Musée Matisse au Cateau-Cambrésis                 Affiche de l’exposition

Cette exposition a pour objectif la découverte du travail de Matisse, de ses premiers pas à Saint-Quentin (1888-1890) jusqu'à la fermeture de son académie en 1911 à Paris. Ceci explique que les tableaux choisis pour illustrer le texte ont été peints pour l'essentiel entre 1888 et la fin de l'académie en 1911.


Henri Matisse en 1952 et Fenêtre à Tahiti, 1936

Une présentation prévue ainsi en deux parties, d’abord sa formation artistique de Saint-Quentin à l’atelier Gustave Moreau à Paris, également à travers  d’autres peintres comme Cézanne, Gauguin, en travaillant avec ses contemporains tels Marquet ou Derain. La seconde partie est quant à elle centrée sur l'académie qu’il fonde en 1908.

Sur la Seine, le pont St-Michel : 3 versions 1900-1901

Si Matisse est souvent associé à la Côte d’Azur où il a vécu une grande partie de sa vie, il n’en reste pas moins un homme du nord, un homme du Cambrésis, où le musée du Cateau-Cambrésis ouvre une grande exposition à l’occasion de son 150ème anniversaire.

     
La gitane 1905                             Sur la Seine, pont St-Michel, 1904


On  y souligne en effet « l'importance primordiale qu’a eu sa région de naissance en le faisant baigner dans un univers de textiles, de formes, de couleurs qui instilleront son goût pour le décoratif. Matisse, issu d’une famille de tisserands installée depuis plus de 300 ans au Cateau-Cambrésis, y puisera son inspiration mais aussi une ligne de vie qui sans cesse le guidera."

Voici quelques lieux de son pays de naissance et de sa jeunesse qui ont compté pour lui et qui ont marqué son œuvre.

Natures mortes : Pommes et Pommes et oranges, 1899


Sa naissance au Cateau-Cambrésis

Il naît au Cateau-Cambrésis le 31 décembre 1869. rue du Chêne-Arnaut, dans une famille modeste tisserand puisque son  père est vendeur dans un magasin de layette et lingerie, a mère modiste.
Mais ils ont dans l’idée d’ouvrir rapidement un magasin dans une petite ville voisine, à Bohain-en-Vermandois, laissant toute leur famille au Cateau.

           
Petite tête au peigne 1907  
Matisse est né dans la maison de gauche, démolie en 1918

Sa première boîte de couleurs, les fleurs, les tissus...

Matisse passe ainsi son enfance à Bohain-en-Vermandois dans l’Aisne. Dans la boutique de ses parents il découvre couleurs et pigments, il vit dans les textiles de couleur des tisserands locaux, dans la nature environnante. " Lorsque sa famille s'installa rue du Château, Bohain était déjà à mi-chemin de sa transformation d'un village de tisserands endormi au fin fond de l'ancienne forêt d'Arrouaise en un centre de fabrication moderne avec dix mille métiers à tisser", écrit Hilary Spurling dans sa biographie de Matisse

       
La devideuse picarde (La mère Massé dans son intérieur à Bohain), 1903
Un catalogue de tissus produits à Bohain (1883)


C’est là qu’il a certainement puisé son goût pour les couleurs et les formes végétales qu’il a utilisées dans ses toiles et ses collages. Mais il a une santé fragile et ne pourra sans doute pas reprendre  le commerce de ses parents.

Œuvres de jeunesse

Nature morte au pichet 1886                     Nature morte au pot de terre 1892

Mur rose à Ajaccio 1898                                         Rue d’Arcueil 1898

C'est alors que sa mère eut l’idée lumineuse de lui offrir sa première boîte de couleurs. "A partir du moment où j'ai eu cette boîte de couleurs dans les mains, j'ai senti là que c'était ma vie. Comme une bête qui va à ce qu'elle aime, je me suis dirigé là-dedans, au désespoir bien compréhensible de mon père, qui m'avait fait faire d'autres études. C'était le grand attrait, l'espèce de Paradis retrouvé dans lequel j'étais tout à fait libre, seul, tranquille", dira plus tard Henri Matisse » dira-t-il plus tard. 
Son père aurait préféré le droit mais après des études à Paris, il part à Saint-Quentin.


Le guitariste debout 1903   Autoportrait 1906   Portrait à la raie verte 1905

À ce propos, son biographe Hilary Spurling  écrira : « Descendant de ces tisserands et entouré de ces tisserands, Matisse a grandi depuis l'enfance avec le bruit des navettes qui claquaient et la vue de ses voisins chargeant et manipulant des canettes colorées, penchés sur le métier comme un peintre devant son chevalet, jour après jour, à l'aube au crépuscule. Les textiles lui sont toujours restés indispensables en tant qu’artiste. »


Serviette à carreaux 1903                          Promenade aux oliviers 1905

À Saint-Quentin, tout pour la peinture

Matisse trouve un emploi de clerc d'avoué chez un notaire mais évidemment, ça ne lui convient pas du tout et il décide de prendre des cours à l’école Maurice-Quentin de la Tour, un peintre du XVIIIe siècle dont il admirait les pastels.

