L'écrivain et dramaturge René de Obaldia
A la question « Comment votre œuvre résiste-t-elle ? » il répond avec son ironie coutumière : « Très bien. Dans l'ensemble, les spectateurs rient au même moment. Mais il peut y avoir des surprises... Et de partir dans une anecdote où dans "Du vent dans les branches de sassafras", quand Michel Simon provoquait les rires avec sa réplique « Jamais je n'ai été jeune" », Gino Cervi s'était servi d'une musique dramatique provoquant l'effet inverse. Relativité de la mise en scène et de la didascalie.
Sur son succès, même posture de recul : il parle d'un théâtre "vertical", comme dans 'Du vent dans les branches de sassafras' mais finalement, chacun prend ce qui lui plaît. Il a eu cette chance bénie pour un auteur d'avoir les comédiens qu'il voulait, Michel Simon qu'il a remis en selle après huit ans d'absence sur scène, d'autres qu'il appréciait particulièrement comme Rosy Varte, Maria Pacôme et Micheline Presle, qui ont créé entre autres Le Défunt ou également Jean Rochefort dans Genousie... Curieux titre pour une pièce que ce Genousie, un peu comme pour Du vent dans les branches de sassafras, ce nom d'arbre qu'il découvre en lisant Fenimore Cooper et dont il aime le son, ces syllabes qui se détache si bien. Pour Genousie, ce mot provient d'un texte qu'avait aussi beaucoup intéressé Jean Cocteau, qui finissait par cette phrase : « Je baigne délicieusement dans le royaume de Genousie. »
Il se dit hanté depuis toujours par le mystère du mal, la cruauté des hommes que résume bien le dicton "Homo homini lupus"... (L'homme est un loup pour l'homme...). Dans Monsieur Klebs et Rozalie en 1975, Michel Bouquet en Monsieur Klebs rêve d'une nouvel homme, un "homme humain", dans le roman Tamerlan des cœurs en 1955, c'est le conquérant, le dictateur dont il montre la cruauté, un Tamerlan en séducteur tout en étant un homme très ordinaire jeté dans l'histoire extraordinaire de la Première guerre mondiale, symbole de cruauté suprême qui représente tourtes les époques, toutes les situations, d'où ce mélange de dates et d'époques dans son récit. Pour lui, « toutes les civilisations sont contemporaines. »
Présentation de la pièce et scène par la compagnie La Tripe du Bœuf
Interrogé sur sa réplique tirée de Du vent dans les branches de sassafras, « La vie ne m'intéresse pas outre mesure, » il la reprend à son compte, éprouvant depuis toujours ce que l'écrivain espagnol Miguel de Unamuno appelle "le sentiment tragique de la vie". À côté des beautés du monde, de l'amour... demeure le Mal, celui absolu d'Auschwitz, l'homme abandonné du divin et le recours à une totale liberté de l'homme en la matière et pour lui, le recours à une forme d'humour qu'il nomme "humour espagnol" et définit comme une "ironie métaphysique", la "superbe drôlerie" de Cerventes ou celle de Ramon Gomez de la Serna qu'il adore.[2]
Il est comme Miguel de Unamuno, ambivalent, auteur de L'Agonie du christianisme mais aussi du Traité de cocotologie, l'art de faire des cocottes en papier. Suprême exigence et tout aussi suprême dérision. Plutôt que du mouvement du théâtre de l'absurde dans la veine de Samuel Beckett, il se veut du "théâtre du mystère".
