jeudi 7 janvier 2021

Pierre Alechinsky et COBRA

 « Le gaucher que je suis a l'attention attirée par le sens des choses, de gauche à droite. » Pierre Alechinsky

Dans une interview, Pierre Alechinsky évoque son enfance et ses difficultés à l'école puis la découverte de la pratique picturale avec le groupe Cobra après la  Seconde guerre mondiale.

           
Pierre Alechinsky en 1965    Avec l'écrivain octavio Paz enn mai 1980

C’est tout jeune que Pierre Alechinsky s’aperçoit qu’il est gaucher, écrivant de la main droite mais pouvant "renverser" son écriture de la main gauche, retournant son papier pour se relire par transparence, ce qui explique sans doute son goût pour l’imprimerie où tout y apparaît "à l’envers".  

  Le dernier jour 1964

Cette disposition a aussi gravement entravé ses études, ce qu’il appelle sa "cancrétude". « Ce n'est pas rien, conclut-il, dans une famille de médecins, d'être le mauvais élève. »

  L’inconditionnement humain 1970

Ce qu’il découvrir avec le groupe Cobra, c’est la concomitance entre la réflexion et l’acte de peindre. Il faut constamment rester disponible, réceptif à tout ce qui se produit pendant la création.

   L’esprit du thé 1965                                     

Pour Pierre Alechinsky, le cadre défini (donc la surface disponible) signifie que  « c'est admettre que le peintre dépend d'un rectangle, qu'il accuse ce rectangle et qu'il le montre avant de commencer, et il va vers l'intérieur»  Il confirme son rejet de l'art engagé, car « la peinture est totalement libérée du souci de témoigner aujourd'hui. »


Pierre Alechinski dans son atelier de Bougival en 2005

Lui qui a vécu les horreurs de la guerre, ajoute qu’il ne pourrait pas faire un tableau contre les bombardements, il lui serait impossible de peindre son "petit chef d’œuvre".

 
Pierre Alechinski à l'inauguration de l'exposition "Alechinsky, les ateliers du Midi " à Aix-en-Provence le 4 juin 2010 • Crédits AFP

« C’est par la répétition qu’on est convaincu de certaines choses. » P. Alechinsky

Sa façon de travailler qu’il décrit dans son atelier de Bougival, part des matériaux qu’il utilise. « Je me sers de tout » dit-il. « Je démarre au sol, à l'horizontal. Ensuite, pour tous les travaux de finition c'est à la verticale » avec quelques séances supplémentaires une fois le tableau marouflé, placé sur chevalet.

Alechinsky en 2013

La technique, c’est autre chose, il refuse d’être dépendant d’aucune technologie, préférant des moyens modestes qu’il maîtrise. Cette conception correspond au fait d’utiliser " le minimum de moyens pour dire un maximum de choses et ne pas être distrait par la technique," et raconter une histoire avec un minimum de moyens.


Litho : Labyrinthe d’apparat 1973    Central Park 1965 Acrylique papier marouflé

Il veut sa peinture « ouverte », comme si l’on pouvait y pénétrer et en "sortir". C’est pour lui quelque chose d’instinctif mais si ce don a été contrarié par les cours de dessin qu’il a suivis dans sa jeunesse. « J’ai dit-il, perdu ainsi sûrement dix ans de ma vie. » Dans ses dessins, c’est la courbe qui le satisfait le plus, peut-être pour l’idée du serpent ou au dos d’une femme, un goût assez mystérieux qui lui permet « d’être en accord avec soi-même, ça dure quelques secondes mais c’est très agréable. »

Pierre Alechinsky s’est aussi beaucoup intéressé à la calligraphie, en particulier quand il est allé au Japon où il s’est initié, comme il dit, « au maniement du pinceau venant de l'écriture et allant vers la peinture ».  Contestant la pratique française, il pense que « la position idéale consiste à surplomber la feuille », le dessin provenant alors de l’ensemble du corps.


Lecture entre les lignes 1970                                   Couleuvrine

L'arbre bleu ou l'arbre des rues : un dialogue entre le peintre Pierre Alechinsky et le poète Yves Bonnefoy

Cette fresque monumentale de Pierre Alechinsky qui dresse sa silhouette céruléenne, est située à Pris, 40 rue Descartes, derrière le Panthéon dans le Ve arrondissement. Elle fait résonance au poème d'Yves Bonnefoy gravé sur le côté.

  Textes de Pierre Daix

Réalisée pour le projet "Murs de l’an 2000", elle rappelle la présence d'une nature assez rare dans les villes. Le motif central est orné des différentes vignettes définissant le cadre. Le texte d'Yves Bonnefoy se déroule tout au long de la fresque, permettant un dialogue entre l'oeuvre écrite et l'oeuvre peinte, mettant en lumière la force et les fragilités du vivant enserré dans les bâtiments de la ville et rappelant qu'il faut tout faire pour préserver une nature si précieuse.

         
La fresque de Pierre Alechinsky et en regard, le poème d'Yves Bonnefoy

Cet arbre planté comme un objet incongru en milieu urbain fait contradiction entre le végétal et le béton. Pour une meilleure cohérence, il a entouré l'arbre bleu de motifs inspirées des prédelles des retables médiévaux. 

  Volcan en lecture, acrylique 1972

Depuis Central Park, son tableau le plus connu, Alechinsky exploite les marges libres de sa toile. Il crée ici une interaction mystérieuse entre ces motifs périphériques et l’arbre central pour alimenter sa narration quand les arbres chétifs tentent de se frayer un chemin entre masses bétonnées.

    Le jeu de quatre coins, 1973 

Yves Bonnefoy (1923-2016) à qui l'on doit le poème reproduit ci-dessous, fut un grand ami de Pierre Alechinsky. Lié également à Giacometti et Balthus, il collabora avec beaucoup d'artistes où ses poèmes mettent en valeur des œuvres de Nasser Assar, Eduardo Chillida, Bram van de Velde ou Zao Wou-Ki par exemple .

L’arbre des rues - Yves Bonnefoy
Passant,
regarde ce grand arbre
et à travers lui
il peut suffire.

Car même déchiré, souillé,
l'arbre des rues,
c'est toute la nature,
tout le ciel,
l'oiseau s'y pose,
le vent y bouge, le soleil
y dit le même espoir malgré
la mort.

Philosophe,
as-tu chance d'avoir l'arbre
dans ta rue,
tes pensées seront moins ardues,
tes yeux plus libres,
tes mains plus désireuses
de moins de nuit.

          
Litho Affiche papier 1972
Timbre-poste Roue et serpent, 1985, sur un texte de Michel Butor

Voir aussi
* Hans Hartung, 2020 -- L'abstraction lyrique --

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<< Ch. Broussas, Pierre Alechinsky 01/01/2021 © • cjb • © >>
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