Auguste Comte (1798-1857) restera toujours un saint-Simonien, même si, un temps secrétaire de Saint-Simon,  les deux hommes se brouillèrent  pour des raisons personnelles sans rapport avec leurs idées.

En bon saint-simonien, il pense que le rôle de la science est essentiel et l’élément fondamental de la réforme sociale. Elle s’adressera même à ceux qui ne comprennent pas forcément les données scientifiques, déployant un impact assez important pour proposer un nouvel ordre social. En visionnaire parfois utopique, il prévoit la paix et l’harmonie pour le siècle suivant.

Il montre très tôt des dons intellectuels remarquables et rejoint à 16 ans l’Ecole Polytechnique, enseignant ensuite les mathématiques, ce qui le conduira à proposer une classification des sciences allant de l’abstrait au concret, [1] tout en se consacrant à développer sa pensée « positiviste ». Mais il sera rapidement victime de problèmes psychologiques qui l’éloigneront de l’enseignement puis plus tard de la plupart de ses amis. Pour lui, seule compte l’expérience des sens, ce qu’il appelle la « chose en soi » ne peut faire l’objet de connaissance et préfère rechercher des « lois » plutôt que des causes qui s’enchaînent les unes aux autres.

       
L'immeuble rue monsieur le prince                Plaque commémorative

Son appartement parisien au deuxième étage du 10 rue Monsieur le prince dans le 6ème arrondissement, c’est son antre où il vécut de 1841 jusqu’à sa mort, d’autant plus qu’il y recevait sa belle égérie Clotilde de Vaux. Il est devenu un appartement-musée depuis sa restauration. On y trouve des affaires personnelles et, dans des vitrines, des lettres manuscrites.

Dans le salon, est suspendu un portrait de Clotilde du peintre Etex, au-dessus de son fauteuil en bois d’acajou avec une étoffe de soie rouge qui rappelle les visites de Clotilde. Le bureau en bois recouvert de basane rappelle les ouvrages qu’il y conçut, en particulier son « Système de politique positive ».

               
Sa statue à La Sorbonne               Son buste à la Chapelle de l'humanité


La Révolution qui balaie le régime de Louis-Philippe en 1848 a largement stimulé sa réflexion politique. La Révolution a, pour la société française, servi de levier pour passer du système théologique de l'ancien régime à un état métaphysique basé sur la philosophie des Lumières. L’enjeu de la sociologie, dont Auguste Comte jette les bases et crée le nom, est d’atteindre un nouvel équilibre, de nature scientifique ou "positif", à partir d'une connaissance qui donne la possibilité d'influer sur les mécanismes qui régissent la société.

Pour prolonger sa pensée dans l’action politique et sociale, il crée l’Association libre pour l’instruction positive du peuple qui doit selon son vœu couvrir toute l’Europe, qui deviendra en 1848 la Société positiviste, portant la bonne parole dans les classes populaires. A la même époque, il fonde aussi la religion de l’humanité. La science se doit de remplacer les croyances et la religion, de satisfaire leurs aspirations spirituelles en élevant l’humanité au rang d’un Dieu en osmose avec le monde naturel, avec les hommes dignes, qui ont bien œuvré pour cette humanité qui les honore comme tels à titre posthume. Ce qui lui permet de prédire la paix et l’harmonie pour bientôt. Positivisme basé sur la foi aussi bien en la science qu’en l’homme.


Paris 36 rue Bonaparte où il vécut de 1818 à 1824

Ses relations avec les femmes sont très particulières. D’abord sa mère qu’il aime et admire, seule figure révérée dans un entourage assez terme, y compris son père avec qui il n’avait guère d’atomes crochus. Avec les « femmes de sa vie », la vie ne lui sourit pas davantage, la première Caroline Massin fut une prostituée qui le trompa plusieurs fois avant qu’il ne se résolve à la quitter, la seconde Clotilde de Vaux, beaucoup plus jeune que lui, phtisique et d’une autre classe sociale lui imposa un amour platonique qui ne l’empêcha pas d’en être fortement épris et de la porter au pinacle. Il portera les femmes dans son panthéon personnel, Clotilde de Vaux en « déesse mère », sa propre mère Rosalie Boyer ainsi que sa servante Sophie Bliaux, qu’il finit par adopter, les deux autres anges gardiens du positivisme.

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Son appartement-musée rue monsieur le prince : son bureau

Ses déboires personnels ne l’empêchent nullement de poursuivre son « Cours de philosophie positive », même s’in connaît une grave dépression qui se termina par une tentative de suicide. Après plusieurs essais, [2] il écrira les quatre tomes de son célèbre « Cours de philosophie positive » entre 1844 et 1847.

Son système repose sur « la loi des trois états » [3] successifs et hiérarchiques : on passe des croyances a priori de la théologie qui a connu son apogée avec le monothéisme, à la métaphysique encore trop théorique à son goût [4] pour donner une vision de la réalité, et pour finir à l’état positif (ou état scientifique) qui se veut d’abord une approche rationnelle. Si l’on ne peut approcher le « pourquoi » de l’existence, on doit en revanche étudier les lois effectives de la nature, leurs imbrications, c’est-à-dire précise-t-il, « leurs relatons véritables de succession et de similitude ». [5]

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Son appartement-musée rue monsieur le prince : le salon

Notes  et références
[1] Il proposera la hiérarchie suivante : mathématiques, astronomie, physique, chimie, biologie et sociologie
[2]  En particulier, le « Traité élémentaire de géométrie analytique », son « Discours sur l’esprit positif », préambule au « Traité philosophique d’astronomie populaire » en 1843
[3] D’autres philosophes comme Brentano ou Gaston Bachelard reprendront à leur compte cette théorie en l’adaptant à leurs propres conceptions philosophiques
[4] En particulier, il récuse la notion de « Contrat social » chère à Jean-Jacques Rousseau
[5] Dans son « Discours sur l’esprit positif » en 1844, il écrit que « le véritable esprit positif consiste surtout à voir pour prévoir, à étudier ce qui est afin d'en conclure ce qui sera, d'après le dogme général de l'invariabilité des lois naturelles. »
Repères bibliographiques
* Bruno Karsenti, "Politique de l'esprit : Auguste Comte et la naissance de la science sociale", Hermann, 2006
* Angèle Kremer-Marietti, Le positivisme d'Auguste Comte, L'Harmattan, 2006
* Lucien Lévy-Bruhl, Correspondance de John Stuart Mill et d'Auguste Comte, L'Harmattan, 2007

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