mardi 22 janvier 2013

Claude Simon le catalan

L'écrivain Claude Simon
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     << Prix Médicis pour "Histoire" 1967, prix Nobel 1985 >>
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tumb Portrait de Claude Simon

La mère de Claude Simon, Suzanne Denamiel [1] descend d'une famille de propriétaires terriens ayant des vignobles près de Perpignan et de tradition militaire. Son père Louis Simon vient d'une modeste famille de vignerons jurassiens implantée aux Planches, hameau de la petite ville d'Arbois. Comment s'étonner dans ces conditions que Claude Simon parle de mésalliance pour une famille maternelle qui impose aux jeunes gens "d'interminables fiançailles" pendant lesquelles Louis Simon, jeune saint-cyrien, sera nommé à La Martinique, à Madagascar puis au Tonkin.

Son arrière grand-mère maternelle Louise Marianne Lacombe Saint-Michel est la descendante d'un général de la révolution et de l'Empire, député du Tarn à la Convention, qui fut membre du "Comité de salut public" après la chute de Robespierre en juillet 1794; un aïeul dont cette famille de tradition militaire est très fière. C'est l'une des cousines de Claude Simon qui va exhumer cette tranche d'histoire en découvrant dans l'hôtel familial de Perpignan la correspondance du général d'Empire Jean-Pierre Lacombe Saint-Michel. Et Claude Simon s'en servira pour en faire un élément central de son roman Les Géorgiques paru en septembre 1981, qui met en parallèle son ancêtre le général Jean-Pierre Lacombe-Saint-Michel appelé sous ses initiales LSM, l'écrivain George Orwell à Barcelone en 1936 [2] et Claude Simon lui-même, combattant en 1940 puis prisonnier. [3]
 
La naissance de Claude Simon un 10 octobre 1913 à Tananarive tient à un père capitaine d'infanterie de marine qui regagna la France l'année suivante en mai 1914. Ce père, le petit Claude n'aura pas le temps de le connaître, tué le 27 août 1914 dans la forêt de Joulnay près de Stenay dans la Meuse. La mère regagne alors Perpignan sa ville natale, logeant dans l'hôtel familial avec sa mère, sa sœur, son mari Henri Carcassonne et leurs six enfants, passant la belle saison aux Aloès, une propriété près de Perpignan sur la route du Canet, passant les vacances chez ses tantes à Arbois. Il fréquente alors le collège François-Arago à Perpignan, prenant le tramway quand il réside aux Aloès.

tumb Le lycée François Arago à Perpignan

Cette vie familiale rythmée par les études sera brusquement stoppée par la mort prématurée de sa mère, atteinte d'un cancer. A partir de 1925, il poursuit ses études à Paris au collège Stanislas, sous la tutelle d'un cousin de sa mère Paul Godet. [4] Évoquant cette époque, Claude Simon dira : « Dans ma vie, j'ai eu trois famille fort différentes : celle de ma mère (à Perpignan), celle de mes tantes à Arbois et celle de mon tuteur (Paul Godet). »

En 1930, il prend une décision lourde de conséquences : abandonnant le souhait de sa mère de préparer "mathématiques supérieures" au lycée Saint-Louis, il regagne Perpignan pour s'adonner à la peinture puis retourne à Paris, s'inscrit à l'académie du peintre André Lhote et s'initie à la photographie. En 1934, il a 21 ans et peut entrer en possession de l'héritage maternel. A la fin des années trente, c'est un homme qui se cherche encore, écrit très peu et s'adonne à la peinture pendant la période estivale à Perpignan. En 1936, il rejoint Barcelone, « Premier contact avec la violence pure, l'odeur de mort , » où il se voit plutôt comme un imposteur puis s'engage aux côtés des républicains espagnols en participant à des livraisons d'armes. Puis l'année suivante, il entreprend un long voyage à travers l'Europe, l'Allemagne nazie, le ghetto de Varsovie, la Russie soviétique, puis au sud en Grèce et en Italie.

Lui qui avait déjà connu une vie assez mouvementée va être rattrapé par la guerre. Le 10 mai 1940, il sera face aux blindés allemands avec la 4ème division de cavalerie et le 17 tombera dans une embuscade d'où il réchappera de justesse. Il est fait prisonnier à Solre-le-château près d'Avesnes-sur-Helpe dans le Hainaut et envoyé au stalag IV B à Mühlberg an der Elbe dans le sud du Brandebourg. Mais après quelques péripéties, il parvient en novembre à rejoindre Perpignan.

Dénoncé à la Milice, il fuit et rejoint Paris, son appartement du boulevard Montparnasse où il est plus en sécurité. [5] Evoquant sa vie dans son discours de Stockholm lors de la remise du prix Nobel, il dira : « Je suis maintenant un vieil homme, et, comme beaucoup d’habitants de notre vieille Europe, la première partie de ma vie a été assez mouvementée [...] et cependant, je n’ai jamais encore, à soixante-douze ans, découvert aucun sens à tout cela, si ce n’est, comme l’a dit, je crois, Barthes après Shakespeare, que « "si le monde signifie quelque chose, c’est qu’il ne signifie rien" » - sauf qu’il est. »
tumb Claude Simon prisonnier en 1940

