« Je peins des autoportraits parce que je me sens souvent si seule, parce que je suis la seule personne que je connais le mieux. » Journal
Frida Kahlo par Gisèle Freund Ses chefs-d’œuvres Frida, singe et chat
Après l'exposition du palais Galliera à Paris en 2022 intitulée « Frida Kahlo. Au-delà des apparences » présentant une artiste différente de l'image d'Épinal qui la poursuit, voici une nouvelle exposition qui se tient à Lausanne en Suisse, elle qui a écrit à la fin de sa vie : « J’espère que la sortie sera joyeuse et j’espère ne jamais revenir »…
Cette fois, il s’agit d’une exposition "multimédia et immersive" dédiée à Frida Kahlo qui a eu lieu dans la ville suisse de Lausanne, au Palais Beaulieu. Elle est basée sur la biographie et les œuvres
les plus représentatives de l'artiste dans une scénographie faite de
projecteurs vidéo, d'une narration en vois off et d'une bande originale.
Les autoportraits au singe : 1940-1945
Cette
artiste est très représentative du XXe siècle avec ses toiles aux fonds
très expressifs et très colorés de plantes et d’animaux aux portraits e
autoportraits très réalistes. C’est ce contraste entre qui fait toute
la puissance et l’originalité de son œuvre.
Sous la fenêtre, 1937 « La peinture pour oublier la douleur »
L’approche de l’exposition donne un beau panorama de sa production, à
l’aide de projections vidéo, une narration à la première personne et une
bande musicale originale.
L'étreinte de l'univers 1949 Viva la vida 1946
« Pour créer son propre paradis, il faut puiser dans son enfer personnel. »
Frida Kahlo (1907-1954) a eu une vie très compliquée. Avec son mari Diego Rivera, elle fut une femme très engagée à gauche, en particulier dans la défense de la condition et l’émancipation des femmes mexicaines, membre du Parti communiste depuis 1928.
Les autoportraits : aux animaux, au collier d'épines
Avant-gardiste en peinture, soutenant et promouvant la culture
mexicaine, femme d’une volonté sans faille, elle dut faire face à
d’énormes problèmes de santé.
Dès six ans, elle est atteinte d’une poliomyélite aigüe qui entraîne une atrophie de la jambe droite.
Autoportrait à la natte 1941 Le cerf blessé 1946
« Ils pensaient que j'étais une surréaliste, mais je ne l'étais pas. Je n'ai jamais peint de rêves, j'ai peint ma réalité. »
Quelques années plus tard, en rentrant l’école, elle est victime d’un terrible accident d’autocar dont elle réchappe de justesse, grièvement blessée, avec le bassin brisé, l'obligeant alors à vivre dans un corset métallique, qui se traduit par l’air sombre, parfois hiératique, qu’elle a souvent dans ses autoportraits.
Son œuvre est constituée de quelque 140 tableaux, souvent de petit
format, dont 55 autoportraits où l'on trouve ses œuvres les plus
connues.
Autoportrait à Bonito Les deux Fridas, 1939
Ses
autoportraits représentent des espèces de masques où sourdent sa
douleur et ses angoisses. On y trouve de nombreux détails ainsi que des
symboles qui sont autant de facettes de sa personnalité.
Exemple d'organisation immersive
Toujours lointaine, arborant une attitude sévère, son visage apparaît sans expression.
Voilà une exposition non conformiste, basée sur une approche "multimédia et immersive "comme dit la présentation.
Donc, pas de défilé devant des tableaux comme à l'habitude, on laisse la scénographie se dérouler dans un flot d'images, une profusion de couleurs et aspects décoratifs comme savait si bien les utiliser Frida Kahlo.
Exemple d'organisation immersive
On peut s'installer sur les bancs à disposition, circuler tout autour de la vaste salle d'exposition ou s'affaler dans les gros poufs disséminés et surtout présents au centre de la pièce. Cette dernière solution change en fait le point de vue qu'on peut avoir sur la façon de voir le déroulé des images et la relation à ce film dont les images sont projetées et envahissent l'espace.
Moïse ou La nucléus, 1945
Cette
technique donne un aspect plus dynamique à la visite même si on y perd
en contenu. Elle me rappelle les scénographies mises au point dans les
anciennes carrières des baux de Provence.
Deux nus dans une forêt
Son style est éclectique, parfois naïf comme ce portrait de Frida et de Diego réalisé en 1931, parfois surréaliste, même si elle s'en défendait [1], comme le tableau "À la frontière entre Mexique et USA", symboliste aussi comme dans certains autoportraits avec par exemple un cartouche représentant le visage de Diego sur son front, ou ses tableaux "Deux nus dans une forêt" et "Les deux Fridas" (1930). On pourrait même ajouter un style primitif comme dans le tableau "Ma nourrice et moi" en 1937.
Ma robe est suspendue, 1933 [2]
En
fait, elle refusait d'être insérée dans un quelconque courant pictural,
voyant ses toiles comme une thérapie pour mieux surmonter le mal qui la
rongeait, ses fausses couches et l'infidélité chronique de Diego, utilisant la couleur pour conjurer sa douleur et ses déboires.
La colonne brisée 1944 Ce que je vis dans l'eau, 1938
Zoom sur l'autoportrait avec un singe, version 1945
Il s'agit d'une huile sur isorel où Frida est représentée de trois-quarts en tenue traditionnelle des femmes indigènes de Tehuana, robe en velours noir rehaussée de broderies. Visage hiératique et regard fixe, cheveux tombant dans le dos, en partie relevée sur la tête et tressée avec un ruban, sourcil souligné d'un trait lourd comme l'envol d'un oiseau ou la perte de la liberté.
Autoportrait au singe 1945 En robe Tehuana 1943
On y retrouve ses symboles préférés, colibri, perroquet et surtout le singe offert par Diégo, présent dans huit de ses autoportraits. Il est comme elle : fixant le spectateur, poil sombre et portant un nœud au-dessus de la tête et la gratifie de gestes affectueux.
En fond, la souche d’arbre desséchée renvoie à la colonne brisée de Frida et à la mort.
Les
couleurs sombres dominent, soulignées par les broderies de la robe
symboles de la douleur, ce rouge sang présent dans les lèvres et les
rubans. Ses tableaux autobiographique sont autant de symboles de sa
souffrance et sont une illustration de son autobiographie.
Autoportrait aux fleurs A la frontière entre Mexique & USA
Notes et références
[1] « Ils pensaient que j’étais surréaliste, mais je ne l’étais pas. Je n’ai jamais peint mes rêves. J’ai peint ma propre réalité ».
[2] Frida représente de façon ironique le capitalisme américain, remplie de symboles de la société industrielle américaine dont elle pense qu'elle détruit les valeurs humaines.
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