Référence : Virginie Despentes, "Vernon Subutex tome 2", éditions Grasset, 384 pages, juin 2015

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« Les caractères sont comme des pierres au bord de l'eau : il faut du temps pour que les éléments impriment la trace de leur passage. » (page 139)

Inadapté, désenchanté ce Vernon Subutex [1] dont Virginie Despentes  nous a dépeint le parcourt dans le premier volume de sa trilogie. Autant « dernier témoin d’un monde disparu » que « l’ultime visage de notre comédie inhumaine » écrit-elle.

On retrouve Vernon Subutex, ex disquaire chômeur et squatter, qui a atterrir aux Buttes-Chaumont où il a finalement trouvé une planque. Il s’est lié d’amitié avec d’autres SDF, Charles, bruyant et quelque peu loufoque, Laurent et Olga … Reste ces fameuses cassettes posthumes de son pote Alex Bleach, chanteur devenu célèbre, cassettes dont certains voudraient bien pouvoir s’emparer. Mais Vernon a confié les cassettes à Émilie, qui ont finalement été dérobées par un certain la Hyène et vont dévoiler les magouilles d'un producteur sans scrupules suscitant des réactions de vengeance.

  Vernon Subutex, 1      Vernon Subutex 2    Vernon Subutex, tome 2 par Despentes
   Vernon Subutex tome 1                Vernon Subutex tome 2


On suit ce deuxième volume à travers les amis de Vernon, dépeignant une société dure et amère, ambivalente aussi, pouvant s’avérer aussi bien violente que généreuse. Ce volet est plus politique que le précédent, dans la mesure où il apparaît moins centré sur le personnage de Vernon, moins sombre et critique, ponctué de portraits intéressants comme celle de l'ancienne star du porno.

Même si la volonté de venger le décès de Vodka Satana, qu'Alex Bleach considère comme un assassinat, est présente, c’est surtout l'agression de Xavier (voir le premier tome) qui aura des effets dramatiques et va structurer une aspiration collective scellée dans un vieux bistrot avec moult bouteilles de champagne. Bientôt viendra le temps de la vengeance, armant  des mains de jeunes femmes qui se prennent pour Lisbeth Salander.

Si dans le premier tome Vernon apparaissait comme un "laisser-pour-compte" du système économique des années 90, dans le deuxième tome [2], il se "socialise" dans l'espèce de communauté qui s'est développée à la va vite, petite favela de quartier , devenu la figure emblématique de la bande qui se rassemble chaque soir dans le parc des Buttes-Chaumont ou dans le bar Le Rosa bonheur.

Maintenant, c'est le groupe qui domine, fait de paumés qui se sentent comme Vernon sans projets et sans avenir, déconnectés de ce monde qui les a rejetés. Reste le vivre ensemble, la fête avec musiques et danses, dans un climat plus apaisé mais qui peut vite dégénéré. Des relents d'utopie post soixante-huitarde genre mouvement hippie.

Côté gamberge, c'est du Virginie Despentes, des réflexions à l'emporte-pièce sur les phénomènes de société, la politique et la montée des extrêmes, le couple et le mariage pour tous, la vie conjugale, le sexe et la maternité, le fric et l'exclusion, l'éducation, l'amitié... soutenu par un style coupé au couteau, souvent politiquement incorrect, tout à la fois grinçant, ironique et drôle.

Virginie inter 2

A propos de Vernon Subutex : interview dans Grazia,  juin 2015

À propos de Facebook
«
FacebookC’est une possibilité offerte désormais de remettre nos passés en commun. Ça, c’est le premier tome de Vernon, le deuxième c’est plus "WhatsApp", des communications de groupe en temps réel sur le mode "qu’est-ce qu’on fait/quand est-ce qu’on se voit ?" C’est formidable aussi ces dimensions nouvelles, contrairement à ce qu’on entend souvent, ça n’enlève rien à nos vies, ça ajoute. »


