Sommaire

1-
Son premier salon à Paris - Vers la Restauration
2-
Ses œuvres littéraires
►21- Sur Rousseau : Lettres sur ouvrages & caractère de J.J. Rousseau - 1788-1814
►22- Essai sur les fictions - 1795 - 23- De l'influence des passions - 1796 -
24- De la littérature - 1800
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25- De L'Allemagne 1810 - 26- Mme de Staël et la passion de la liberté -
27- De la Révolution française - 1818 - 28- Dix ans d'exil -

1- Son premier salon à Paris

       

Comme sa mère, Germaine de Staël ouvre en 1792 un salon dans l’hôtel de Suède, rue du Bac, où elle reçoit des intellectuels tel que La Fayette, Clermont-Tonnerre ou Condorcet. Elle défend une monarchie constitutionnelle et s’oppose à Bonaparte puis à Napoléon. Elle devra à plusieurs reprises, malgré son diplomate de mari, trouver refuge à Coppet auprès de son père.
Entre 1786 et 1794, elle aura plusieurs liaisons avec le comte de Narbonne qui lui donnera deux fils Auguste et Albert, le suédois Adolphe de Ribbing avant de rencontrer Benjamin Constant qui lui donnera une fille Albertine. Elle écrira à cette époque un essai traitant 
« de l’influence des passions... »

  
Château de Coppet au temps de Mme de Staël

Son approche chrétienne a été influencée par le protestantisme de ses parents, tolérant et proche des idées du siècle des Lumières. Elle s’intéresse à la question morale, le christianisme étant la religion qui selon elle « livre le plus l’homme à lui-même » en face de la mort. Elle prône une religion plus humaine, moins dogmatique et même plus œcuménique. (voir son roman Delphine en 1802). Elle penche après 1793 vers une religion unique en France, pensant au protestantisme.

Dans ce domaine, elle va largement influencer son fils Auguste qui militera dans le Comité de la Société biblique parisienne et contre l’esclavage jusqu’à son décès en 1827.

   
Mme de Staël en Corinne                                                      B. Constant Wallstein

Vers la Restauration

Elle défend un « esprit européen » par ses voyages en Italie et en Allemagne où elle rencotre Goethe et Schiller écrivant à son retour De l’Allemagne en 1811-1813, décrivant des contrées plutôt apaisés que les Français découvrent à l'occasion et attaquant l’Empire français. Cet essai aborde les notions de modèle politique et de mentalité qu'elle oppose aux régimes autoritaires et leur penchant à faire la guerre.

Plutôt favorable à la Restauration, elle rouvre son salon parisien rue Royale cette fois, où les plus influents sont des libéraux accueillant avec soulagement la Restauration : les Doctrinaires, groupe représenté par le duc de Broglie (1785-1870), Royer-Collard (1763-1845), Charles de Rémusat, (1797-1875), Prosper de Barante (1782-1866) et François Guizot (1787-1874) pour les plus importants.

    

2- Ses œuvres littéraires

Elle va d'abord se faire connaître à travers trois essais : Lettres sur les ouvrages et le caractère de Jean-Jacques Rousseau (1788) ; De l’influence des passions sur le bonheur de l’individu et des nations (1796) et De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (1800). Côté roman, elle écrit Delphine (1802) où elle aborde les questions socio politiques et sociales, les difficultés des femmes face à leur place dans la famille puis Corinne ou l’Italie (1807) où l’héroïne recherche une indépendance qui la conduira à la mort.
* Delphine (1802) ou l'amour impossible de Delphine d'Albémar, riche et cultivée, avec un homme marié, amour confronté aux  mœurs de l’époque, ce qu'a d’injuste la condition féminine. Elle y prône le régime anglais, le divorce et les valeurs du protestantisme... ce qui ne sera pas du goût du Premier consul !
* Corinne ou l’Italie (1807), drame entre Corinne une poétesse italienne et Oswald un noble anglais, large évocation de l'Italie et de la condition féminine à l'époque. [Présentation]

   

21- Sur Rousseau : Lettres sur les ouvrages et le caractère de J.J. Rousseau - 1788 et 1814
Cet ouvrage est d’abord pour elle une manière d’affirmation de soi, revanche sur sa mère interdite de publication par son mari, affirmation aussi en présentant La Nouvelle Héloïse, livre souvent condamné au nom de la morale.  
C’est « l’éloquence passionnée » des œuvres de Rousseau qui restera toujours pour elle le génie qui lui est propre, son enracinement dans l’expérience du sentiment intérieur. Il restera celui qui parle la langue des « caractères passionnés » condamnés à souffrir de l’écart entre la société et les aspirations du moi. Elle voudrait que « la reconnaissance des hommes que Rousseau éclaira trouve enfin un interprète… » 