Il fait ensuite un incursion dans sa biographie, même si malgré ses traits essentiels qu'il dit relever de l'inné, son parcours avait eu quelque importance sur les thèmes qu'il aborde et les qualités de son écriture. Son père, consul du Panama à Hongkong, disparaît dans l'immensité chinoise avant sa naissance, sa mère rentre en France où elle le place en nourrice chez des ouvriers. Il rapporte cette anecdote, assez importante pour qu'il l'a conte encore à plus de 90 ans : « Un jour, j'ai été accusé d'avoir coupé les moustaches du chat. Or ce n'était pas moi. On m'a puni. J'étais prêt à mourir pour que l'on sache que ce n'était pas moi. Et j'ai mis le feu aux rideaux. »
Adolescent, il se voit, « inquiet et mystique, » l'état d'esprit de Lacordaire disant : « Mon âme est mystique, mon esprit est critique. » Il est élevé par une grand-mère très pieuse Honorine, plutôt rassuré alors car il sait que, quelles que soient les turpitudes de la vie, « le Christ est ressuscité » et l'espoir demeure. Certitudes d'adolescent que vont fondre quand, pendant la guerre, il "fera son devoir", sera fait fait prisonnier et découvrira à son retour les horreurs d'Auschwitz.
L'Académie française, ce n'était pas trop son truc au départ, il cite volontiers Flaubert écrivant « Être contre l'Académie. Se présenter, » puis finit par se laisser convaincre. Il ne regrette pas, dit y rencontrer des gens passionnants de tous horizons, d'une tolérance exquise. Dilemme : son prédécesseur Julien Green refusant tout hommage posthume, il se tortura longtemps et finit par demander conseil à un dénommé Jean-Baptiste Poquelin, qui doit avoir l'expérience de ces situations depuis le temps.
À la question « Pourquoi écrit-il ? », comme demandaient les surréalistes, il répond malicieusement que c'est « pour faire des rencontres. » Et aussi pour tous ceux qui lui écrivent leur bonheur de recevoir ses œuvres, qui le remercient et écrivent qu'ils « se sont sentis allégés » en le lisant ou en allant voir ses pièces.
Notes et références
René de Obaldia au théâtre de l'Oise en 1988Dans une récente interview, René de Obaldia confiait à la journaliste qui l'interrogeait : « Je suis hanté par le mystère du mal. » [1] On l'appelle « l'académicien le plus drôle du Quai Conti » depuis qu'il a rejoint l'Académie française et qui pourrait dans la vénérable institution, lui contester ce titre ? Et il est vrai qu'il a toujours été un homme plein de fantaisie, d'extravagance même, soucieux de sa liberté en tout et d'abord dans sa verve et son franc-parler.
Quelques repères |
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• 22 octobre 1918 Naissance à Hongkong • Mai 1940-45 stalag Sagan, Silésie • 1955 Tamerlan des coeurs (roman) • 1960 Genousie (théâtre) • 1969 Les Innocentines (poésie) • 1993 Exobiographie (Mémoires) • 1999 Election à l'Académie française |
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Sur son succès, même posture de recul : il parle d'un théâtre "vertical", comme dans 'Du vent dans les branches de sassafras' mais finalement, chacun prend ce qui lui plaît. Il a eu cette chance bénie pour un auteur d'avoir les comédiens qu'il voulait, Michel Simon qu'il a remis en selle après huit ans d'absence sur scène, d'autres qu'il appréciait particulièrement comme Rosy Varte, Maria Pacôme et Micheline Presle, qui ont créé entre autres Le Défunt ou également Jean Rochefort dans Genousie... Curieux titre pour une pièce que ce Genousie, un peu comme pour Du vent dans les branches de sassafras, ce nom d'arbre qu'il découvre en lisant Fenimore Cooper et dont il aime le son, ces syllabes qui se détache si bien. Pour Genousie, ce mot provient d'un texte qu'avait aussi beaucoup intéressé Jean Cocteau, qui finissait par cette phrase : « Je baigne délicieusement dans le royaume de Genousie. »
