« Le sceptique est un homme qui ne se doute de rien. » (Paul Claudel)

Après son mariage avec la fille de l'architecte de la Basilique de Fourvière à Lyon, Paul Claudel passe ses étés dans la propriété de son beau-père à L'Hostel sur la commune de Belmont. [1] Lui, le promeneur impénitent, aime se balader dans les environs, contempler "le Colombier et la Montagne-de -Colère... bœufs accouplés qui se lèchent l'un à l'autre l'encolure". Il sillonne le Valromey, [2] à Vieu par exemple où la fontaine de l'Adouc lui inspirera le décor d'une scène de "L'annonce faite à Marie".

La poésie sourd naturellement de sa plume, qu'il chante les fleurs quand "La fleur est courte, mais la joie qu'elle a donnée une minute n'est pas de ces choses qui ont commencement ou fin" ou qu'il évoque ses chats :

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Accroupi près du bocal / Monsieur Chat / les yeux à demi fermés, dit : « Je n’aime pas le poisson. »

Paul Claudel, alors qu'il vient d'être nommé ambassadeur à Washington, acquière en mai 1927 le château de Brangues près de Morestel dans le Nord-Isère, la château ainsi que son parc de dix-huit hectares. Il y sera inhumé sous un peuplier planté par son ami Jean-Louis Barrault et sur sa tombe, on peut lire cette curieuse épigraphe : "Ici repose les restes et la semence de Paul Claudel."

"Le Dauphiné n'est pas ma terre natale mais ma terre d'élection " a-t-il écrit. Il s'y installe dès le mois de juillet avec sa femme et ses cinq enfants et y passera au moins six mois chaque année avant de s'y installer définitivement. C'était un homme fort bien organisé : messe matinale à l'église de Brangues à la façade qui "respire la majesté du Concordat" puis commence son travail d'écrivain. L'après-midi était consacrée à sa correspondance puis à une nouvelle visite à l'église "en suivant la longue allée de tilleuls vénérables" où il aimait tant prier la "vierge qui écoute". Il reçoit bien sûr ses amis, en particulier Darius Milhaud et Jean-Louis Barrault qui vint parfois y travailler pour ses mises en scène, par exemple pour celle du Soulier de satin.

   
Paul Claudel devant sa propriété de Brangues

Il chante le Rhône qui coule tout près de son domaine et sur les rives duquel il va se promener , "ce fleuve... j'ai maintenant position sur sa berge, et si je suis trop loin pour qu'il m'entraîne de ce courant plein de tourbillons, du moins on m'a donné un autre Rhône dans le ciel pour que j'en accompagne depuis l'entrée jusqu'à la sortie la mélodie intarissable." Quelques enjambées lui suffisaient pour "aller vérifier de temps en temps le fleuve dont la présence invisible et la mélopée diffuse, emplit l'heure diaprée du matin et solennelle de l'après-midi."

Il chante aussi son environnement boisé et vallonné, "cette puissante ondulation de collines prosodiques, se relevant et s'abaissant comme une phrase... que ponctuent ça et là la tache blanche d'un mur de ferme, l'humble feu maintenu à travers bien des siècles d'un groupe de foyers."

Ce fervent chrétien pense souvent à la mort et à son repos éternel dans ce lieu où il s'est très vite attaché : "Brangues, c'est sans doute cette syllabe de bronze monnayée trois fois le jour par l'angélus à laquelle mon oreille, à travers ce présent qui est déjà l'avenir, était préparée pour que... j'y associe le repos de mes dernières années."

 
      Brangues : la bibliothèque               Claudel priant à l'église de Brangues

 

Bibliographie sélective

  • "Brangues en Dauphiné avec Paul Claudel", Marie-Victoire Nantet, Éditions Bleulefit, 2010
  • "Œuvres en Prose", éditions Gallimard, collection Pléiade, 3 février 1940
  • "Journal, tome I" : 1904-1932, 1968; "Journal, tome II" : 1933-1955, 1969
  • "Mémoires improvisés", entretiens avec Jean Amrouche

Liens externes

Notes et références
  1. Actuellement, Belmont-Luthézieu dans l'Ain, près de Belley
  2. Petit pays de l'Ain enclavé dans le Bugey
<<< Christian Broussas - Feyzin - 19 novembre 2011 - << © • cjb • © >>>