Après la guerre, il sera vigneron dans les terres du Roussillon qui lui viennent de sa famille. L'année 1951 commence bien avec son mariage avec Yonne Ducing mais se finit mal par une violence attaque de tuberculose qui le laisse cloué au lit pendant plusieurs semaines dont il mettra deux ans à se remettre et dont il écrira : « J'ai vécu durant cinq mois allongé. Avec pour seul théâtre une fenêtre. Quoi ? Que faire ? Voir (expérience du voyeur), regarder avidement. La vue, la lenteur et la mémoire. » En 1956, il fait la connaissance d'Alain Robbe-Grillet à l'abbaye de Royaumont et deviendra un "compagnon de route" du mouvement du Nouveau Roman, écrivant « ce que nous avions en commun, c'était un même rejet du roman traditionnel et une estime réciproque. » Il ne cessera guère dès lors de préciser sa conception de l'écriture, l'argument d'un texte par rapport à la notion de récit et l'adaptation du style par rapport au narratif classique. [6]
 
Il se remarie en 1978 avec Réa Karavas et partage ensuite son temps entre les voyages, les colloques, les nombreuses conférences qu'il donne en Europe, aux États-Unis et au Canada, jusqu'en Inde et au Japon, et la maison de Salses dans le nord du département des Pyrénées orientales -les Corbières maritimes- dont il a hérité et qu'il va patiemment remettre en état à partir de 1963. Dans les dernières années de sa vie, il se partagera entre son appartement de la plage Monge à Paris dans le quartier latin et sa maison de Salses-le-château.

C'est Place Monge près du Jardin des Plantes que résidèrent Claude et Réa Simon à partir de 1963. L'écrivain y observait les mouvements du marché qui s'installait sur la place, les passagers qui sortaient de la bouche du métro. On retrouve dans certaines pages de La Bataille de Pharsale et du Jardin des Plantes ces tranches de vie qu'il voyait de la fenêtre de son appartement au cinquième étage où il passa les dernières années de sa vie. On peut y voir maintenant une plaque commémorative, dans cet immeuble où il vécut de 1963 à sa mort en 2005.

 



L'immeuble de la place Monge





Bibliographie
  • Années 40-50 : "Le Tricheur", Éditions du Sagittaire, 1945, "La Corde raide", Éditions du Sagittaire, 1947, "Le Sacre du Printemps, Calmann-Lévy, 1954, "L'Herbe", Éditions de Minuit, 1958
  • Années 60-70 : "La Route des Flandres", Éditions de Minuit, prix de l'Express, 1960, "Histoire", Éditions de Minuit, prix Médicis, 1967, "La Bataille de Pharsale", Éditions de Minuit, 1969, "Les Corps conducteurs", Éditions de Minuit, 1971, "Leçon de choses", Éditions de Minuit, 1975
  • Années 80-90 : "Discours de Stockholm", Éditions de Minuit, 1986, "L'Invitation", Éditions de Minuit, 1987, "L'acacia, Éditions de Minuit, 1989, "Correspondance avec Jean Dubuffet", L'Échoppe, 1994, "Le Jardin des Plantes", Éditions de Minuit, 1997
  • Années 2000 : "Le Tramway", Éditions de Minuit, 2001, "Archipel et Nord", Éditions de Minuit, 2009, "Quatre conférences", 1980-1994, Éditions de Minuit, 2012
  • Calle-Gruber Mireille, "Claude Simon Une vie à écrire", éditions du Seuil, collection Biographie, 2011, isbn 978-2-02100-983-5).
Autres fiches à consulter :
Quelques écrivains dans "Rhône-Alpes" : Maurice Scève, Louise Labé, Roger Vailland, Bernard Clavel
Site de l'Association des : Lecteurs de Claude Simon

 
tumb Le "Nouveau roman" [7]
 tumb Simon en 1961 tumb

Notes et références
  1. ↑ Qu'on trouve parfois écrit en deux mots De Namiel, qui viendrait d'une petite noblesse d'empire
  2. ↑ l'écrivain et anarchiste anglais George Orwell (O.), milicien républicain en 1936 à Barcelone, auteur du livre "Hommage à la Catalogne"
  3. ↑ Lacombe Saint-Michel avait été en 1810 gouverneur militaire de Barcelone dans une Espagne en guerre comme quand y séjournèrent en 1936 George Orwell et Claude Simon, ce dernier, descendant du général, combattant en 1940 dans la vallée de la Meuse où le général avait jadis exercé des commandements militaires
  4. ↑ D'une grande famille bourgeoise, Paul Godet est fils du sénateur Henri Godet et père du député Louis Godet, mort lui aussi au combat en 1914
  5. ↑ Il assistera chez Michel Leiris à la lecture de la pièce "Le désir attrapé par la queue" avec entre autres, Albert Camus, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir
  6. ↑ Parmi ses nombreuses interventions où il aborde le sujet, on peut citer : "Signification, roman et chronologie" à La Sorbonne en 1961, "Littérature : tradition et révolution" à Vienne en 1967, "La fiction mot à mot" au colloque de Cerisy-la-Salle en 1971 ou "Roma, description et action" à Göteborg en 1978
  7. ↑ On peut reconnaître de gauche à droite : Robbe-Grillet, Claude Simon, Claude Mauriac, Lindon, Pinget, Beckett, Nathalie Sarraute, Ollier
<><><> CJB Frachet - Feyzin - 17 février 2012 - <><>  © • cjb •  © <><><>

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