mercredi 19 février 2014

Amélie Nothomb

Amélie Nothomb entre Belgique et Japon

Métaphysique des tubes (2000)                                
 Amélie Notomb         (© Harcourt Paris)     Amélie Notomb au Japon

Amélie Nothomb entre Belgique et Japon
Prix René-Fallet, Prix Alain-Fournier 1992, Prix du jury Jean-Giono 1995

Grand prix du roman de l’Académie française 1999
 
« Le Japon m'est apparu très tôt comme la terre promise de mes origines que je devrai absolument retrouver un jour. » 

La jeunesse d'Amélie Nothomb se caractérise par une trajectoire cyclothymique, suivant son père diplomate [1] dans différents pays d'extrême-orient et aux État-Unis, débouchant sur une quête identitaire qu'on retrouve dans son œuvre, d'abord dans ses premiers romans fortement autobiographiques. [2]

          
Shukugawa, le centre ville et vue du parc

Autant elle a vécu des moments forts, des périodes bénies, se souvenant -elle qui dit posséder une mémoire exceptionnelle- avec émotion de sa vie au Japon ou aux État-Unis, autant elle garde des souvenirs mitigés et même négatifs de ses séjours dans la Chine de Mao et au Bengladesh.

Amélie Nothomb est née à Kobé dans le sud du Japon le 13 août 1967 où son père le baron Patrick Notomb est diplomate. Elle passera les cinq premières années de son existence dans le village de Shukugawa situé dans la montagne au-dessus de Kobé. Elle pense devenir ainsi une vraie japonaise, élevée par Nishio San, sa 'seconde mère', fréquentant l'école du village et, avec sa sœur aînée Juliette, s'imprégnant de la culture japonaise. Elle vivra ensuite une expérience exaltante quand la famille s'installe pour trois ans à New-York en 1975.

Elle profite à fond de la totale liberté que lui donnent ses parents, s'adonnant aux plaisirs qu'offre la vie new-yorkaise pour qui en a les moyens. Poursuivant ses études au Lycée français, elle dira qu'elle développait alors « une certaine mégalomanie de petite fille choyée. » [3]

Mais périodes heureuses empreintes de nostalgie et périodes malheureuses au goût de paradis perdu se succèdent dans sa vie de jeune fille. Elle vit très mal le départ du Japon et son installation à Pékin dans le quartier de San Li Tun dans un immeuble réservé aux diplomates, « un ghetto » dira-t-elle. [4] Le départ de New-York est tout aussi difficile, une vie insipide faite de solitude et d'ennui l'attend au Bengladesh où, à nouveau, elle a l'impression de vivre dans un ghetto.

        
Pékin, vues du quartier de San Li Tun, rue des bars,  où elle résidait 

Amélie Nothomb ne supporte plus ces changement radicaux de situation, les nouvelles destinations de Birmanie et du Laos où elle sombre peu à peu dans une profonde mélancolie qui la conduit à une grave crise d'anorexie. [5] Une nuit, elle touche le fond et se sent entraînée vers la mort mais, comme elle le décrit dans son roman "Biographie de la faim" paru en 2004, elle trouve assez de ressources en elle-même pour surmonter cette épreuve mais gardera toujours un rapport particulier à la nourriture. [6]
En 1984, changement total de décor et d'univers : la famille Nothomb regagne la Belgique

Elle a alors 17 ans, fréquente d'abord l’Institut Marie Immaculée Montjoie à Uccle puis l'Université libre de Bruxelles et s'acclimate peu  peu à sa nouvelle vie, aime les rues, les cafés de la capitale, « la folie de ses habitants. » [7] Toujours le choc de culture entre extrême-orient et occident fait qu'elle éprouve beaucoup de difficultés à trouver sa place et elle fera de cette quête d'identité le thème majeur de son parcours littéraire comme dans son roman "Le fait du prince" où le héros Baptiste Bordave va usurper l'identité d'Olaf Silbur, un suédois qui est par hasard allé mourir chez lui.

Amélie Nothomb et sa soeur Juliette     Amélie et sa soeur Juliette en 2009

Ce besoin, la nostalgie qu'elle ressent pour le Japon vont déboucher sur son retour dans ce pays, aller-simple, avait-elle décidé. En janvier 1989, elle part pour Tokyo, pleine d'espoirs, mais est-elle vraiment "chez elle" ? Bons débuts : elle va vivre pendant deux ans une belle histoire d'amour avec un jeune et riche tokyoïte Rinri, idylle romantique culminant dans un rituel incontournable pour un vrai japonais : l'ascension du mont Fuji. [8]  

Mais la confrontation avec la dure réalité de la vie professionnelle au Japon, qu'elle a narrée avec une verve corrosive qui a heurté beaucoup de japonais, dans son roman "Stupeur et tremblement", cruelle expérience qu'elle vit d'abord comme un choc de culture, écornant les espoirs qu'elle avait mis dans ce retour tant attendu. Son amour et son paradis perdus, elle rentre en Belgique l'année suivante sans toutefois oublier ce pays qu'elle aime.

Octobre 2012. Amélie Nothomb est à Soma, près de Fukushima. Commentaire devant ces espaces de désolation, "cette terre apocalyptique" : « J’ai confiance. Tokyo a brûlé en 1923 et a été reconstruite plus belle. Il y a eu Kobé et puis Hiroshima, Nagasaki. Le Japon a l’habitude des destructions et s’est toujours rebâti. Je suis pareille. La nuit, mon ennemi intérieur a tout démoli et le matin, je dois tout reconstruire[9]
Amélie Nothomb près de Fukushima en 2012

Notes et références
[1] Elle est la fille du Baron Patrick Nothomb, Ambassadeur de Sa Majesté le Roi des Belges, né à Schaerbeek le 24 mai 1936, et de son épouse, née Danièle Scheyven, à Uccle, le 15 janvier 1938.
[2] Son roman "Métaphysique des tubes" repose sur une reconstitution de souvenirs des trois premières années de sa vie au Japon
[3] «J’avais 5 ans lorsque j’ai quitté le Japon. Les années qui ont suivi cet exil, j’ai souffert au-delà du dicible
[4] Dans son roman "Le sabotage amoureux", elle présente la Chine comme « le pays de la laideur » et le Japon comme « le pays de la beauté. » Ce roman inspirera un opéra au compositeur belge Daniel Schell

[5] Son état de santé se dégrade à ce point qu'à 15 ans elle pèse 32 kilos pour une taille de 1,70 mètre.
[6] «J’ai très vite su que mon univers ne serait pas stable, que je perdrais tout, tous les trois ans, que l’apocalypse serait un phénomène régulier. Ça a créé en moi une très grande angoisse, jamais résolue. Cela a développé un attachement au langage et, par conséquent, à la littérature. Le langage était ma seule conscience stable.» (Interview pendant son voyage au Japon en 2012)
[7]  Interview d'Amélie Notomb à BFM le 23/09/2012
[8] Elle a retracé l'épisode de son histoire d'amour avec Rinri dans son roman "Ni d'Eve ni d'Adam"
[9] Elle a offert les droits d'un texte aux victimes du tsunami intitulé Les Myrtilles.  

Voir aussi
* Ni d'Eve ni d'Adam, 2007       "Livroscope" d'Amétie Nothomb

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