Malgré le secret qui entoure les « nobélisables », c’est l’un des écrivains favoris qui a été couronné pour l’année 2015, [1] la journaliste et écrivaine biélorusse Svetlana Alexievitch, récompensée pour son « œuvre polyphonique, mémorial de la souffrance et du courage à notre époque », selon le style fleuri de l’académie suédoise.
« C’est un grand écrivain qui a trouvé de nouveaux chemins littéraires », commente ensuite Sara Danius. Écrivaine dont beaucoup d’œuvres sont interdites dans son propre pays qui lui reproche d’avoir donné une mauvaise image de « l’homo sovieticus » dont la mentalité perdure encore aujourd’hui.
Souvent interrogée sur Vladimir Poutine, elle l’a décrit comme un despote populiste, n'hésitant pas à endoctriner son peuple à grands coups de mensonges relayés par des médias à sa dévotion, ayant le projet de réunifier à terme les terres éclatées de l’ancien empire soviétique. A l’égard des dirigeants de son pays d’adoption (d’origine, elle est ukrainienne) elle est aussi sévère, n’hésitant pas à mettre en garde l’Europe contre un rapprochement avec Alexandre Loukachenko, le président du Bélarus (ancienne Biélorussie).
« Il est un homme soviétique et ne changera jamais », a-t-elle déclaré dans une interview, et le Bélarus reste ce qu’elle appelle « une dictature douce ».
Le plus souvent, elle a écrit son œuvre à partir de nombreux témoignages patiemment recueillis. Dans la liste des favoris depuis quelques années, Svetlana Alexievitch est l’auteure de livres poignants sur les maux de notre époque, que ce soit par exemple la catastrophe de Tchernobyl ou la guerre d’Afghanistan.
Parmi ses œuvres, les plus marquantes utilisent cette technique des interviews préalables. La guerre n'a pas un visage de femme (1985) retrace par des entretiens le récit de femmes soldats de l'Armée rouge pendant la Seconde guerre mondiale, Cercueils de zinc (1990), recueille des témoignages de soldats ruses ayant participé à la guerre soviéto-afghane, Ensorcelés par la mort, récits (1995), part de suicides de citoyens russes après la chute du communisme.
De même, Derniers témoins publié en 2005, rassemble des témoignages d’adultes qui étaient enfants pendant la Seconde Guerre mondiale et La Fin de l’homme rouge ou Le temps du désenchantement publié en 2013 et récompensé par plusieurs prix, se base sur de nombreux témoignages dans la Russie d’après 1989.
À travers son approche, elle précise qu’elle « regarde le monde avec les yeux d’une littéraire et non d’une historienne » car ajoute-t-elle, « Je vais vers l’homme pour rencontrer son mystère… d’âme à âme, parce que tout se passe là ».
Depuis quelques années, elle a regagné son pays, malgré la censure dont elle est l’objet, vivant à Minsk après avoir vécu longtemps à l’étranger, en France, en Italie et à Berlin.
La fin de l'homme rouge ou le temps du désenchantement : citations
« Nous avons connu les camps, nous avons couvert la terre de nos cadavres pendant la guerre, nous avons ramassé du combustible atomique à mains nues à Tchernobyl. Et maintenant nous nous retrouvons sur les décombres du socialisme. Comme après la guerre... »
« Il y a de nouveau des dizaines de milliers de gens qui descendent dans la rue. Qui se tiennent par la main. Ils ont des rubans blancs sur leurs vestes. Un symbole de renaissance. De lumière. Et je suis avec eux. »
« Moi, la seule chose dont je me lasse pas, c'est de regarder le blé
jaunir. J'ai eu tellement faim dans ma vie que ce que j'aime le plus,
c'est voir le blé mûrir, les épis qui se balancent. Ça me fait le même
effet qu'à vous de regarder un tableau dans un musée...même maintenant,
je raffole pas du pain blanc, ce qu'il y a de meilleur, c'est du pain
noir avec du sel, et du thé bien sucré. »
« A présent, le monde n'est plus divisé en ceux qui ont fait de la prison et ceux qui les y ont envoyés, ou en ceux qui ont lus Soljénitsyne et ceux qui ne l'ont pas lu, mais en ceux qui peuvent acheter, et ceux qui ne le peuvent pas. »
« A présent, le monde n'est plus divisé en ceux qui ont fait de la prison et ceux qui les y ont envoyés, ou en ceux qui ont lus Soljénitsyne et ceux qui ne l'ont pas lu, mais en ceux qui peuvent acheter, et ceux qui ne le peuvent pas. »
Notes et références
[1] Les autres principaux favoris furent pour cette année 2015 le japonais Haruki Murakami, l’américain Cormac McCarthy et le kényan Ngugi wa Thiong'o.
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