Référence : Delphine Horvilleur, Il n'y a pas de Ajar, Monologue contre l'Identité, éditions Grasset, 140 pages, septembre 2022
Essai et pièce de théâtre
« L’identité figée, celle de ceux qui ont fini de dire qui ils sont, est la mort de notre humanité. »
Delphine Horvilleur a tissé un lien particulier avec l'écrivain Romain Gary. « J’avais 6 ans lorsque Gary s’est suicidé, écrit-elle [...] Je ne cessais de redécouvrir ce qu’il a su magistralement démontrer : l’écriture est une stratégie de survie. Seule la fiction de soi, la réinvention permanente de notre identité est capable de nous sauver. »
L'identité,
thème éminemment personnel de l'altérité, représente de plus en plus la
conception d'un nationalisme étroit centré sur la différence aux autres
et l'identification à la nation, voire à une ethnie ou une religion. Le
sous-titre choisi est à cet égard éloquent : Monologue contre l'Identité.
Il s'agit donc d'une réflexion sous forme de monologue, qui met sur la
sellette la notion d'identité et ses conséquences pernicieuses qu'on
peut voir à l'œuvre dans le monde actuel.
Il faut bien sûr chercher une représentation conceptuelle à ce phénomène. Pour Delphine Horvilleur, ce symbole de l'identité correspond au personnage d'Émile Ajar.
Curieux a priori puisqu'il n'existe pas. C'est pourrait-on dire l'avatar de l'écrivain Romain Gary, son double littéraire pour prouver que la personnalité est multiple, qu'un écrivain peut se réinventer par le truchement d'une fiction qui lui permet de se mettre dans la peau d'un autre. Bien sûr, les medias en ont fait des gorges chaudes. Pensez, un auteur qui reçoit deux fois le prix Goncourt, inimaginable et inédit. Mais ceci est une autre histoire.
Delphine Horvilleur et photos de Romain Gary
Son rapport à l'écrivain Ajar-Gary sert en fait d'introduction à sa réflexion sur la notion d'identité, mais également sur la judéité, comme l'est l'auteur et également Romain Gary qui s'est néanmoins suicidé, pour déboucher sur les problèmes liés à l'intégrisme et au racisme.
À partir d'Émile Ajar, dit Delphine Horvilleur, «
j'ai imaginé un monologue contre l'identité, un seul-en-scène qui s'en
prend violemment à toutes les obsessions identitaires du moment. » Il faut aussi remarquer que Romain Gary
a multiplié au cours de sa vie les fausses pistes sur son nom, la date
et le lieu de sa naissance ainsi que sur les origines de ses parents.
Un beau cadeau pour une recherche sur l'identité.
Dans le texte, un homme -qui est d'ailleurs joué sur la scène par une femme- affirme qu'il s'appelle Abraham Ajar, le fils d'Émile, l'homme qui n'existe pas. On se retrouve dans une cave qui n'est autre que le " trou juif " du roman La Vie devant soi.
Comprendre le monde « Dans la vie, on n'invente jamais rien. »
Mais on peut se demander si Abraham est bien le fils d'Émile ou le produit du roman de Romain Gary. Abraham qui s'adresse à un interlocuteur lambda, s'immisçant dans l'univers du double prix Goncourt et dans son ascendance juive.
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