Référence : Jean-Claude Carrière, Le vin bourru, éditions Plon, 305 pages, mars 2000
Jean-Claude Carrière et sa fille Kiara
« Le vin bourru, c'est en quelque sorte un vin nouveau « qui se protège un moment encore, contre les agressions du monde. »
Dans cette autobiographie intitulée Le Vin bourru, Jean-Claude Carrière, scénariste reconnu [1], féru d’astrophysique et de bouddhisme [2] et auteur de la Controverse de Valladolid raconte son enfance et nous entraîne dans son village de Colombières-sur-Orb dans l'Hérault de 1931 à 1945.
Il nous confie qu’écrire sur son enfance est encore plus difficile qu’écrire sur le bouddhisme ou la physique nucléaire, comme il l’avait fait auparavant. « Là, écrit-il, il faut passer à travers soi. C'est très dur d'être l'ethnologue de soi-même. Je voulais adopter un regard éloigné sur mes jeunes années. Mais comment? C'est supposer que soi n'est pas soi.»
Luis Buñuel et Jean-Claude Carrière en 1969
C’est à l’occasion d’une visite d’un éco-musée, « un faux village, village reconstitué qui se voit un peu partout en Europe » dit-il, que lui revient son enfance. C’est aussi à travers de simples objets de la vie courante qu’il retrouve ce qui avait composé son enfance, l’atmosphère particulière régnant à une époque révolue.
Il se souvient de ce vin bourru, le premier vin que l'on goûtait, au début du mois de novembre. Un vin pas encore arrivé totalement à maturité qui, un peu comme le Beaujolais nouveau, gardait une pointe d’âcreté, « une bourre », qui renfermait quelque chose d'inachevé.
Il se souvient avec une certaine nostalgie de toutes ces choses inutiles qu’on a pu lui fourrer dans le crane car dit-il, « né dans une culture, j'ai vécu dans une autre. » D’où un questionnement sur ce qui nous construit, fait ce que nous sommes, un "en-devenir", autant d’éléments qui serviront de marqueurs pour indiquer les chemins de l’avenir.
Jean-Claude Carrière avec sa femme Nahal Tajadod et sa fille Kiara en 2017
Il aborde avec un réalisme pointilleux la vie d’une société villageoise, village ordinaire du Midi viticole centré sur les années 30, un écosystème en soi, plus complexe qu’il n’y paraît, aujourd'hui disparu. « Avant tout, explique-t-il, je voulais être objectif: ne pas cacher mes émotions, mais ne pas les provoquer. Il me fallait reconstituer les faits, puis les classer. Car l'enfance n'a pas d'ordre, elle est désordonnée, polythéiste, protégée. »
Il se demande alors si sa démarche allait intéresser de futurs lecteurs. Il se réfère à son roman Le retour de Martin Guerre, qui a connu un succès international même son thème principal était centré sur l’identité réel d'un homme peut-être disparu depuis longtemps.
Avec Philippe Torreton
Jean-Claude Carrière s’est donc orienté vers une écriture directe et sans fioritures qui refuse tout romantisme pour rejoindre la vérité profonde de son village. Il y aborde tous les sujets de la vie quotidienne, que ce soit les institutions comme la famille, l'église et l'école, l’alimentation comme l'eau et le vin, la cueillette et la pêche, le spirituel comme la mort, la lecture, le sexe, les difficultés liées la guerre ou à la gestion des déchets…
Ce qui ne l’empêche nullement de se référer au présent même si selon lui « le territoire de l’enfance est perdu, » servant seulement à comparer l’enfant à l’homme qu’il est devenu.
Notes et références
[1] Scénariste de Luis Buñuel, Louis Malle, Milos Forman, Patrice Chéreau, Volker Schlöndorff et Jean-Luc Godard, il adapta Harold et Maude pour Jean-Louis Barrault et les douze heures du Mahabharata pour Peter Brook.
[2] De son interview du dalaï-lama, publiée en 1994, En 1994, Pascal Bruckner a écrit que c'était le seul entretien avec Sa Sainteté où l'interviewer paraissait plus intelligent que l'interviewé.
