Repères biographiques


John Irving naît en mars 1942 en Nouvelle Angleterre. Élevé par sa grand-mère jusqu’à l'âge de 7 ans. il n’a jamais connu son père biologique, passant le début de sa vie avec son père adoptif, enseignant en russe. Dyslexique, il fait des études médiocres, choisissant son université selon ses possibilités en lutte, sport qu'il adore.

 Il participe aussi aux ateliers de création littéraire et finira par avoir une bourse d’étude en 1963, passera une année à Vienne qui sera le théâtre de son premier roman « Liberté pour les ours » puis écrira en 1978 le livre qui le révélera au grand public « Le monde selon Garp ».

Son acharnement à analyser les phénomènes sociaux de son pays en a fait le représentant du "grand romancier américain", grand conteur d'histoires et "maître à penser". Ses romans-fleuves centrés sur l'histoire de l'Amérique depuis la seconde guerre mondiale,dessinent une oeuvre pleine de sujets récurrents : , l'absence du père et la mort d'êtres chers, la sexualité ou la condition de l'écrivain...

  John Irving à Amsterdam en 2006

Référence : John Irving, A moi seul bien des personnages, éditions Le Seuil, collection Cadre vert, 592 pages, avril 2013, isbn 9782021084399

Ce roman aborde le thème de l'identité sexuelle à travers une histoire d'amour tourmentée, avortée, parfois drôle aussi de Billy, un bisexuel qui parle de ses aventures tristes et drolatiques. Être Bisexuel n'était pas tous les jours une sinécure, c'est devenir a priori un "suspect sexuel", expression que l'auteur avait déjà employée dans "Le monde selon garp", plutôt le statut d'un homme à part, rejeté dans sa solitude, rongé par le désir d'être reconnu comme "quelqu'un de bien".

Billy est tour à tour subjugué par la sculpturale Miss Frost, la bibliothécaire de First Sister dans le Vermont, sa « carrure virile et ses petits seins bourgeonnants » par Kittredge, son camarade de classe à la plastique de lutteur, par Martha Hadley, une femme qui pourrait être sa mère, « cette grande jument sans poitrine et sans charme, affligée d'une longue bouche en tirelire. » 

John Irving and his wife, Janet, Dorset, Vermont, USA, 1994 dans Portraits par Mary Ellen Mark 
Avec sa femme Janet à Dorset dans le Vermont en 1994


Le roman s'ouvre sur le héros William, alias Bill, alias Billy, qui dit à qui veut l'entendre qu'il est devenu écrivain à l'âge de 15 ans après avoir lu Charles Dickens mais en vérité, c'est une certaine Miss Frost, "Mademoiselle Gel", qui a éveillé sa libido, « Cet éveil soudain de ma sexualité a également marqué la naissance tumultueuse de ma vocation littéraire. Nos désirs nous façonnent : il ne m'a pas fallu plus d'une minute de tension libidinale secrète pour désirer à la fois devenir écrivain et coucher avec Miss Frost – pas forcément dans cet ordre, d'ailleurs ».

Au temps de la guerre du Viet-Nam, des ravages du Sida qui gangrène comme la drogue la société américaine, des premières traces de la révolution sexuelle, cette société reste marquée d'un puritanisme de bon aloi et d'un conservatisme que l'auteur traite avec un humour ironique et mordante malgré la tristesse qui s'en dégage.

"A moi seul bien des personnages" est tiré d'un vers de Richard II : « Je joue donc à moi seul bien des personnages/ Dont nul n'est satisfait. » La troupe de théâtre amateur de First Sister décide de jouer La Tempête de ShakespeareBilly joue le rôle d'Ariel, personnage complexe que Billy incarne, selon la formule de John Irving, sur le mode de « la solitude de l'étranger sexuellement inadapté ». Les personnages du roman tiennent leur(s) rôle(s) sur une pièce de théâtre partie intégrante du roman où réalité et fiction se mélangent et dont l'identité dépend du tissu de leurs désirs. [1]



[1] « Nous sommes faits de l'étoffe des rêves, et notre petite vie est entourée de sommeil », dit Prospero à la fin de La Tempête.

Repères bibliographiques

Liberté pour les ours (1968), L’épopée du buveur d’eau (1972), Un mariage poids moyen (1974), Le monde selon Garp (1978), L’hôtel New Hampshire (1981), L’œuvre de Dieu, la part du Diable (1985), Une prière pour Owen (1989), Les Rêves des autres (1993), L’enfant de la balle (1994), La petite amie imaginaire (1996), Une veuve de papier (1998), La quatrième main (2001), Mon cinéma   (2003), Dernière nuit à Twisted River (2011), Avenue des mystères (2016). 


<<< Christian Broussas – John Irving - 12 mai 2013 << • © cjb © • >>>