Ernest Renan l’historien contesté (1823-92)
« La bêtise humaine est la seule chose qui donne une idée de l’infini ». Ernest Renan
Ernest Renan en 1871 Sa maison-musée à Tréguier
J’ai découvert Ernest Renan il y a bien des années en visitant Tréguier, superbe petite ville au nord de la Bretagne
où j’ai pu voir sa maison natale dans le centre-ville, transformée en
musée. Je n’avais guère alors pris la mesure du rôle important qu’il
avait pu jouer à son époque. Par contre, on ne peut que constater qu’un
intellectuel comme lui n’est plus guère lu aujourd’hui et n’a plus
beaucoup d’influence.
Son monument sur la place de Tréguier
J’ai
eu l’occasion de me replonger dans sa biographie à travers un livre qui
reprenait ses mémoires. J’ai quelque mal à le qualifier tant il
possédait de facettes, tour à tour écrivain, philologue, philosophe et
historien, sans compter son appétence pour les sciences ou le fait qu'il
ait été aussi professeur d'hébreu.
Prière sur l'Acropole
Pour
moi, c’était un historien du XIXe siècle, assez torturé entre ses
racines catholiques et ses idées progressistes et laïques, qui avait
surtout brossé une grande fresque sur la religion, L’Histoire des origines du christianisme en 7 volumes publiée entre 1863 et 1881. [1]
Son intérêt pour sa Bretagne natale se retrouve dans L'Âme bretonne en 1854 et son autobiographie Souvenirs d'enfance et de jeunesse
en 1883. Mais il avoue aussi qu’en lui se conjuguent le Gascon (du côté
de sa mère) et le Breton. Autre contradiction qui le suivra toute sa
vie entre les croyances politiques antagonistes de ses parents.
Comme historien il a joué un grand rôle dans l’évolution de la conception de l'Histoire. Dans son livre consacré à La Vie de Jésus en 1863, il considère la biographie du Christ comme celle de n’importe qui, basée autant que faire se peut sur des faits et la Bible comme n’importe quel document historique. Inutile de dire qu'avec de telles idées, Renan subît les foudres de l’Église catholique et de tous ses adeptes. [2]
En 1860-61, il est au Syrie et au Liban dans le cadre d’une mission archéologique. Il est hébergé à Amchit chez des amis avec sa femme Cornélie et sa sœur Henriette et en profitera pour rédiger sa Vie de Jésus, œuvre honnie par les milieux cléricaux mais qui restera le meilleur exemple du renouvellement de la recherche historique.
Buste de Renan, Musée de la vie romantique, Paris
Délaissant l’histoire événementielle, il s’intéresse ainsi aux évolutions socio-historiques dans des ouvrages comme Prière sur l'Acropole en 1865 ou Qu'est-ce qu'une nation ? en
1882. Dans ce dernier texte, il s’efforce de différencier la race et
la nation, montrant que la nation, au-delà de caractères ethniques et
d’une langue commune, représente des liens volontaires entre des
individus qui ont en commun un passé et une vision de l’avenir. En ce
sens, il est un exemple pour les historiens qui adopteront une
conception plus large et plus sociologique de l’histoire. [3]
Par sa façon d’aborder l'Histoire et son travail d'historien, il se rapproche de son contemporain Hippolyte Taine (1828-93) qui prônait la méthode expérimentale (l’histoire scientiste), très loin d’un autre historien contemporain Jules Michelet (1798-1874) qui avait plutôt une vision romantique de l'Histoire.
Le discours d'Anatole France
Sa statue à Tréguier
Après sa mort, on décida de lui élever une statue à Tréguier sa ville natale, sur la place du Martray devant la cathédrale, inaugurée en grande pompe en 1903 par Émile Combes,
le président du Conseil en exercice. Les catholiques considérèrent
cette initiative comme une provocation intolérable et ils répliquèrent
en érigeant un "calvaire de réparation" sur un quai du port de Tréguier.
On était alors à une époque de lutte entre le pouvoir religieux et le
pouvoir politique, juste un peu avant 1905, date de la loi de séparation
entre l'Église et l'État.
Sa statue inaugurée en 1903 Le calvaire de la réparation 1904
Notes et références
[1] Pour plus d’informations, voir une présentation de son Histoire des origines du christianisme.
[2]
En bon philologue qu’il fut aussi, il prouva par exemple que la
grammaire et l'histoire du Pentateuque sont postérieures à l'époque de
Moïse et que le Livre de Daniel est manifestement apocryphe.
[3] Voir en particulier mes fiches sur :
Jacques Le Goff, Hommes et femmes du Moyen âge -- La pensée de Fernand Braudel --
Georges Duby, Sur les traces de nos peurs --
Biographies de Lucien Febvre et de Emmanuel Le Roy Ladurie --
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