Voir aussi
* Roger-Pol Droit, Voltaire et Rousseau -- Antoine Rault, Le diable rouge --
* Jean-Claude Brisville, Pascal et Descartes --
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<< Christian Broussas, Carrière Vin bourru 19/02/2020 © • cjb • © >>
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Jean-Claude Carrière et sa fille Kiara
« Le vin bourru, c'est en quelque sorte un vin nouveau « qui se protège un moment encore, contre les agressions du monde. »
Dans cette autobiographie intitulée Le Vin bourru, Jean-Claude Carrière, scénariste reconnu [1], féru d’astrophysique et de bouddhisme [2] et auteur de la Controverse de Valladolid raconte son enfance et nous entraîne dans son village de Colombières-sur-Orb dans l'Hérault de 1931 à 1945.
Il nous confie qu’écrire sur son enfance est encore plus difficile qu’écrire sur le bouddhisme ou la physique nucléaire, comme il l’avait fait auparavant. « Là, écrit-il, il faut passer à travers soi. C'est très dur d'être l'ethnologue de soi-même. Je voulais adopter un regard éloigné sur mes jeunes années. Mais comment? C'est supposer que soi n'est pas soi.»
Luis Buñuel et Jean-Claude Carrière en 1969
C’est à l’occasion d’une visite d’un éco-musée, « un faux village, village reconstitué qui se voit un peu partout en Europe » dit-il, que lui revient son enfance. C’est aussi à travers de simples objets de la vie courante qu’il retrouve ce qui avait composé son enfance, l’atmosphère particulière régnant à une époque révolue.
Il se souvient de ce vin bourru, le premier vin que l'on goûtait, au début du mois de novembre. Un vin pas encore arrivé totalement à maturité qui, un peu comme le Beaujolais nouveau, gardait une pointe d’âcreté, « une bourre », qui renfermait quelque chose d'inachevé.
Il se souvient avec une certaine nostalgie de toutes ces choses inutiles qu’on a pu lui fourrer dans le crane car dit-il, « né dans une culture, j'ai vécu dans une autre. » D’où un questionnement sur ce qui nous construit, fait ce que nous sommes, un "en-devenir", autant d’éléments qui serviront de marqueurs pour indiquer les chemins de l’avenir.
Jean-Claude Carrière avec sa femme Nahal Tajadod et sa fille Kiara en 2017
Il aborde avec un réalisme pointilleux la vie d’une société villageoise, village ordinaire du Midi viticole centré sur les années 30, un écosystème en soi, plus complexe qu’il n’y paraît, aujourd'hui disparu. « Avant tout, explique-t-il, je voulais être objectif: ne pas cacher mes émotions, mais ne pas les provoquer. Il me fallait reconstituer les faits, puis les classer. Car l'enfance n'a pas d'ordre, elle est désordonnée, polythéiste, protégée. »
Il se demande alors si sa démarche allait intéresser de futurs lecteurs. Il se réfère à son roman Le retour de Martin Guerre, qui a connu un succès international même son thème principal était centré sur l’identité réel d'un homme peut-être disparu depuis longtemps.
Avec Philippe Torreton
Jean-Claude Carrière s’est donc orienté vers une écriture directe et sans fioritures qui refuse tout romantisme pour rejoindre la vérité profonde de son village. Il y aborde tous les sujets de la vie quotidienne, que ce soit les institutions comme la famille, l'église et l'école, l’alimentation comme l'eau et le vin, la cueillette et la pêche, le spirituel comme la mort, la lecture, le sexe, les difficultés liées la guerre ou à la gestion des déchets…
Ce qui ne l’empêche nullement de se référer au présent même si selon lui « le territoire de l’enfance est perdu, » servant seulement à comparer l’enfant à l’homme qu’il est devenu.
Notes et références
[1] Scénariste de Luis Buñuel, Louis Malle, Milos Forman, Patrice Chéreau, Volker Schlöndorff et Jean-Luc Godard, il adapta Harold et Maude pour Jean-Louis Barrault et les douze heures du Mahabharata pour Peter Brook.
[2] De son interview du dalaï-lama, publiée en 1994, En 1994, Pascal Bruckner a écrit que c'était le seul entretien avec Sa Sainteté où l'interviewer paraissait plus intelligent que l'interviewé.
Voir aussi
* Roger-Pol Droit, Voltaire et Rousseau -- Antoine Rault, Le diable rouge --
* Jean-Claude Brisville, Pascal et Descartes --
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