mardi 12 mars 2024

JMG Le Clézio, Printemps et autres saisons

 Référence : JMG Le Clézio, Printemps et autres saisons, éditions Gallimard, avril 1989

     

Cinq saisons, cinq nouvelles, cinq femmes : Libbie-Saba, Zobéïde, la bohémienne aux roses, Gaby et Zinna. Une par nouvelle. [1] Une par saison. Cinq femmes [2] vues ou entrevues, rêvées aussi, pour cerner la fragilité, partir à la recherche de l’Autre et de soi-même, l'errance, thème cher à Le Clézio, la mémoire et ses manques, le temps immobile et les lieux qui s'effacent.

Comme souvent chez Modiano, ses personnages subissent la vie dans des villes déshumanisées, un univers urbain, industriel et égoïste, pour lesquels il éprouve une grande compassion qu’il veut nous faire partager, rejoignant Albert Camus dans les noces du soleil et de la misère. Son style conforte l’ambiance générale, sans grand relief devient plus expressif dans les moments de tension.

1- Printemps (90 pages)

Une jeune marocaine de Marseille se souvient avec nostalgie d’un couple américain qui l’avait hébergée à Mehdia et qui était parti lors de l’indépendance en 1956. Elle va partir, comme son père, à la recherche d’un ailleurs.
Une fugue en forme d’initiation, un mariage berbère et dans cette fuite, le poids du corps entre peur, faim, désir et fatigue.

2- Fascination (11 pages)

Une vieille tzigane accompagnée  d’une jeune beauté tente pour survivre de vendre quelques roses. Le narrateur se souvient les avoir déjà vues dix-huit ans auparavant sur le chemin du lycée qu’il empruntait. Il se souvient de l’avoir croisée, seule, la fuyant par timidité. Et aujourd'hui, elle le regarde avec sur son visage «une expression cruelle de dédain et de colère. »

Le Clézio nous parle ici, à partir de la résurgence de ses souvenirs, de la distance sociale qui les séparait, qui a pesé sur l’adolescent au point qu’elle le paralyse, interdisant toute relation entre eux. Il ne pourra répondre à ses œillades et elle en sera meurtrie à jamais. (pages 119-120)
Le Clézio utilise ici volontiers les retours en arrière, le brusque retour au présent, mélangeant présent et passé, des images en forme d’hypallage [3] pour rendre plus vivant l’expression des émotions et des sentiments. La jeune fille lui apparaît comme une «gitane, fée vêtue de noir, exilée de toute vie réelle, dansante comme une ombre», qu'« un plafonnier éclairait comme un projecteur sur une scène de théâtre.»


3- Le temps ne passe pas (11 pages)

Un homme, issu de la bourgeoisie, retrouve une photo de classe que lui avait donnée Zobéïde, petite fille d’un bidonville qu’il avait suivie plusieurs fois. Elle s’en était entiché au point de l’embrasser avec fougue et de s’en occuper après une bagarre où ils parlèrent longuement. Mais ce fut tout et elle disparut aussi rapidement qu’elle était apparut dans sa vie.

4- Zinna  (29 pages)

Tomi, petit délinquant arabe vivant dans une ville du sud de la France, rencontre Zinna, jeune Juive émigrée d'Afrique du Nord. Mais elle est douée pour le chant, remarquée par le narrateur qui s’intéresse tant à elle qu’il en néglige sa femme qui est souffrante. Un homme riche nommé Orsoni s’intéresse aussi à elle et ils vont un temps mener grande vie, accrocs  à la drogue, dans une grande détresse morale, même si elle conserve l’amitié de Tomi.

Zinna suit ainsi une courbe qui va de la misère à l’opulence pour tomber dans une autre forme de misère, comme si elle était soumise à la fatalité. On passe ainsi du narrateur-auteur au narrateur impliqué dans l’histoire, Jean-André Bassi, violoncelliste à l’Opéra.
Son style, s’il coule simplement, prend parfois des couleurs imagées, de la fenêtre  aux «yeux d'aveugle » au désir « comme une brûlure. » Il est agrémenté de mots recherchés comme « hémérothèque » et même de quelques anglicismes tels «dealer», «sniffer» ou «shooter » ou d’autres, «souk» ou «fondouc» qui rappellent le passé marocain de Zinna à Mellah. Le Clézio en profite pour parler du mélange ethnique de la région, facilité par la musique.
Quand l’amour est impossible, le narrateur étant trop jeune pour Zinna et le professeur trop âgé, il reste quand même en fin de compte l’amitié.

5- La saison des pluies (34 pages)

Gaby, une créole de l'île Maurice, préfère ‘amitié d’une indienne à son ami Ti coco. En France, elle se marie avec un jeune homme issu d’un milieu bourgeois qui la rejette. Il disparaît pendant la Seconde guerre mondiale et elle se retrouve seule avec son enfant. Sa vie va alors basculer dans la maladie et la pauvreté, sauvée par le versement d’une pension.
Revenue à l'île Maurice, elle recherche vainement l'Indienne et retrouve Ti coco, toujours fidèle, qui sans rien dire, avait payé la pension.

   Le Clézio à Séoul en 2018

Notes et références
[1] 1- Printemps – 2- Fascination – 3- Le temps ne passe pas – 4- Zinna – 5- La saison des pluies
[2] Cinq nouvelles dédiées aux filles comme Mondo et autres nouvelles est dédié aux garçons.
[3] Par exemple, La vieille mendiante à la «sébile aigriarde » ou «l'ombre humide du sous-sol »


Mes présentations générales :
- Le Clézio et son œuvre : contient Le procès-verbal, Révolutions, Onitsha, Ritournelle de la faim, Le Mexique, La trilogie mauricienne --
-
Le Clézio Nobel 2008 : Désert et Ritournelle de la faim --
-
Itinéraire de JMG Le Clézio --


Voir aussi
* Présentation-commentaires --
* "
L'ouverture des frontières" --

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