Finis les articles de circonstance comme celui sur le préfet Chiappe qui déplut si fort à André Breton, finis désormais « phrère François » du Grand Jeu, les pseudos d’un double jeu, d'une double face, Etienne Merpin ou Georges Omer, il est désormais Roger Vailland bientôt auréolé d’un prix Interallié décerné en 1945 pour son premier véritable roman Drôle de jeu. [2] Un roman plus sur Roger Vailland que sur la Résistance, ses héros comme deux facettes de lui-même, moitié libertin tel ce Lamballe-Marat [3] auquel il réglera son compte dans "la suite" Bon pied bon œil [4], moitié communiste tel ce Rodrigue au nom si lumineux, un pur prêt à avaler bien des couleuvres aurait dit son ami Claude Roy qu’il rencontre justement à cette époque. Finie aussi l'amour-passion dévorant avec Andrée Blavette dite Boule, sa première femme à laquelle il réglera également son compte dans son deuxième roman Les mauvais coups.
En vue du pont de Remagen [5], un officier américain contemplant le pont bombardé, dit par bravade : « Alors, on y
va ? » Roger Vailland, plus cornélien que jamais, le « regard froid » [6] de l’homme d’acier, traversa le pont un
stick à la main, ralentissant soigneusement ses pas sous les bombardements. [7] Une façon aussi de marquer auprès des américains « sa
singularité d’être Français ». [8]
Il retrouvait à Paris ses amis, Jacques-Francis Rolland [9] et
Claude Roy
qui dit de Vailland qu’il avait de belles mains, expliquant doctement à
ses copains la stratégie des opérations comme son modèle,
le général d’artillerie Laclos, « l’aristocrate passé aux Jacobins,
avec le
goût de la mathématique, sa culture, son brillant et la séduction
des belles manières de la cour, légèrement soufrés de libertinage
désinvolte. » [10]
Vailland et le roman
Notes et références
[1] Voir ses livres témoignage La dernière bataille de l'armée De Lattre, Paris Ed. du Chêne, 1945 et La bataille
d'Alsace, Paris Jacques Haumont, 1945
[2] D’après Vailland lui-même, Drôle de jeu n’est pas un livre sur la Résistance, ni l’histoire d’un réseau [3] de résistants qui
témoignent de leur action, ni une vision personnelle de la France occupée. (voir l’avertissement qui ouvre le roman)
[3] Personnage double, issu d’un libertin débauché Louis Alexandre Stanislas de Bourbon, prince de
Lamballe (1747-1768) et de Jean-Paul Marat le révolutionnaire
dont il écrivit aussi un essai inachevé "Marat-Marat", paru aux
éditions Le Temps des Cerises en 1995
[4] Bon pied, bon œil : «mes adieux à la culture bourgeoise, » écrit Roger Vailland dans ses
Écrits intimes le 24 mars 1950. Et il ajoute : « Ma
position relativement en marge pendant ce deuxième 'entre-deux-guerres'
(...) n'est plus tenable
aujourd'hui. Dans les circonstances actuelles, il n'est plus
possible pour moi comme pour toi d'écrire autrement que dans une
perspective communiste. » (Lettre à son ami Pierre
Courtade)
[5] Le pont de Remagen en Allemagne, fut le dernier pont intact qui
enjambait le Rhin durant la phase finale de la Seconde guerre mondiale, conquis par les Alliés le 7 mars 1945.
[6] C'est en exergue de son essai « Esquisse pour un portrait du vrai libertin » que Vailland place cette citation de Sade :
"Il posa sur moi le regard froid du vrai libertin," qui sert de titre à son recueil paru en
1963 et qui sera aussi reprise dans la monumentale biographie que Yves Courrière lui a consacré
[7] Voir "Nous", Claude Roy, tome II de son autobiographie, pages 75-76
[8] Voir ma présentation de son essai intitulé Quelques réflexions sur la singularité d'être français,
[9] Voir son livre-témoignage intitulé Un dimanche inoubliable près des casernes
paru chez Grasset en 1984
[10] Voir "Nous", Claude Roy, tome II de son autobiographie, page 120
Voir aussi mes fiches de lecture sur ses œuvres :
- Drôle de jeu, Le Regard froid...
<<< Christian Broussas - Feyzin, 9 mars 2013 - << © • cjb • © >>>
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