JMG Le Clézio, Ourania

Référence : JMG Le Clézio, Ourania, éditions Gallimard, 314 pages, février 2006

Vingt ans après, Daniel Sillitoe rencontre par hasard un jeune homme « le plus étrange que j'aie jamais rencontré. » Ce géographe en mission au centre du Mexique, dans la région de Guadalajara  découvre, par l'intermédiaire de son guide Raphaël, une communauté pastorale, la république idéale de Campos, en marge de la Vallée Tepalcatepec, capitale de la terre fertile du Chernozem, « le rêve humaniste de l'Emporio, la zone rouge qui retient prisonnière Lili de la lagune, et l'amour pour Dahlia. »

Daniel se souvient du jeune garçon, des rêves dans lesquels il se réfugiait pendant la guerre, de sa vision d'un idéal qu'il avait nommé Ourania, dans une fuite pour pouvoir supporter le quotidien. Mais tout n'est pas aussi simple : l'illusion n'est pas forcément antinomique du bon sens et la réalité peut rejoindre les apparences : « J'ai reçu la conviction, dit-il, que la réalité est un secret, et que c'est en rêvant qu'on est près du monde. » La réalité est alors aussi une projection de l'individu dans le quotidien, comme le ferait un enfant.

   Le Clézio à Séoul en 2018

Pour ceux qui résident dans la Vallée, Campos est plutôt composé de hippies, espèce de secte où règnent licence et liberté et dirigé par une espèce de gourou.

Cette communauté créée par des Indiens et des métis, se modèle sur leur organisation traditionnelle. Ils connaissent aussi bien le fonctionnement des sociétés traditionnelle et occidentale. Leur modèle de référence n'est donc pas totalement utopique. Le travail n'est plus vécu comme contrainte, évitant la séparation entre labeur et fête. Raphaël par exemple se sent beaucoup plus libre depuis qu'il travaille dans les champs.

       

Si Campos est une société pauvre et égalitaire, elle s'oppose à une société industrielle plutôt riche et inégalitaire avec des pauvres de plus en plus pauvres et des élites qui abusent de leurs privilèges. Les révoltes, des "cristeros" à Hector le révolutionnaire en passant par l'humaniste Don Thomas se sont soldées par des échecs et même la communauté de Campos n'a pas survécu. Pour Le Clézio, nulle utopie à Campos, mais plutôt une lutte idéologique qui lui sera fatale dans cette opposition entre la Vallée et Campos où il faut éliminer l'autre.

Chez les indiens comme à Campos, créateur et religion n'existent pas. Une idée chère à Le Clézio (voir son essai L'extase matérielle), c'est qu'il n'y a aucun hiérarchie entre esprit et matière, l'homme a priori n'a pas vocation à dominer le monde et n'en est qu'un élément important sans doute mais sûrement pas un surhomme. La fête est aussi un moment d'union spirituelle avec le cosmos. Le savoir n'est pas seulement scientifique, reposant aussi sur une osmose avec le monde. 
Mais Campos, le pays d'Ourania, restera toujours une alternative, le recours suprême car ces cultures ont survécu à tous les aléas, Lili et Juan Uacus ont un caractère  éternel.

Mes présentations générales :
- Le Clézio et son œuvre : contient Le procès-verbal, Révolutions, Onitsha, Ritournelle de la faim, Le Mexique, La trilogie mauricienne --
- Le Clézio Nobel 2008 : Désert et Ritournelle de la faim --
- Itinéraire de JMG Le Clézio --

Voir aussi
* Mon Site Le Clézio --

---------------------------------------------------------------------------------
<< Christian Broussas • JMG - Ourania  © CJB  ° 09/07/2024  >>
---------------------------------------------------------------------------------