Référence: Alain Badiou, "La république de Platon", éditions Fayard, collection Ouvertures, 600 pages, 2012
La République de Platon est un essai du philosophe Alain Badiou écrit en référence à la République de Platon et au modèle de Socrate. [1]
Originale
A 74 ans, Alain Badiou étonne toujours. Le vieux bretteur communiste persiste et signe, y compris dans ce livre reprenant "La République" de Platon, dialogue socratiques sur la justice et la politique, revu et corrigé par Badiou. [2]
Ouvrage iconoclaste d’un auteur qui sut rendre son aura à la politique et à l’espoir. Avec lui, la philosophie et en vacances, il donne à Platon un frère adolescent et contestataire, règle au passage quelques comptes et censure Platon à l’occasion. Badiou a bien sûr sa propre lecture de "La République", la démocratie n’est pas son fort et il goûte fort ce bateau livré à lui-même, où personne ne gouverne, s’identifiant sans doute à un Socrate qui aurait raison contre tous. [3]
Dans sa façon très personnelle d'aborder l'œuvre de Platon, il y a à la fois toute La République et aucune phrase de l’ouvrage de Platon qui soit restituée telle quelle : « Je m’acharne, je ne laisse rien passer, je veux que chaque phrase […] fasse sens pour moi. » Il s'en suit un paradoxe qui est que, par l'intermédiaire de Platon, la pensée de Badiou apparaît avec encore plus de force que dans ses autres ouvrages. «Souvent, précise-t-il, je m’éloigne d’un cran de plus de la lettre du texte original, mais je soutiens que cet éloignement relève d’une fidélité philosophique supérieure.»
De par sa méthode, il n'est pas un philologue tenu de restituer le texte et son enironnement d'origine, il prend des libertés selon l'état de sa réflexion,ne respecte pas l’ordre et la division en 10 chapitres de La République, introduit malicieusement un personnage féminin, Amantha, « sœur de Platon », n'hésite pas à jouer avec les références, [4] ou à survoler l'Histoire. [5]
On retrouve dans cette « adaptation philosophique » toutes les facettes de Badiou, lui qui est aussi romancier et dramaturge, [1] cette mise en srès contemporaine les questions essentielles de la philosophie, l’État et la société, la justice, l’éducation, l’art ou l'amour...
Présentation par l'auteur
« Cela a duré six ans.
Pourquoi ce travail presque maniaque à partir de Platon ?
C’est que c’est de lui que nous avons prioritairement besoin aujourd’hui : il a donné l’envoi à la conviction que nous gouverner dans le monde suppose qu’un accès à l’absolu nous soit ouvert.
Je me suis donc tourné vers La République, œuvre centrale du Maître consacrée au problème de la justice, pour en faire briller la puissance contemporaine. Je suis parti du texte grec sur lequel je travaillais déjà avec ardeur il y a cinquante-quatre ans. J’ai commencé par tenter de le comprendre, totalement, dans sa langue. Je me suis acharné, je n’ai rien laissé passer ; c’était un face-à-face entre le texte et moi. Ensuite, j’ai écrit ce que délivrait en moi de pensées et de phrases la compréhension acquise du morceau de texte grec dont j’estimais être venu à bout.
Peu à peu, des procédures plus générales sont apparues : complète liberté des références ; modernisation scientifique ; modernisation des images ; survol de l’Histoire ; tenue constante d’un vrai dialogue, fortement théâtralisé. Évidemment, ma propre pensée et plus généralement le contexte philosophique contemporain se sont infiltrés dans le traitement du texte de Platon, et sans doute d’autant plus quand je n’en étais pas conscient.
Le résultat, bien qu’il ne soit jamais un oubli du texte original, pas même de ses détails, n’est cependant presque jamais une “traduction” au sens usuel. Platon est omniprésent, sans que peut-être une seule de ses phrases
soit exactement restituée. J’espère être ainsi parvenu à combiner la proximité constante avec le texte original et un éloignement radical, mais auquel le texte, tel qu’il peut fonctionner aujourd’hui, confère généreusement sa légitimité.
C’est cela, après tout, l’éternité d’un texte. »
Commentaires et critiques
* "Alain Badiou a passé six ans à le traduire à sa façon, mélange d'érudition et d'anachronismes réjouissants" Eric Aeschimann, Le Nouvel Observateur
* Voir aussi
* Mon article intitulé Alain Badiou et Gilles Deleuze
* l'essai critique de Mehdi Belhaj Kacem intitulé Après Badiou, "Ni Badiou, ni maître", [ou le meurtre du père], Grasset, 2011,
* L'essai biographique de Badiou sur Gilles Deleuze : Deleuze, La clameur de l'Être
Notes et références
1. ↑ En 2013, le metteur en scène Grégoire Ingold a fait une adaptation de La République de Platon pour la scène, au théâtre Nanterre-Amandiers.
2. ↑ Voir le commentaire paru dans le journal "Le Monde" du 26 janvier 2012, intitulé : "La République de Platon", d'Alain Badiou : Platon, le remake"
3. ↑ Voir dans Le Point du 8 janvier 2012, l'article au titre ironique de Claude Askolovitch, "Quand Lénine dîne chez Socrate"
4. ↑ « Si une thèse est mieux soutenue par une citation de Freud que par une allusion à Hippocrate, on choisira Freud, qu’on supposera connu de Socrate » dit-il dans une interview
5. ↑ « Pourquoi en rester aux guerres, révolutions et tyrannies du monde grec, si sont encore plus convaincants la guerre de 14-18, la Commune de Paris ou Staline ?»
<<< Christian Broussas - Badiou 1, Feyzin, 30/12/2012 - maj 12/2014 © • cjb • © >>>
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