À propos de "vieillir", surtout dans des milieux comme le rock et le porno
« La culture de mes 20 ans ne prépare pas vraiment à la cinquantaine… Comment être un papy rocker, une mamie porn star ? On nage en plein jeunisme, mais on découvre que Keith Richards vieux, c’est intéressant, que Leonard Cohen ou Marianne Faithfull, ceux qui sont en vie, ne sont pas les pires. Cela dit ça reste une surprise pour nous tous, la cinquantaine. On a beau être prévenus, on est toujours convaincus qu’on va parvenir à s’en tirer autrement… »


À propos de ces deux univers du rock et du porno
« Sur le rock, ce qui m’intéresse, c’est comment il a été avalé. […] J’ai vécu quatre ou cinq ans dans la bulle du rock alternatif et elle a disparu d’un coup. Comment est-ce possible ? Qu’est-ce qui s’est passé ? Est-ce qu’on a trop bu ? Est-ce qu’on a été trop naïfs ? Ces questions valent bien au-delà du rock.

Pour le porno, c’est surtout son refus qui continue de me fasciner. C’est quoi, ce blocage à chaque fois qu’on voit un sexe en érection ? C’est quoi cette société dans laquelle on ne pourrait jamais filmer de porno et dans laquelle on n’en a jamais autant vu ? Le travail sur le sexe a pratiquement disparu du cinéma… Des auteurs comme Houellebecq ou moi avons d’une certaine façon nettoyé nos bouquins du sexe.
La censure a donc été efficace. A un moment où le sexe est surreprésenté dans le ghetto porno, on aurait pourtant bien besoin du propos de l’art. On a été trop dociles, nous les artistes, les écrivains. »

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« Je ne comprends jamais ce que les gens trouvent à mon écriture. Quand t’es chez toi, que t’écris Baise Moi, que t’es contente et que tu le fais lire à tes potes tout va bien. Mais quand ça devient un métier, ça met une pression. Je ne sais pas ce qui se passe entre le texte et les gens qui le lisent. Alors du coup, à chaque fois je continue en me disant "essaie quand même, ça va peut-être marcher" ». (Interview juillet 2015)

Notes et références 
[1] Dans son premier roman "Baise-moi", Virginie Despentes met en scène Nadine qui a pour meilleur ami Francis, un toxicomane qu'elle aide à se fournir en subutex.
[2] Que l'auteure présente ainsi : « La pelouse était son salon, Vernon y recevait avec l'affabilité de l'hôte disponible et touché de tant d'attentions. Sa vie était agréable : il y avait des petits gâteaux, du rosé, des gens aimables, toutes les filles aux petits soins pour lui, on écoutait de la bonne musique sur des enceintes en forme de tube à connexion bluetooth, il y avait les habitués et des qui passaient pour un jour. Une vie sociale à domicile, pas compliquée, et jamais aucun papier administratif pour lui pourrir sa matinée. »

Commentaires et critiques
* « Un art consommé de mêler des personnages, des voix, des intrigues avec un incontestable sens du changement de rythme. Ce n’est pas un roman, c’est un électrocardiogramme. » Etienne de Montety, Le Figaro Littéraire
* « Une formidable cartographie de la société française contemporaine. »
Nelly Kaprièlian, Les Inrocks
« Une comédie humaine d’aujourd’hui dont Balzac pourrait bien se délecter dans sa tombe. »
Pierre Vavasseur, Le Parisien
* « Nourri d'indignation et de mélancolie, le deuxième volet de la fresque sociale de la romancière captive par sa saisie aiguë de la réalité contemporain » Itélé
* « Despentes excelle dans l'art de photographier le monde contemporain. » Culture box


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« Les premières nuits sur la butte Bergeyre, Vernon a dormi sur le banc où il s'était écroulé en arrivant. Il avait plu sans arrêt pendant des jours. Personne ne l'avait dérangé. Hallucinant d'une fièvre brûlante, il avait fait là un voyage incroyable, déraisonnant avec ferveur. »

* Voir mon site "Portraits de femmes"
* Voir aussi mon fichier : Vernon Subutex tome 1 -- 
* Video Vernon Subutex --

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