Il se dit hanté depuis toujours par le mystère du mal, la cruauté des hommes que résume bien le dicton "Homo homini lupus"... (L'homme est un loup pour l'homme...). Dans Monsieur Klebs et Rozalie en 1975, Michel Bouquet en Monsieur Klebs rêve d'une nouvel homme, un "homme humain", dans le roman Tamerlan des cœurs en 1955, c'est le conquérant, le dictateur dont il montre la cruauté, un Tamerlan en séducteur tout en étant un homme très ordinaire jeté dans l'histoire extraordinaire de la Première guerre mondiale, symbole de cruauté suprême qui représente tourtes les époques, toutes les situations, d'où ce mélange de dates et d'époques dans son récit. Pour lui, « toutes les civilisations sont contemporaines. »
Présentation de la pièce et scène par la compagnie La Tripe du Bœuf
Interrogé sur sa réplique tirée de Du vent dans les branches de sassafras, « La vie ne m'intéresse pas outre mesure, » il la reprend à son compte, éprouvant depuis toujours ce que l'écrivain espagnol Miguel de Unamuno appelle "le sentiment tragique de la vie". À côté des beautés du monde, de l'amour... demeure le Mal, celui absolu d'Auschwitz, l'homme abandonné du divin et le recours à une totale liberté de l'homme en la matière et pour lui, le recours à une forme d'humour qu'il nomme "humour espagnol" et définit comme une "ironie métaphysique", la "superbe drôlerie" de Cerventes ou celle de Ramon Gomez de la Serna qu'il adore.[2]
Il est comme Miguel de Unamuno, ambivalent, auteur de L'Agonie du christianisme mais aussi du Traité de cocotologie, l'art de faire des cocottes en papier. Suprême exigence et tout aussi suprême dérision. Plutôt que du mouvement du théâtre de l'absurde dans la veine de Samuel Beckett, il se veut du "théâtre du mystère".
Il fait ensuite un incursion dans sa biographie, même si malgré ses traits essentiels qu'il dit relever de l'inné, son parcours avait eu quelque importance sur les thèmes qu'il aborde et les qualités de son écriture. Son père, consul du Panama à Hongkong, disparaît dans l'immensité chinoise avant sa naissance, sa mère rentre en France où elle le place en nourrice chez des ouvriers. Il rapporte cette anecdote, assez importante pour qu'il l'a conte encore à plus de 90 ans : « Un jour, j'ai été accusé d'avoir coupé les moustaches du chat. Or ce n'était pas moi. On m'a puni. J'étais prêt à mourir pour que l'on sache que ce n'était pas moi. Et j'ai mis le feu aux rideaux. »
Adolescent, il se voit, « inquiet et mystique, » l'état d'esprit de Lacordaire disant : « Mon âme est mystique, mon esprit est critique. » Il est élevé par une grand-mère très pieuse Honorine, plutôt rassuré alors car il sait que, quelles que soient les turpitudes de la vie, « le Christ est ressuscité » et l'espoir demeure. Certitudes d'adolescent que vont fondre quand, pendant la guerre, il "fera son devoir", sera fait fait prisonnier et découvrira à son retour les horreurs d'Auschwitz.
L'Académie française, ce n'était pas trop son truc au départ, il cite volontiers Flaubert écrivant « Être contre l'Académie. Se présenter, » puis finit par se laisser convaincre. Il ne regrette pas, dit y rencontrer des gens passionnants de tous horizons, d'une tolérance exquise. Dilemme : son prédécesseur Julien Green refusant tout hommage posthume, il se tortura longtemps et finit par demander conseil à un dénommé Jean-Baptiste Poquelin, qui doit avoir l'expérience de ces situations depuis le temps.
À la question « Pourquoi écrit-il ? », comme demandaient les surréalistes, il répond malicieusement que c'est « pour faire des rencontres. » Et aussi pour tous ceux qui lui écrivent leur bonheur de recevoir ses œuvres, qui le remercient et écrivent qu'ils « se sont sentis allégés » en le lisant ou en allant voir ses pièces.
Notes et références
- ↑ Interview de Laurence Liban pour L'Express, publiée le 22/09/2011
- ↑ Ramón Gómez de la Serna (1888-1963), est un écrivain espagnol "d'avant-garde", qu'on rattache souvent à la "Generación" de 1914 ou au Novecentismo, à l'origine d'un genre poétique, "la greguería".
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