Comme Rousseau, la femme écrivaine sera en butte à la critique, à la cabale en tant que femme et écrira dans la préface à l’édition de 1814 : « Les Lettres furent publiées sans mon aveu et ce hasard m’entraîna dans la carrière littéraire. »  Elle déplore seulement que Rousseau ne puisse faire fi de son propre malheur, ait un comportement solipsiste de rêveur. Entre les deux versions, entre 1788 et 1814, 26 ans se sont écoulés et elle a évolué. Elle le rejoint cependant sur les thèmes de la tromperie et la perte des illusions de la jeunesse.
Pour elle désormais, la relation de maître à disciple comme à l’intérieur du couple, se veut échanges à égalité de leur valeur. Elle va finir par prendre ses distances avec Rousseau, s’opposant à lui par exemple sur la question du suicide que, contrairement à lui, elle condamne. (Réflexions sur le suicide, 1813)



22- Essai sur les fictions (1795)
Une des notions importantes pour Mme de Staël est celle de « for intérieur » qu’elle définit comme « l’habitude de se relier continuellement sur soi-même, » un domaine de liberté imperméable à  la violence. Même après les désillusions de la Terreur en 1793-94, elle croit en la primauté de la raison et d’un gouvernement constitutionnel.
La violence naît de l’ignorance et de l’oppression des peuples. Et c’est ce for intérieur que la violence ne corrompt pas, qui permet de faire appel à la raison et de pratiquer l’éducation.

Mais ces bases rationnelles qui permettent progrès et perfectibilité de l’esprit et de l’humanité, ne sont pas suffisantes. Il faut y ajouter l’imagination, la subjectivité pour s’insinuer jusqu’au cœur de l’homme. Raison et sentiment doivent alors se fondre dans la fiction littéraire qui dès lors doit provoquer une réflexion à partir de la narration. Ce qui lui faire dire : « Il faut que cette Révolution finisse par le raisonnement. » et que le rationnel pénètre le for intérieur pour innerver le comportement jusqu’aux  tréfonds de la conscience.
Il faut parvenir à faire coïncider tendance à la neutralité et aspirations à la liberté pour que se dégage une volonté générale.

L’univers guindé de l’Ancien régime corsetait les gens dans les apparences, ils avaient peu de liberté dans leur for intérieur et avaient peu à peu "intériorisés" leurs comportements. Pouvoir absolu, hiérarchie et inégalités avaient aussi rigidifié une société qui était "bloquée" et ne parvenait plus à s’autoréguler.
D’autre part, dans cette population instruite de la noblesse et de la bourgeoisie, les idées véhiculées par les philosophes des Lumières ont largement infusé dans leur for intérieur un esprit critique qui s’est retrouvé ensuite dans les valeurs de la Révolution.

                
Michel Winock

23- De l’influence des passions
« En composant cet ouvrage, où je poursuis les passions comme destructives du bonheur, où j’ai crû présenter des ressources pour vivre sans le secours de leur impulsion, c’est moi-même aussi que j’ai voulu persuader ; j’ai écrit pour me retrouver, à travers tant de peines, pour dégager mes facultés de l’esclavage des sentiments, pour m’élever jusque à une sorte d’abstraction qui me permit d’observer la douleur en mon âme, d’examiner dans mes propres impressions les mouvements de la nature morale, et de généraliser ce que la pensée me donnait d’expérience.

Une distraction absolue étant impossible, j’ai essayé si la méditation même des objets qui nous occupent, ne conduisait pas au même résultat, et si, en approchant du fantôme, il ne s’évanouissait pas plutôt qu’en s’en éloignant. J’ai essayé si ce qu’il y a de poignant dans la douleur personnelle, ne s’émoussait pas un peu, quand nous nous placions nous-mêmes comme une part du vaste tableau des destinées […] Je l’ai essayé, et je ne suis pas sûre d’avoir réussi dans la première épreuve de ma doctrine sur moi-même» Germaine de Staël.

(parution 1796, réédition Culturea 2023)

          
Germaine & Benjamin

24- De la littérature (1800) et édition moderne Flammarion 1999 -
Pour Madame de Staël, tout est perfectible, la littérature comme l’homme. Une telle évolution implique que la création et l’analyse littéraires puisse  conduire à une critique comparatiste. À partir de notre héritage  littéraire, elle explique la manière dont elle voit l’évolution littéraire dans l’Europe. Sa démarche s’appuie sur le constat de la "différence dialectique" entre La France et l’Allemagne provoquant la diversité des goûts, le nord en général est plus enclin à décrire les mouvements de l’âme, plus proche en ce sens du romantisme alors mouvement littéraire dominant.  

Dans l’idée que cette représentante de « l’esprit des Lumières » se fait de la littérature, la beauté prend une valeur quasi éthique, antidote contre une certaine atonie morale et elle permet aussi d’alimenter le débat d’idées, même si parfois elle se fait didactique et partiale.

     

25- De l’Allemagne – 1810 puis 1813-14
Curieux début de ce livre qui devait être publié en 1810 mais subit les foudres impériales, interdit de vente, qui sera finalement publié trois ans plus tard. Visiblement, Napoléon n’a pas apprécié la critique de son régime, de sa volonté d’annexion  et la promotion faite à l’Allemagne.