Il parle de cette expérience en 1952 dans un article de la revue Tériade : « Tous les matins de 7 à 8, avant d’aller à mes études, je me rendais à l’Ecole Quentin La Tour où je travaillais sous la direction de dessinateurs de textiles. Une fois mordu par le démon de la peinture je n’ai plus voulu abandonner. J’ai demandé à mes parents – et finalement obtenu – la permission d’aller à Paris pour étudier sérieusement la peinture. »

  
                                                  
Luxe calme et volupté 1904

       
Un beau matin d’été 1905                      Collioure avec l’église 1905

Matisse au Musée des Beaux-Arts à Lille

À Lille, il découvre, émerveillé, un œuvre de Goya intitulée "Les veilles et les Jeunes" : « Dans mes débuts, quand j’étais élève de l’école des Beaux-Arts, je croyais que je n’arriverais jamais à peindre, parce que je ne peignais pas comme les autres. Un jour, j’ai vu les Goya de Lille. Alors j’ai compris que la peinture pouvait être un langage ; j’ai pensé que je pourrais faire de la peinture. »

                   
Francisco de Goya La lettre ou les jeunes, 1814-19
Matisse, Paysage de Collioure, 1906


En 1947, Henri Matisse offre au Palais des Beaux-Arts de Lille 20 planches colorées sur les thèmes du cirque, des contes et des voyages, réunies dans un ouvrage appelé "Jazz". Quand Matisse a vu les Goya, confie alors le directeur du musée Matisse au Cateau-Cambrésis, « Ça a été tellement fort pour lui que quand il a produit cet album qui a été révolutionnaire dans le monde de l'art, il a pensé au Musée de Lille. »
Ce sont les premières œuvres que Matisse réalise en papiers gouachés et découpés, une technique qui deviendra sa signature.



Planches de JAZZ 1943-44 : technique de la gouache découpée --  (Les trapézistes)


Matisse à Lesquielles Saint-Germain

En 1902, Matisse se retire à Lesquielles-Saint-Germain, petite ville dans l'Aisne, sur les bords de l’Oise. Mais ses toiles se vendent mal et il est malade, avec en plus cette impression que son style est passé de mode. Il pense même à devenir coloriste dans une fabrique de tapis.

En fait, il désire mettre un peu de distance entre lui et sa famille : « J'ai fatigué complètement ma famille, qui est franchement bourgeoise et je n'ai plus à compter sur elle. […] Ma femme se trouve bien ici, et moi je vois une série illimitée de tableaux à faire », écrit-il à un ami.


Lesquielles St Germain, photo récente à gauche et le tableau de Matisse en 1903

Finalement, Matisse reprend peu à peu goût à la peinture : « À Lesquielles, je trouve beaucoup de choses à peindre et des modèles à prix modiques », écrit-il.


Matisse retourne à Paris à l'automne 1903. Il va alors multiplier les expos, les voyages et avoir une production importante, affirmée dans un style qu’il affine et personnalise. Pour lui, le Nord, c’est fini et il s'installe dans le sud de la France.

        
Autoportrait à la cravate           La vie toujours, avec des légumes 1905

Matisse à l'école maternelle du Cateau-Cambrésis

En 1948, Matisse réalise en gouaches découpées la maquette d'un vitrail exceptionnel destiné à la Chapelle du Rosaire, à Vence.

Son idée est que « les vitraux iront du sol au plafond sur cinq mètres de hauteur… ce seront des formes de couleur pure, très brillantes ... Imaginez le soleil se déversant à travers le vitrail - il lancera des reflets colorés sur le sol et les murs blancs, tout un orchestre de couleurs. »


Le vitrail du Cateau-Cambrésis

Mais finalement, ça ne cadre pas avec ce qu’il veut faire à Vence et il en fera cadeau à sa ville natale : « J’ai fait le rêve de donner de la joie aux hommes. J’ai voulu créer au Cateau une féerie de couleurs qui serait comme un esprit de la lumière. »

Le vitrail est toujours à sa place, dans la salle de jeux de l’école Matisse. Une photo immense en a été installée récemment sur un mur de l'école pour que tout le monde puisse l’admirer.

         
Femme au chapeau 1907                     Nature morte bleue, 1907


Un musée Matisse au Cateau-Cambrésis

Matisse, même s’il a émigré dans le sud, n’a pas rompu tout lien avec le Cateau-Cambrésis et certains voudraient que son rayonnement fasse écho à sa ville natale. Répondant à une demande du maire, il offre au Cateau-Cambrésis 82 œuvres composées de gravures, tapisseries, peintures, dessins... pour créer un musée.

Selon Bruno Vouters [1], Matisse « a en tête que ces braves gens viennent d’une région meurtrie, décimée, ça le remue. Je pense que ça crée chez lui une disposition particulière et favorable au don qu’il fait au musée. »

 
     La desserte rouge 1908                              La danse, 1910


Matisse a été très ému de cette sollicitude et déclarera en 1952 lors de l’inauguration du musée : « Mes concitoyens du Cateau, que j’ai quittés si vite pour aller où ma destinée m’a conduit, ont voulu honorer ma vie de travail par la création de ce musée […] Je remercie la ville du Cateau de m’avoir choisi. »

 
Luxe I et II, 1907                                                        Le Pont, 1901


Il poursuit ainsi : « J'ai compris que tout le labeur acharné de ma vie était pour la grande famille humaine, à laquelle devait être révélée un peu de la fraîche beauté du monde par mon intermédiaire. Je n'aurai donc été qu'un médium. Et comme rendant à César ce qui appartient à César, j'ai aidé la ville du Cateau à créer ce musée. Une partie du résultat d'une vie de travail qui m'a été imposée par la destinée, et donc justement bien placée. »

Mais Matisse, mort deux ans plus tard, ne verra jamais le musée terminé, un musée qui a été installé en 1982 dans l'ancien palais Fénelon et qui comprend maintenant près de 800 œuvres.


Nus bleus 1952, versions I, II, III, IV


Notes et références
[1]  Bruno Vouters, Henri Matisse, "Je vais renaître au Cateau", Ateliers galerie éditions
Voir aussi
* Oeuvres d'Henri Matisse --

* Complément : Histoire de la peinture moderne --
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