lundi 7 septembre 2020

Muriel Barbery, Une rose seule

 Référence : Muriel Barbery, Une rose seule, éditions Actes Sud, 160 pages, août 2020

« De la plus grande simplicité, en toute imprévisibilité, naît la complexité. » (page 95)

        

Muriel Barbery, connue surtout pour son roman L’élégance du hérisson, a un faible pour le Japon. Un pays qu’elle a connu de l’intérieur pour y avoir séjourné pendant deux ans, [1] et où dans L’élégance du hérisson, il est déjà question d’un japonais, locataire dans l’immeuble où son héroïne est concierge.

Rose son héroïne débarque au Japon à Kyōto dans un pays qu’elle ne connaît pas, parce que son père décédé lui a laissé un testament et une lettre dont elle ignorera le contenu avant d’avoir accompli le circuit initiatique qu’il lui a assigné.  Son enfance a été marquée par une mère qu’elle aimait mais toujours dépressive et un père inconnu.

                

Rose, la quarantaine, botaniste sans enfant, part donc à la découverte du Japon. Son père, qu’elle n’a jamais connu, est mort en laissant une lettre à son intention. Elle découvre un père qui a été paraît-il un marchand d’art contemporain. Elle ressent plutôt de la colère envers ce père qui a toujours été absent. Mais au-delà de ce rapport père-fille, il y a Kyōto qu’elle découvre avec Paul, l’assistant de son père, les promenades dans les jardins zen du Pavillon d'argent, du Shisen-do ou du Ryoan-ji, dont au départ le sens lui échappe et qui vont peu à peu prendre forme.

Elle prend peu à peu conscience de cette contradiction du Japon,  qui est aussi sa richesse, que c’est « un pays où on souffre beaucoup mais où on n'y prend pas garde. Pour récompense de cette indifférence au malheur, on récolte ces jardins où les dieux viennent prendre le thé. » Issa le poète, le dit d’ailleurs d’une autre façon : « Nous marchons en ce monde / sur le toit de l'enfer / en regardant les fleurs ».

         
Muriel Barbery et Françoise Nyssen

Elle n'en visite pas moins un univers de feuillages, d'arbres des montagnes, de pruniers et de cerisiers des vallées, de joncs et de hérons présenté dans une écriture délicate centrée sur des fleurs comme les pivoines, les azalées, les bouquets d’œillets rouge sang, les iris irisées de bleu, les camélias … toute une vision multiforme, multicolore à laquelle Rose, autre nom de fleur, n'est pas insensible : « C’est ce qu’éprouvait Rose, ce matin-là, dans le face à face avec la pivoine qui, de son vase exquis, dévoilait ses étamines dorées… »


la structure du roman est aussi intéressante que le style de Muriel Barbéry, la répartition en douze chapitres, avec pour chacun une parabole japonisante sur le thème des fleurs, charmantes images des états émotionnels de Rose à la découverte de ce père inconnu. Chaque chapitre est aussi introduit par un mythe ou une légende japonaise ou chinoise, en lien avec fleurs et nature qu'on retrouve  ensuite dans les différents chapitres.

Ce court roman est surtout celui d’une évolution difficile, la mue d’une femme confrontée à un univers entièrement nouveau pour elle, à un rapport aux autres, et d’abord au père, aussi nouveau et déstabilisant.

Notes et références
[1]
Elle était alors en résidence d'artiste dans la célèbre villa Kujoyama à Kyōto.

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<< Christian Broussas • Barbery Rose © CJB  ° 23/08/ 2020 >>
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