jeudi 22 janvier 2015

Philippe Besson James Dean Vivre vite

Référence de l'ouvrage : Philippe Besson, Vivre vite, éditions Julliard, 252 pages, janvier

Patrick-Besson.jpg
« Vivre vite, mourir jeune, faire un beau cadavre. » James Dean

Comment pour un écrivain aborder la vie d'un homme comme James Dean, comment traiter d'un mythe autrement que par une biographie convenue ou écrire une hagiographie par définition insipide ? Question en forme de rébus que peu d'écrivains parviennent à résoudre de de façon vraiment satisfaisante.
Philippe Besson a pris le parti d'utiliser le récit-choral qui permet de donner la parole à plusieurs personnages -réels ou fictifs- pour diversifier le sujet ou traiter la question sous forme de points de vue multiples.

                      Besson Dean.jpg

Philippe Besson a ainsi imaginé une trentaine de personnages inconnus ou célèbres proches de l'acteur de Fairmount à Hollywood c'est sa mère Mildred Dean par exemple ou Donald Turnupseed, l'étudiant impliqué dans l'accident qui lui coûta la vie. Style cursif, peu de détails, l'auteur ne s'épanche pas plus qu'il n'en faut. Chacun donne avec franchise, sans pathos ni tabou,  sa version du personnage privé que fut James Dean. Comme un puzzle qui, une fois terminé, révèle des faces cachées du personnage.

L'écriture est à l'avenant, mêlant les styles au gré des personnages, allant du paysan du Midwest au professeur de l'Actor Studio, de la starlette d'Hollywood au révérend de Fairmount, liant l'ensemble comme un chef d'orchestre.

        
Jimmy sur son poney                       Avec Elia Kazan, Marlon Brando et Julie Harris  

Comprendre l'homme caché derrière l'acteur, être ému par la détresse de sa mère qui se meure d'un cancer alors que Jimmy n'a que sept ans et restera à jamais marqué par cette disparition prématurée, par ce père qui 'refile' l'enfant à sa sœur, la bonne volonté, la tendresse de Marcus et d'Hortense, l'oncle et la tante de Fairmount, qui fera tout pour cet enfant. Au lycée, sa prof Élisa­beth McPher­son sera troublée par ce myope vif et doué, volontaire, qui plaît si naturellement aux filles sans en faire cas... et qui deviendra sa maîtresse.

A la fac, son professeur d'art dramatique lui trouve un air « d'oiseau tombé du nid, un accent impossible, des réminiscences du Midwest » et finalement conquis par le jeune homme. On y rencontre aussi d'autres stars d'Hollywood, celles qui l'ont connu à une époque où il ne l'était pas, comme Élizabeth Taylor, Marlon Brando ou Tennessee Williams  à qui il fait dire :  « Il ne possédait à peu près aucun des canons de l'époque. Il était mal fichu, un peu voûté. Ses cheveux, c'était n'importe quoi. Sauf qu'il dégageait une énergie que je qualifierais de sexuelle. »

Dean Taylor.jpg        
Avec Liz Taylor en 1955                                    Dans "La fureur de vivre" en 1955

On le retrouve sur sa première moto, pas chère mais qui fait beaucoup de bruit, Élia Kazan derrière lui pas vraiment rassuré, soufflant enfin après la balade  et confie : « Il aurait pu nous tuer et ça le faisait rire. [...] Je fermais les yeux en attendant la mort. » Jamais il n'aurait accepté ça de quiconque d'autre que ce jeune homme un peu fou, dont on disait qu'il brûlait la vie par les deux bouts.

James Dean apparaît comme un type d'une vivacité, d'une présence extraordinaire, tour à tour sceptique avec une petite moue charmante, alternant colère et gentillesse, décontraction et maladresses, l'air dégagé d'un petit sourire mêlé d'ironie ou le nez dans son verre de whisky. Tout devait aller très vite, aussi vite que les 160 kilomètres-heure fatidiques de sa Porsche Spyder 550. [1]
Ainsi naissent les mythes.

James Dean Voiture.JPG
Sa Porsche accidentée

On retrouve cette "fureur de vivre" qui hantait James Dean, cette fragilité qui par exemple, lui faisait dire « Regardez-moi bien. Qui sait si je serai encore là demain ? » [2] La face cachée de l'acteur, qui fascine Philippe Besson, c'est son rapport aux autres, ses fêlures intimes au-delà du mythe de "la belle gueule", au-delà aussi de la disparition prématurée de sa mère et le mystère de cette rage de vivre le présent qui cachait sans doute quelque part une peur de l'avenir. Sa décontraction était aussi un certain désintérêt vis-à-vis des autres, ce qui fait dire à l'auteur que « James Dean s’est donné à beau­coup de gens avec la volonté de n’ap­par­te­nir à personne. »

Revenons à cette mère si importante qui, dans son Indiana natal, l'élève selon ses principes, lui confectionne des marion­nettes de chif­fon, impro­vise des pièces de théâtre, l’initie à tout ce qui est artistique, lui insuffle ce goût de la liberté qui ne le quittera jamais. Image de la mère, conséquences d'avoir été abusé par un pasteur pendant son adoles­cence, [3] il aura toujours des relations ambivalentes avec l’ap­prenti comé­dien Bill Bast, son colo­ca­taire à Los Angeles puis avec le publi­ci­taire Rogers Brackett qui s’en­flamme et se lasse très vite de lui ou avec la danseuse et comé­dienne Dizzy Sheri­dan qui partage sa vie tout en étant sa confi­dente. Seule l'actrice Pier Angeli lui inspirera semble-t-il, une véritable mais brève histoire d'amour. [4]

Dominé par son hy­per­sen­si­bi­lité, « Jimmy ne rete­nait aucune émotion dans ses films, il avait un côté très fémi­nin, mais le fait d’avan­cer masqué dans la vie et sa courte exis­tence n’ont fait qu’ac­croître sa dimen­sion mysté­rieuse » conclut Philippe Besson.

9782915320930FS                   p3 
Avec Wiliam Bast                                Avec Pier Angeli                        

Notes et références
[1] Voir Michel Bulteau, James Dean : un beau cadavre, Éditions du Rocher, Monaco, 2005
[2] Voir l'ouvrage d'Yves Salgues, James Dean ou le mal de vivre, Éditions Pierre Horay, 1957, 1963.
[3] Confidence faite à Élisabeth Taylor sur le film Géant, que celle-ci reprend dans ses Mémoires.

[4] Voir le témoignage de William Bast dans l'article Ava, Gene, Audrey et Les Autres ainsi que son livre "Ma vie avec James Dean", éditions City, 377 Pages, 2006

     Avec Nathalie Wood

Bibliographie
* Philippe Besson, "Son frère", éditions Julliard, 162 pages, 2001, adapté au cinéma par Patrice Chéreau
* Philippe Besson, "L'arrière-saison", éditions Julliard, 198 pages, 2002 : Quand un écrivain réinvente l'histoire d'un tableau
* Philippe Besson, "Un instant d'abandon", éditions Julliard, 216 pages, 2005 : Retour douloureux sur le passé
* Philippe Besson, "Se résoudre aux adieux", éditions Julliard, 198 pages, 2007 : Roman épistolaire sur la séparation
* Philippe Besson, "Un homme accidentel", éditions Julliard, 198 pages, 2008 : Rencontre improbable entre un flic et une coqueluche d'Hollywood

<< Christian Broussas - PH. Besson - Feyzin, 20/01/2015 © • cjb • © >>

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire