Une vie marquée par la maladie et l’éclectisme artistique
Boris Vian et sa célèbre trompette Vian à la librairie La Balance
« La vie c'est comme une dent. D'abord, on n'y a pas pensé. On s'est contenté de mâcher. Et puis ca se gâte soudain. Ça vous fait mal et on y tient. »
1920, naissance de Boris Vian à Ville d’Avray près de Paris, cent ans déjà, [1] Boris Vian que j’avais découvert avec ce polar à l’américaine au titre provocateur, J’irai cracher sur vos tombes, histoire de racisme dans le sud des États-Unis, qu’il signa sous le nom de Vernon Sullivan.
Puis ce fut la fameuse chanson Le déserteur, qui connaîtra tout comme J’irai cracher sur vos tombes, les foudres de la censure. On ne plaisantait pas en ces temps-là –pas si anciens finalement- avec la guerre fut-elle d’Algérie et la morale bourgeoise.
Boris Vian en 1939 Prix du Tabou 1947
Ses romans, dont il faisait grand cas, ne viendront que plus tard, quand à force d’entendre parler de L’écume des jours, je résolus de m’en faire une idée par moi-même.
Un livre déroutant à vrai dire, où l’absurde tient une grande place. J’y ai trouvé assez souvent une transposition de sa vie, son héros Colin, qui « avait la tête ronde, les oreilles petites, le nez droit, le teint doré » est un amoureux de jazz (comme Boris Vian) qui sera finalement ruiné après avoir connu l’aisance financière, (comme ses parents).
La maladie que connaîtra Chloé qui « mourra d'un nénuphar dans les poumons », comme Boris Vian lui-même qui traînera toute sa vie cette maladie pulmonaire dont il mourra encore jeune à l’âge de 39 ans.
Boris Vian avec ses enfants
L’arrache-cœur, mélange de fantaisie et d’absurde, raconte la vie de Jacquemort, psychiatre venu s’installer dans un village, et de Clémentine, mère de triplés, les « trumeaux », mère très possessive.
Dans cet univers absurde, Jacquemort fait un bide avec sa psychanalyse qui ne lui apporte que des déconvenues. Le recours à l’absurde est comme un révélateur à la disparition des valeurs morales.
Enfin, Dans L'Herbe rouge, à travers son style entre fantaisie mâtinée d’humour noir et absurde, Boris Vian projette ses angoisses, met en scène Wolf, savant inventeur d’une machine à faire voyager dans ses souvenirs. Dans ce monde, à la façon de Vian, on dialogue avec son chien, on confie sa manucure à des insectes et à propos d’insectes, on a souvent le cafard.
Boris Vian et sa femme Ursula avec le couple Sartre
De Boris Vian, on connaît plus ou moins le trompettiste féru de jazz, l'écrivain de L'écume des jours, le parolier sensible du "Déserteur", l'animateur du "Collège de Pataphysique"… [2]
Son éclectisme, c’est l’homme aux multiples talents qui a balayé tous les domaines littéraires (romans, poésie, essai, théâtre, nouvelles, chroniques), a été dans la chanson auteur-compositeur-interprète, critique musical et trompettiste de jazz, directeur artistique, scénariste, traducteur, conférencier, même peintre et ingénieur formé à l’École centrale, son premier métier, et... excellent menuisier de surcroît.
Finalement, il me semble que c’est par la chanson que j’ai abordé Boris Vian, sans le savoir au début, avec des textes d’une ironie décalée qui m’avait plu. Des chansons que j’ai découvertes avec ce fantaisiste d’Henri Salvador chantant des textes de Boris Vian à la fois légers et dissonants comme Le blouse du dentiste, Moi, j’préfère la marche à pied ou Faut rigoler (pour empêcher le ciel de tomber). Ensuite, j'ai retrouvé les deux compères s'essayant, par jeu ou par défi, à composer les premiers rocks français, paraît-il, sur des textes de Boris Vian bâtis sur des jeux de mots qui ont donné Rock and roll mops ou Rock-Hoquet.
Serge Reggiani chante Boris Vian Salvador chante le rock
Puis ce fut un peu plus tard, Serge Reggiani et son album sur Boris Vian où il reprit en particulier Le déserteur, La java des bombes atomiques, Arthur où t'as mis le corps ou Je bois, bâtis souvent sur une chute qui tombe comme un couperet.
A propos de son album "Chansons possibles et impossibles", Georges Brassens a écrit que « Boris Vian est un de ces aventuriers solitaires qui s’élancent à corps perdus à la découverte d’un nouveau monde de la chanson. »
Vian peintre : Les hommes de fer 1946
Brassens à l'enterrement de Boris Vian
Note et références
[1] Pour le centenaire de sa naissance, les éditions Delcourt ont publié L’arrache-cœur et L'écume des jours en bandes dessinées dans la collection Mirages, scénarios JD Morvan, Frédérique Voulyzé et dessins de Maxime Péroz
[2] Voir le livre "Vian et la 'pataphysique" de Thieri Foulc et Paul Gayot, Le livre de poche, 232 pages, octobre 2017
Voir aussi
* Biographie chronologique de Boris Vian --
Noël Arnaud, Les Vies parallèles de Boris Vian, éditions Christian Bourgois, 1981, Le livre de poche, 1998, 510 pages
Marc Lapprand, Boris Vian La vie contre : biographie critique, A.-G. Nizet/Les Presses de l'université d'Ottawa, 1993, 232 pages.
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<< Ch. Broussas, Vian Centenaire 23/04/2020 © • cjb • © >>
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Boris Vian et sa célèbre trompette Vian à la librairie La Balance
« La vie c'est comme une dent. D'abord, on n'y a pas pensé. On s'est contenté de mâcher. Et puis ca se gâte soudain. Ça vous fait mal et on y tient. »
1920, naissance de Boris Vian à Ville d’Avray près de Paris, cent ans déjà, [1] Boris Vian que j’avais découvert avec ce polar à l’américaine au titre provocateur, J’irai cracher sur vos tombes, histoire de racisme dans le sud des États-Unis, qu’il signa sous le nom de Vernon Sullivan.
Puis ce fut la fameuse chanson Le déserteur, qui connaîtra tout comme J’irai cracher sur vos tombes, les foudres de la censure. On ne plaisantait pas en ces temps-là –pas si anciens finalement- avec la guerre fut-elle d’Algérie et la morale bourgeoise.
Boris Vian en 1939 Prix du Tabou 1947
Ses romans, dont il faisait grand cas, ne viendront que plus tard, quand à force d’entendre parler de L’écume des jours, je résolus de m’en faire une idée par moi-même.
Un livre déroutant à vrai dire, où l’absurde tient une grande place. J’y ai trouvé assez souvent une transposition de sa vie, son héros Colin, qui « avait la tête ronde, les oreilles petites, le nez droit, le teint doré » est un amoureux de jazz (comme Boris Vian) qui sera finalement ruiné après avoir connu l’aisance financière, (comme ses parents).
La maladie que connaîtra Chloé qui « mourra d'un nénuphar dans les poumons », comme Boris Vian lui-même qui traînera toute sa vie cette maladie pulmonaire dont il mourra encore jeune à l’âge de 39 ans.
Boris Vian avec ses enfants
L’arrache-cœur, mélange de fantaisie et d’absurde, raconte la vie de Jacquemort, psychiatre venu s’installer dans un village, et de Clémentine, mère de triplés, les « trumeaux », mère très possessive.
Dans cet univers absurde, Jacquemort fait un bide avec sa psychanalyse qui ne lui apporte que des déconvenues. Le recours à l’absurde est comme un révélateur à la disparition des valeurs morales.
Enfin, Dans L'Herbe rouge, à travers son style entre fantaisie mâtinée d’humour noir et absurde, Boris Vian projette ses angoisses, met en scène Wolf, savant inventeur d’une machine à faire voyager dans ses souvenirs. Dans ce monde, à la façon de Vian, on dialogue avec son chien, on confie sa manucure à des insectes et à propos d’insectes, on a souvent le cafard.
Boris Vian et sa femme Ursula avec le couple Sartre
De Boris Vian, on connaît plus ou moins le trompettiste féru de jazz, l'écrivain de L'écume des jours, le parolier sensible du "Déserteur", l'animateur du "Collège de Pataphysique"… [2]
Son éclectisme, c’est l’homme aux multiples talents qui a balayé tous les domaines littéraires (romans, poésie, essai, théâtre, nouvelles, chroniques), a été dans la chanson auteur-compositeur-interprète, critique musical et trompettiste de jazz, directeur artistique, scénariste, traducteur, conférencier, même peintre et ingénieur formé à l’École centrale, son premier métier, et... excellent menuisier de surcroît.
Finalement, il me semble que c’est par la chanson que j’ai abordé Boris Vian, sans le savoir au début, avec des textes d’une ironie décalée qui m’avait plu. Des chansons que j’ai découvertes avec ce fantaisiste d’Henri Salvador chantant des textes de Boris Vian à la fois légers et dissonants comme Le blouse du dentiste, Moi, j’préfère la marche à pied ou Faut rigoler (pour empêcher le ciel de tomber). Ensuite, j'ai retrouvé les deux compères s'essayant, par jeu ou par défi, à composer les premiers rocks français, paraît-il, sur des textes de Boris Vian bâtis sur des jeux de mots qui ont donné Rock and roll mops ou Rock-Hoquet.
Serge Reggiani chante Boris Vian Salvador chante le rock
Puis ce fut un peu plus tard, Serge Reggiani et son album sur Boris Vian où il reprit en particulier Le déserteur, La java des bombes atomiques, Arthur où t'as mis le corps ou Je bois, bâtis souvent sur une chute qui tombe comme un couperet.
A propos de son album "Chansons possibles et impossibles", Georges Brassens a écrit que « Boris Vian est un de ces aventuriers solitaires qui s’élancent à corps perdus à la découverte d’un nouveau monde de la chanson. »
Vian peintre : Les hommes de fer 1946
Brassens à l'enterrement de Boris Vian
Note et références
[1] Pour le centenaire de sa naissance, les éditions Delcourt ont publié L’arrache-cœur et L'écume des jours en bandes dessinées dans la collection Mirages, scénarios JD Morvan, Frédérique Voulyzé et dessins de Maxime Péroz
[2] Voir le livre "Vian et la 'pataphysique" de Thieri Foulc et Paul Gayot, Le livre de poche, 232 pages, octobre 2017
Voir aussi
* Biographie chronologique de Boris Vian --
Noël Arnaud, Les Vies parallèles de Boris Vian, éditions Christian Bourgois, 1981, Le livre de poche, 1998, 510 pages
Marc Lapprand, Boris Vian La vie contre : biographie critique, A.-G. Nizet/Les Presses de l'université d'Ottawa, 1993, 232 pages.
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<< Ch. Broussas, Vian Centenaire 23/04/2020 © • cjb • © >>
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