Référence : Laure Murat, Proust, roman familial, éditions Robert Laffont, Prix Médicis essai, 2023
« Personne n’est obligé de lire Proust. Mais tout le monde perd à l’ignorer.»
Pendant toute son adolescence, nous confie Laure Murat [1], on lui a parlé des personnages d'À la recherche du temps perdu, au point qu'elle pensait avoir affaire à des membres inconnus de sa famille. Des répliques de l'œuvre comme celles de Charlus ou celles plus vachardes de la duchesse de Guermantes lui paraissaient comme relevant du langage courant. L'univers de sa jeunesse se confondait avec celui de Proust qu'avait connu ses arrière-grands-parents présents dans ce roman.
Vers ses vingt ans, dit-elle, elle a fini par lire La Recherche. « Et là, ma vie à changé. Proust savait mieux que moi ce que je traversais. » Voyage initiatique dans La Recherche. Elle y discerne une aristocratie où tout est apparat et apparence et tous ceux qui s'en écarte son irremédiablement mis à part, exilés de leur monde pour en avoir rejeté les normes sociales. Prise de conscience autant difficile que salutaire. Une des vertus de la littérature est bien de parfois constituer une véritable catharsis, ce qu'elle appelle « le pouvoir d'émancipation de la littérature, qui est aussi un pouvoir de consolation et de réconciliation avec le Temps. »
Elle a pu ainsi, en écrivant ce mélange d'autofiction, d'analyse sociologique et littéraire, et ceci grâce à Proust et à sa Recherche, rompre avec sa famille et assumer son homosexualité.
Dans les années 1900, "invité régulier sans être un familier de l’hôtel Murat", situé rue Monceau, Proust n’y est placé qu’en bout de table par l’arrière-grand-mère de Laure, snobant "ce petit journaliste"
qui regarde vivre avec un vif intérêt tout ce petit monde d'aristos,
ses manière de vivre, de se comporter, ses coutumes et ses tics, son
espèce d'imposture sociale qui le caractérise.
« Je suis née dans un milieu favorisé et dans une bibliothèque. Ce fut ma chance.»
Parmi
les gens du monde qu'il décrit, peu ont lu l'ensemble de son oeuvre et
en comprirent l'essentiel et se rendirent compte que les personnages
évoluaient pour devenir l'inverse de ce qu'ils étaient au début, les
bons devenant méchants et inversement, une mise à nu sans fard des âmes,
la technique de Proust finissant par révéler la vacuité du monde aristocratique.
« Jamais le roman familial, cet espace phantasmatique de la réorganisation de liens parentaux, n’avait mieux porté son nom. »
L'homosexualité, surtout à cette époque, doit se vivre cachée, comme dans La Recherche et de ce fait demande beaucoup de ruses, de mensonges, de non-dits pour pouvoir exister. Elle aussi se fera exclure de sa famille et comme elle l'écrit : « Tout en pulvérisant l’aristocratie, Proust installait Sodome et Gomorrhe au cœur de son projet littéraire. »
À travers ce voyage aux tréfonds de l'œuvre proustienne, elle rend hommage à la littérature, «
à sa capacité à lever un coin du grand voile, à percer de nouvelles
perspectives, à désenclaver, à désancrer nos habitudes et jusqu’à nos
plus profondes convictions. »
Notes et références
[1]
Laure Murat est une descendante de Joachim Murat, un proche de Napoléon
Bonaparte devenu, en épousant sa sœur, son beau-frère et roi de Naples.
De plus, l’une de ses grands-mères s’appelait Ney, du nom du grand
Maréchal d’Empire.
Avec Christine Angot
*► « Ce que rappelle avec force ce livre, c'est le formidable pouvoir émancipateur de la littérature. » L'Obs
*► « Érudit, réjouissant, euphorisant. » Télérama
*► « Un des meilleurs livres qu'on puisse rêver sur Proust. » Le Monde des livres
*► « Éblouissant. » Le Masque et la plume
*► « "La Recherche" de Proust comme manuel de survie. » Les échos
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<< Christian Broussas • Murat/Proust © CJB ° 25/12/2023 >>
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