Écrire une histoire globale de l’Allemagne en 2 volumes était une gageure difficile à relever et sa principale vertu tient dans sa diffusion en France et son intérêt est avant tout pédagogique dans un pays qui ne connaissait alors pas grand-chose de l’Allemagne.  
On peut dès lors critiquer le fait qu’elle survole souvent les sujets qu’elle développe, n’étant finalement restée que peu de temps dans ces contrées pour en avoir une connaissance approfondie. Donnant par exemple un panorama des œuvres de grands auteurs allemands comme Goethe, Schiller ou Lessing.

Heinrich Heine en était bien conscient qui a écrit un contre essai pour remettre les choses au point. Dans un style coulant et accessible pour ce genre d’ouvrage (« sa pyrotechnie sentimentale » dira Heinrich Heine), elle montre comment il serait intéressant que les intellectuels français s'inspirent d’un peuple et d'une culture si remarquables.

Son objectif n’est pas seulement de faire connaitre ces pays germaniques alors disparates mais d’opposer le centralisme autoritaire du Consulat puis du Premier Empire aux monarchies "apaisées" de l’Allemagne ou à la monarchie constitutionnelle anglaise.

       
Ancien ambassade de Suède

26- Mme de Staël et la passion de la liberté
Sur ce thème de la liberté, voir ses quatre œuvres suivantes : De l'influence des passions sur le bonheur (1796), Des circonstances actuelles qui peuvent terminer la Révolution (1798), Considérations sur la Révolution française (1818), Dix années d'exil (1821).

Germaine de Staël, c’est en même temps les domaines des sentiments et de la raison, à la charnière des idées des Lumières et du romantisme. Cette combinaison va déboucher sur une passion maîtrisée : la liberté et elle va mettre toute sa fougue, sa vivacité d’esprit et son intelligence à promouvoir ses idées. Cette indépendance et son combat pour faire évoluer la condition féminine dont elle est une pionnière va se heurter à Napoléon et lui coûter un long exil.  

Ses essais publiés à partir de 1796 posent des questions fondamentales telles que "comment concilier recherche du bonheur personnel et fonctionnement de la société", "comment établir un équilibre entre violence et justice, entre volonté populaire et gouvernement représentatif" ? Une autre question "Jusqu'où peut conduire une révolution ?" rejoint plus directement son expérience, son enthousiasme au début de la Révolution et sa déception pendant la Terreur.   
Sa réflexion et son analyse de situations concrètes sont mises en valeur par un style très attrayant et concret.

        
Sur la littérature                                      La passion de la liberté, 2017

27- Considérations sur les principaux événements de la Révolution française – 1818 – Analyse --
« L'ordre social est tout entier armé contre une femme qui veut s'élever à la hauteur de la réputation des hommes. » (De la littérature dans ses rapports avec les institutions sociales)

Cet essai, publié à titre posthume par son fils Auguste de Staël, est basé sur trois éléments clés : le récit de la vie publique de son père Jacques Necker, ses propres mémoires et l’histoire de la Révolution française. Un déroulement où il faut ajouter le dernier chapitre centré sur les institutions anglaises qui font le pont avec le rôle politique de Necker et de Madame de Staël. Il représente une réflexion globale sur la politique constitutionnelle, et c’est sans doute de ce point de vue sa contribution la plus intéressante dans l’exposé de la pensée libérale.

           

28- Dix ans d'exil
Elle doit à Napoléon ses dix ans d’exil dont son dernier grand exil en 1812-1813 qui l’ont conduite à travers l’Europe, l’Allemagne, l’Autriche, la Suède, la Pologne, la Russie pour finalement rejoindre Londres. Mais l’essentiel de cet exil, elle l’a passé chez elle à Coppet en Suisse à partir de 1805, avec ses amis qui ont constitué ce qu’on a appelé le Groupe de Coppet.
Napoléon ne supportait pas ses critiques et ses livres qui critiquaient son régime. Cette citation résume bien ce qu’il lui reprochait : « Le plus grand grief de l'empereur Napoléon contre moi, c'est le respect dont j'ai toujours été pénétrée pour la véritable liberté. » En gros, elle lui reprochait d’avoir  établi une dictature et d’épuiser le pays dans des guerres interminables. Mais il lui reconnaissait aussi certaines qualités comment en témoigne cette autre citation : « Cette femme apprend à penser à ceux qui ne s'en aviseraient point ou qui l'auraient oublié. »
À travers ses ouvrages, elle fut un témoin et une fine observatrice de l'histoire politique de son temps, ce qu’il lui en a coûté qu’elle raconte dans cet ouvrage posthume publié par les soins de son fils.
(Écrit en 1811-12, couvre les années 1800-04 et 1810-1812, publié en 1820)



Voir aussi
* Blandine Poirier, Oser (re)lire Staël, 25 extraits pour penser le monde moderne, éditions Librio n°1361, 96 pages, janvier 2024
* Sté des études staëliennes -- Les fictions littéraires -- Sapho, présentation --
* Mme de Staël et la littérature -- Abécédaire -- Parcours, Noémie Bernier --
* Cosmopolitisme --

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<< Christian Broussas • De Staël-Coppet  © CJB  ° 09/01/2024  >>
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