Ramuz par René Auberjonois
« La seule vraie tristesse est dans l'absence de désir. »
Charles-Ferdinand Ramuz se rappelle parfois à notre souvenir comme lors de la soirée-rencontre à l'espace Guérin de Chamonix consacrée à son roman "Farinet ou la fausse monnaie" le 20 juillet 2023.
Charles-Ferdinand Ramuz, écrivain atypique. Un peu parce qu'il est suisse, né à Lausanne en 1878 et mort à Pully près de Lausanne en 1947 et qu'il utilisait parfois le patois local, le parler vaudois
dans ses romans, ce qui lui donne un style très personnel, un peu aussi
parce qu'il joue avec la ponctuation par exemple, comme si diront
certains il faisait "exprès de mal écrire".
C'est à Paris qu'il poursuivit ses études et qu'il découvrit la littérature en fréquentant le salon d'Édouard Rod et qu'il commence à publier son premier roman, "Aline", en 1905 chez Perrin. La première guerre mondiale le ramène en Suisse où il participe à la revue des "Cahiers vaudois" et y publie successivement "Adieu à beaucoup de personnages et autres morceaux", "Les Signes parmi nous" et "Histoire du Soldat."
Ramuz dans le Lavaux
Avant de repartir en Suisse en 1914, il publie successivement 4 autres romans édités durant cette période - Les Circonstances de la vie en 1907, sélectionné pour le prix Goncourt, Jean-Luc persécuté en 1909, Aimé Pache, peintre vaudois, prix Rambert, l'année suivante et Vie de Samuel Belet en 1913, histoire d'une errance semée d'amours avortés ou impossibles.
« Le
grand malheur, voyez-vous, pour un auteur, est qu’il soit un homme
public ; qu’il le devienne nécessairement, dès qu’il se mêle de
“publier”. Il a beau faire tout ce qu’il peut pour départager sa
personne en deux moitiés dont l’une est l’homme, qu’il se réserve,
l’autre l’auteur qu’il abandonne aux éléments et aux événements
conjugués ; la cloison qu’il voudrait étanche ne l’est guère. »
Seconde lettre – Lettre à Henry-Louis Mermod, 1929
Prémonition : Il va s'inspirer de la canicule de l'été 1921 pour écrire un roman "Présence de la mort", imaginant une fin du monde caniculaire. Côté édition, c'est grâce à l'écrivain Henri Poulaille -lui aussi écrivain "de terroir", qu'il publiera chez Grasset à Paris tout en continuant à publier à Lausanne chez Mermod.
De retour en Suisse, il participe à la publication littéraire des Cahiers vaudois, en signe le manifeste à travers un essai intitulé Raison d'être. inspiré par la peinture et la musique, il publie L'exemple de Cézanne et entame une collaboration avec le compositeur Igor Stravinsky alors réfugié en Suisse. (voir ci-dessous "Histoire d'un soldat")
Il atteindra alors son acmé avec des romans comme La grande peur dans la montagne, Farinet ou la fausse monnaie (voir ci-dessous) et Derborence en 1934 (voir ci-dessous).
Les Cahiers de la quinzaine lui consacrent un article Pour ou contre Ch.-F. Ramuz, auquel il répond par un texte intitulé Lettre à Bernard Grasset. En 1930, il s'installe avec sa famille dans une maison vigneronne à Pully près de Lausanne, qui surplombe le vignoble et le lac Léman où il résidera jusqu'à sa mort.
Ch.-F. Ramuz
a connu plusieurs évolutions au cours de sa vie d'écrivain. D'abord
classé régionaliste (le monde paysan, un personnage central), il se
diversifie de plus en plus avec la poésie (Le petit village), les nouvelles comme son recueil de 1946, les essais comme Raison d'être, les essais politiques (Taille de l'homme 1932, Questions 1935 et Besoin de grandeur 1937) et des textes lyriques, autobiographiques (Paris, notes d'un vaudois 1937 et Découverte du monde 1939), son Journal allant de 1896 à 1942.
On
découpe parfois son œuvre en 3 périodes : paysanne (Vie de Samuel
Belet...), fable antique (La grande peur dans la montagne, La beauté sur
la terre...) et stylisation (Adam & Ève, Derborence...)
Son roman "Farinet ou la fausse monnaie" - 1932
Le héros est une espèce de Robin des bois,
roi de l'évasion, faux-monnayeur à ses heures. L'homme a réellement
existé et vécut entre Val d'Aoste, Savoie et Valais au XIXe siècle.
Arrêté pour cause de fausses monnaies qu'il redistribuait dans les
villages, il s'évada plusieurs fois mais mourut en 1880 à l'âge de 35
ans.
Ramuz en a fait un roman d'aventure peint
dans son style singulier fait de mélanges des temps, d'expressions
vaudoises, un genre qui se rattache aux courants picturaux modernistes
de l'époque (il adorait Cézanne) Il existe un mémorial dans la vallée de Chamonix, au-dessus de Vallorcine.
Derborence - 1934
Ce roman se situe dans une période faste pour Ramuz où il publiera en particulier La Grande Peur dans la montagneen 1926 et Si le soleil ne revenait pas en 1937. L'histoire s'inspire d'une catastrophe naturelle survenue à Derborence sur la commune de Conthey dans le canton du Valais,
où un éboulement provoqua une quinzaine de morts et d'importants dégâts
en 1714. Elle est basée sur le récit qu'en fit un pasteur vaudois en
1786.
Dans le roman, un berger Antoine Pont se trouve enseveli lors de l'effondrement d'un pan du massif des Diablerets. Sorti vivant de la catastrophe, il retourne au village retrouver Thérèse sa femme qui est enceinte et le croyait mort. Aussitôt, il pense repartir pour secourir son oncle Séraphin disparu dans les Alpages mais sa femme consciente du danger auquel il s'exposerait, parvient à le rattraper et à l'en dissuader.
Histoire d'un soldat - 1917
Une autre production spécifique est cette "Histoire d'un soldat" qu'on appelle un mimodrame, musique de scène composée par Igor Stravinsky en 1917 sur un texte de CF. Ramuz
pour 3 récitants qui sont le lecteur, le soldat et de diable, et 7
instrumentistes (violon, contrebasse, cornet à pistons, trombone,
basson, clarinette et percussions). Le grand compositeur russe st alors
réfugié en Suisse dans le Valais pour cause de Révolution. Ce ballet-opéra se compose de plusieurs courts tableaux inspirés de danses telle que le tango, la valse ou le ragtime.
L'histoire est d'inspiration faustienne. Un soldat fort pauvre en est réduit à vendre son âme (le violon) au Diable contre un livre servant à prédire l'avenir. Mais le séjour avec le Diable va en fait durer trois longue années et quand le Soldat revient au village, personne ne le reconnaît, pas même sa promise qui s'est mariée.
Il pense alors utiliser son livre magique pour s'enrichir mais il s'ennuie et joue avec le Diable son argent contre le violon. Même s'il gagne, le Diable se laisse dérober le fameux violon. Et voilà comment le Soldat put guérir et séduire la belle Princesse malade qu'il réussit à guérir. Mais ils décident de partir et désobéissent au Diable, ce qui leur sera fatal. Car c'est bien de Diable qui triomphe à la fin dans une marche aux accents ironiques.
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<< Christian Broussas • JCF Ramuz © CJB ° 14/01/2024 >>
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