L’enfant de sable -- La nuit sacrée -- La Punition --
* Ben Jelloun et Giacometti -- Beckett et Genet Un thé à Tanger --

<< Christian Broussas – L'insomnie - 28/01/2019 < • © cjb © • >>