Référence : Éric Branca, L’ami américain, Washington contre de Gaulle, 1940-1969, éditions Perrin, août 2017 "
Dans cet ouvrage, Éric Branca renoue avec les essais consacrés au gaullisme et au général de Gaulle. [1] Cette fois, grâce à des témoignages inédits et à la déclassification de certaines archives, il dévoile avec beaucoup de détails, les arcanes du jeu diplomatique entre la France gaulliste et les États-Unis ainsi que le rôle des plus trouble de la CIA dans les rapports souvent difficiles entre les deux pays. [2]
Avec le président Kennedy
Titre paradoxal puisqu’Éric Branca traite des relations tumultueuses entre le général de Gaulle et les États-Unis. On connaissait déjà l’animosité pendant la Seconde guerre mondiale entre la France libre et les États-Unis, entre le général de Gaulle et le président Roosevelt, mais ces débuts calamiteux ont perduré jusqu’au départ du général en 1969 et même jusqu’à la disparition de son successeur Georges Pompidou. [3]
Avec le président Nixon
Le général de Gaulle confiait en janvier 1963 à Alain Peyrefitte : « Les Américains ont toujours la tentation de s'appuyer sur ce qui est mou plutôt que de s 'appuyer sur ce qui est ferme . Dans tous les pays sous-développés, ils ont la tentation de s'apppuyer sur les planches pourries qui leur sont favorables---et d'autant plus favorables que ce sont eux qui les ont pourries---, plutôt que de s'appuyer sur des régimes durs, issus d'une véritable volonté populaire ; car ces régimes-là, ils les craignent .
Pendant la guerre, ils s'appuyaient sur Pétain, ou sur Darlan, ou sur Giraud, contre de Gaulle qui incarnait la volonté de la nation . [...] Les Américains ne pourront jamais s'empêcher de favoriser au maximum la carrière d'un Jean Monnet, car ils reconnaissent en lui leur homme , et de s'opposer à de Gaulle, car ils sentent en lui un homme qui leur résiste . Pourtant, ils devraient comprendre que le meilleur allié des États-Unis, ce n'est pas celui qui s'aplatit devant eux, c'est celui qui sait leur dire non . » [4]
Pour qui connaît peu cette situation, il peut paraître incompréhensible le refus du Général de Gaulle en 1964 de présider les vingt ans du débarquement allié en Normandie. Pour qui connaît de Gaulle, tête de cochon aux inimitiés tenaces, c’est moins étonnant. Mais le problème n’est pas seulement une grande inimitié entre de Gaulle et certains présidents comme Roosevelt ou Johnson, c’est surtout une volonté des américains d’abaisser un allié récalcitrant qui refuse de s’aligner sans conditions sur les positions américaines.
Les présidents américains n’ont jamais admis que la France gaulliste quitte les instances de l’OTAN, supprime toutes les bases militaires installées sur le territoire national et joue sa propre carte diplomatique en prenant une position de pays non aligné refusant de choisir un camp entre les américain et les soviétiques au temps de la guerre froide. Cette autonomie française et les distances prises à l’égard de l’OTAN ont débouché sur la création d’une force nucléaire qui permet de s’affranchit de la tutelle militaire américaine.
Livres de François Kersaudy sur le général de Gaulle
Toujours aussi paradoxal, le soutien entièrement acquis du Général aux États-Unis dans le domaine international, lors par exemple des phases les plus cruciales de la guerre froide, par exemple lors de la crise des missiles russes installés à Cuba, alors que le Département d’État et la CIA ont plusieurs fois tenté de l’éliminer de la scène internationale.
Les Américains ont en particulier torpillé la politique française en Algérie en aidant l’OAS, en finançant le FLN, ce qui est particulièrement grave, et une partie de la classe politique française, le plus connu étant sans doute le financement de Force Ouvrière en 1947 pour affaiblir non seulement le mouvement syndical français mais aussi un Parti communiste très près de la CGT . [5]
On suit avec intérêt les relations conflictuelles entre les deux pays, les coups tordus fomentés par les États-Unis, et en premier lieu la CIA, pour dompter un "allié" parfois turbulent et malcommode à manœuvrer.
L’auteur déplore que cette politique d’indépendant de la France vis-à-vis de ses alliés et de sujétion à tout autre pays n’ait pas été poursuivie après la présidence de Georges Pompidou, même par les présidents français qui appartenaient au courant du gaullisme, un Nicolas Sarkozy prenait comme un compliment d'être surnommé "l'américain".
Notes et références
[1] On peut citer ses deux livres biographiques ("De Gaulle", Molière, 1999, réédition chez PUF en 2010, "Charles de Gaulle", éditions du huitième jour, 2006), "De Gaulle et les Français libres", éditions Albin Michel, 2010, "Jacques Chirac, Chronique, 2015
[2] Cette stratégie est allée jusqu’à vouloir isoler de Gaulle « quand ce n’est pas carrément pour l’éliminer. »
[3] L’auteur note qu’il n’y a que le président Nixon qui ait vraiment tente de se rapprocher de la France, en comprenant et en admettant sa politique d’autonomie[4] Chapitre 11, la symphonie inachevée, page 280
[5] « … L’aide apportée dès 1945 aux nationalistes algériens ou indochinois [est allée] jusqu’au soutien direct fourni à l’OAS dans les derniers mois de l’Algérie Française. »
Sélection bibliographique
* François Kersaudy, De Gaulle-Churchill et De Gaulle-Roosevelt, éditions Perrin, 2001 et 2004
* Raoul Aglion, Roosevelt-De Gaulle, éditions Plon, 1984
* David Raynolds, Churchill-De Gaulle, éditions de La Martinière, 2015
* Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, éditions Plon, 1954
Voir aussi mes fiches :
* Éric Branca, Les entretiens oubliés d'Hitler --
* Rosella Postorino, La goûteuse d'Hitler --
<< Christian Broussas – Branca/De Gaulle, 12/10/2019 - © • cjb • © >>
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