lundi 3 février 2014

Philippe Sollers et son œuvre

Cet article présente "Philippe Sollers à Bordeaux" et donne aussi un aperçu de son œuvre à travers "Casanova l'admirable" et "Portrait du Joueur"

                                  

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Philippe Sollers à l'île  de Ré                               
 
Quel est donc ce Philippe Joyaux qui évoque son enfance dans son autobiographie Un vrai roman, Mémoires ? Quelqu'un qui dira 'je' plus tard est entré dans le monde humain le samedi 28 novembre 1936 à midi dans les faubourgs immédiats de Bordeaux, sur la route d'Espagne... L'état civil est formel puisque j'y suis déclaré sous le nom de Philippe Pierre Gérard Joyaux, fils d'Octave Joyaux et de Marcelle Joyaux née Molinié...
 
Une famille assez étrange a priori : les deux frères ont épousé les deux sœurs et habitent des maisons jumelles, quasi semblables... Avec son parrain Pierre Joyaux, ils ont les mêmes initiales. De plus, 'Joyaux' est un nom facile à calembours et les élèves n'y manquent pas, ni les professeurs qui n'hésitent pas à recourir aux réparties douteuses du genre ce Joyaux n'est pas une perle. Problème d'identité donc pour cet écrivain précoce qui publie très tôt un premier roman puis un second "Une curieuse solitude", roman quelque peu scandaleux selon la famille qui préférerait un pseudonyme. Ce sera donc Philippe Sollers, du nom qu'il avait retenu, adolescent, sur le modèle du Monsieur Teste de Paul Valéry, nom latin de l'Odyssée d'Homère.

Ambiance familiale austère entretenue par les deux frères, des hommes sombres, ces patrons mutiques. Dans l'usine qui fabrique des ustensiles ménagers, on entend de loin les presses, les fraiseuses, l'embauche et la débauche des ouvriers et des ouvrières, la répétition d'usure plombée du travail. Un père héros de la première guerre mondiale qui refusera toute décoration et restera profondément anarchiste. L'usine devient pour le jeune Sollers un repoussoir avec ses terribles accidents du travail, une grande fabrique à douleurs... monde souterrain des forges, du métal, du bruit, qui transperce et transforme'. Vivre là et de ça, comme eux ? Impossible. Ce monde issu des forges de Vulcain, provoque son effroi
 
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Sollers avec Julia Kristeva à l'île de Ré en 2010                Sollers enfant à Bordeaux
 
Mais, malgré l'usine du 121 cours Gambetta à Talence, Bordeaux lui offre les matinées classiques au Grand Théâtre ou la petite librairie du centre-ville où il tire, tout jeune encore, L'expérience intérieure" de Georges Bataille puis de Nietzsche, Proust ou Mauriac. Aujourd'hui, un demi siècle plus tard, quand il est à Bordeaux il se rend à la librairie de son ami Denis Mollat et fait un bon repas chez Ramet, arrosé de Haut-Brion et d'un château d'Yquem

Son amour de Bordeaux, Philippe Sollers le trouve en littérature chez Holderlin qui fut épaté par la beauté des lieux ou chez Stendhal qui écrit en 1828 dans "Mémoires d'un touriste" : " Bordeaux est sans contredit la plus belle ville de France. " Pour lui, le Bordelais sera toujours un frondeur. Dans"Portrait d'un joueur", il note : " J'arrête la voiture sur les hauteurs de l'autre côté du fleuve; je descends, je regarde la ville allongée... Silence... Garonne miroitante blanche... Air d'ailleurs. "
 
Cette ville, il l'a connaît si bien avec sa cathédrale Saint-André, le Grand Théâtre, le cours de l'intendance, la Garonne bien sûr. Du Grand Hôtel, la vue donne droit sur le théâtre et il écrit dans "Théorie des exceptions : " C'est le printemps. Le ciel est vif, bleu, découpé... Devant moi, donc, la façade des douze colonnes corinthiennes avec, bien plantées sur la balustrade, tout en haut, les neuf Muses alignées. " Où qu'il soit, Bordeaux est toujours en lui, " je suis né là, juste avant la guerre, tout près des vignes du château Haut-Brion. Je me souviens de mon enfance à Bordeaux comme de la formation lente, inexplicable, constante d'un silence de fond. Je retrouve ce silence particulier quand je veux, où je veux." Son 'double' dans "Portrait du joueur[1] aura ces mots : " Je sens les vignes tout autour, à cent mètres, comme un océan sanguin. C'est la fin de l'après-midi, le moment où le raisin chauffe une dernière fois sous le soleil fluide. J'ai donc fini par revenir ici. Après tout ce temps. Chez moi en somme. "

