Décidément, certaines villes ne réussissent pas à Stendhal : ni Grenoble sa ville natale, à la relation difficile du genre "je t’aime moi non plus", ni Marseille avec laquelle le courant n’est pas vraiment passé. Henri Beyle, le futur Stendhal, ne pense guère alors à écrire. Il a 22 ans, c’est un jeune homme plutôt dynamique et timide, le genre préservé par un milieu aisé, qui ne connaît guère le monde, où plutôt n’a guère fréquenté que le monde de la bonne bourgeoisie grenobloise qu’il va retrouver à Marseille.
Diable, n’est-il pas issu d’un milieu bourgeois de Grenoble, et n’est-il pas également le
cousin du puissant comte Daru, bien
en cour sous l’Empire et membre du Tribunat ? De quoi allier argent
et réseaux de connaissances.
À
Marseille, il va rencontrer une charmante actrice Mélanie Guilbert qui s’amusera avec lui, le fera mariner, mais ce
n’est qu’une passade et il l’oubliera vite. Ce ne sera pas le seul amour
malheureux qu’il vivra au cours de sa vie. Et dans ce domaine, l’Italie ne lui sera pas forcément bien plus favorable.
S’il est venu s’installer quelque temps à Marseille, c’est dans l’idée de créer
sa "maison de banque" mais
décidément, rien n’avance, il s’impatiente et se morfond de plus en plus. Même
le cousin Daru ne répond pas à ses
attentes. Il faut dire que Stendhal n’a jamais été très famille et n’aime guère
jouer les solliciteurs.
Pour le moment, il est censé apprendre le négoce et tenir les comptes à jour, mais en fait, c’est surtout pour lui une sinécure, une couverture pour prendre du bon temps.
Pour le moment, il est censé apprendre le négoce et tenir les comptes à jour, mais en fait, c’est surtout pour lui une sinécure, une couverture pour prendre du bon temps.
Il se lève vers les dix heures, se rend chez Meunier son employeur pour… déjeuner et
lire « devant le feu »,
travaille quand même un peu puis s’en va boire « une demi tasse de café chez Casati »
avant d’aller lire les journaux au
cabinet Michel. Vers 16 heures, fin
du travail.
Le soir il va au théâtre, au Grand-théâtre où joue Mélanie Guilbert, ou fréquente les salons de la bourgeoisie marseillaise où souvent il s’ennuie, où dit-il, les jeunes gens ont « l’air sottement vaniteux » et les femmes ne valent guère mieux.
En mai 1806, lassé d’attendre, il décide de regagner Grenoble pour aller voir le cousin Daru. Il part sans tarder et le 28 mai,
il est à Sisteron où « l’odeur de province redouble »
note-t-il dans son Journal,
« un air ennuyé des habitués campés devant le café. » À Gap, il descend à l’auberge Marchand, rue de France. Avec son
air de dandy un peu hautain, il trouve la ville quelque peu étriquée pour une
préfecture et pense à son ami Ladoucette,
préfet de ce département et disposant déjà de soixante mille livres de rente.
Mais finalement, il ne l’envie pas : « Quel
ennui de passer 5 ou 6 ans de sa vie dans un tel trou ! »
Il refuse même les avances des deux filles de l’aubergiste
qui auraient bien voulu faire plus ample connaissance avec le jeune étranger :
« Je sens trop le bon ton pour dire et
faire les choses de mauvais ton qui étaient nécessaires pour profiter de cette
porte ouverte. Cela viendra » écrit-il dans son Journal comme pour se justifier.
Toujours dans son Journal, il dit rêver de devenir un homme
de lettres, poète peut-être mais encore peu sûr de lui : « Combien je sens mon esprit au-dessous
d’une telle entreprise ! »
On est encore très loin de Fabrice del Dongo ou de Julien Sorel !
Voir l'ensemble de mes fiches sur Stendhal :
* Stendhal, « Un européen absolu »
* Stendhal et La découverte de l'Italie -- Stendhal et La campagne de Russie --
* Stendhal : Armance -- Stendhal : Lamiel -- Stendhal : Lucien Leuwen
* Stendhal consul à Civitavecchia -- Stendhal : Mémoires d'un touriste
* Vie de Henri Brulard -- Stendhal à Lyon, C. Broussas
On est encore très loin de Fabrice del Dongo ou de Julien Sorel !
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<< Christian Broussas – Stendhal, /09/2019 - © • cjb • © >>
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