Casanova l'admirable
Casanova l'admirable : biographie de Casanova 'à la sauce Philippe Sollers', publiée en 1998 aux éditions Plon, réédition Folio-Gallimard.
 
« A quoi bon des libertins en temps de détresse, se demande Philippe Sollers, ils sont comme les poètes disparus, dont on ne sait pas s’il en reste un seul portant le feu dionysiaque dans la nuit sacrée. Mais soyons sérieux : la question est désormais résolument clandestine, ou rien. On peut à la rigueur, pour avoir la paix, laisser croire qu’on est paillard, obsédé, pervers : telle est la demande sociale. Fermons plutôt les volets et les portes, revenons à l’art de la composition. » En exergue, n'a-t-il pas placé cette citation de Casanova lui-même : « Rien ne pourra faire que je ne me sois amusé. » 
Comme tous les personnages mythiques, Casanova, le vrai, l'homme du XVIIIe siècle, est très peu connu, seulement par quelques traits qui ont traversé les générations, comme « l'homme collectionneur de femmes » ou du fait de sa rocambolesque évasion de la prison des Plombs dans sa ville natale de Venise.
 
Si Casanova est bien né à Venise, il est mort loin d'elle, à 73 ans, à Dux (aujourd'hui Duchkov), en Bohême (Tchéquie). Ce que l'on appelle ses « Mémoires » s'intitule en fait Histoire de ma vie ; elles ont été écrites en français, pays où il a longtemps résidé. Son œuvre, largement censurée, n'a été éditée dans sa totalité, sans coupures ou réécriture, qu'en 1993 chez Robert Laffont.

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Portrait du joueur
Portrait du Joueur, roman de Philippe Sollers paru chez Gallimard en 1984, 343 pages, ISN 9782070377862
 
Récit surprenant récusant les liens chronologiques, largement autobiographique écrit dans un style sec et nerveux.
Nous sommes à Bordeaux, ville qu'il connaît comme sa poche, avec un écrivain amateur de femmes qui ressemble étrangement à l'auteur. Sollers dépeint différentes scènes qui n'ont pas forcément de liens évidents, une femme mystérieuse qui occupe les pensées de l'auteur, le milieu littéraire alterne avec des scènes érotiques osées avec une jeune femme de vingt-huit ans, Sophie, médecin à Genève, et l'on se retrouve finalement à Venise, ville adoptive de Sollers où il réside fréquemment.
C'est d'abord le roman de la mémoire : il retrouve sa ville natale transformée, maisons et jardins détruits et remplacés par un supermarché. Heureusement, il lui reste ses souvenirs avec les vignes et la lumineuse douceur de vivre du bordelais. Les mentalités aussi ont changé, surtout depuis mai 68 et sa révolution culturelle, la confrontation avec Joan, une jeune journaliste de vingt-deux ans.

Voir aussi mes autres fiches sur Sollers :
* Philippe Sollers et son oeuvre, inclus Portrait d'un joueur et Casanova
Philippe Sollers A propos de Machiavel
*  Philippe Sollers L'éclaircie
Philippe Sollers Portraits de femmes
*  Philippe Sollers L'évangile selon Nietzsche

Philippe Sollers, Médium,

Bibliographie
  • Philippe Sollers, "Théorie des exceptions", éditions Gallimard, 1985, La guerre du goût, 1994
  • Philippe Sollers, "Portrait d'un joueur", éditions Gallimard, 1984
Références
  1. Double qui s'appelle Philippe Diamand alors que le vrai nom de Sollers est Philippe Joyaux
          <<<<< Christian Broussas Sollers - Feyzin - 27/12/2012 - << © • cjb • © >>>>

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