Hélène grimaud 2009
« Je vis la musique à travers mon corps, comme une expérience de Visitation. »
« L’essentiel, pour moi, c’est la musique. C’est dans le rapport à la musique que je me sens le plus dans la vérité. »
Interviews à "Elle", 2007-2013

L’aventure a commencé à New York dans une ancienne halle industrielle devenue un lieu connu de l’art contemporain où Hélène Grimaud,  grande pianiste internationale, a enregistré Water, son dernier album, œuvre à la fois picturale faite de jeux d'eau et musicale. [1]


                
                                              Avec Renaud Capuçon à Auvers en 2001


Hélène Grimaud est sans doute plus connue du grand public pour le Centre de conservation des loups qu'elle a ouvert dans l'État de New York en 1999 que pour sa carrière de pianiste internationale. Elle n’a jamais caché non plus son goût pour la défense de l’environnement et ce dernier album sur le thème de l’eau n’y est sans doute pas étranger. Elle relie son choix aux musiciens qui l’ont le plus inspirée : « Avec ce projet d'installation artistique et l'album qui en a découlé, j'ai voulu explorer l'eau comme source de vie, mais aussi d'inspiration pour des compositeurs aussi différents que Franz Liszt, Maurice Ravel, Luciano Berio ou Toru Takemitsu », explique-t-elle dans une interview. [2]

« Si on ne prend pas soin de cette planète, de son environnement, il n'y a de toute façon pas d'espoir de survie. » Interview à "CultureBox", 2016

Cet album est conçu comme une évocation poétique de « l'eau à la fois permanente et toujours changeante » accompagnée par Des Jeux d'eau à la Villa d'Este de Liszt, Piano aquatique (Wasserklavier) de Berio, Almeria d'Albeniz, Jeux d'eau de Ravel,l'andante de Dans les brumes (In the Mists) de Janacek, Arbre de pluie (2e ébauche) de Takemitsu, terminant par la Cathédrale engloutie de Debussy, des œuvres choisies pour leur dimension abstraite et leur relation à l'élément liquide.

          Mais avant de se transformer en enregistrement, Water fut une recherche esthétique (toujours sur le thème de l’eau) réalisée dans la grande halle de l'Armory [3] totalement inondée avec une mise en lumières de l'artiste écossais Douglas Gordon, «une expérience immersive qui m'a profondément bouleversée et à laquelle je voulais donner une suite par le disque», confie Hélène Grimaud.

Pour établir les transitions musicales, elle s’est tournée vers un musicien dont elle admire le travail, le compositeur électro et multi-instrumentiste d'origine indienne Nitin Sawhney. « Je lui ai demandé de composer, avec son langage propre, des transitions musicales qui relieraient toutes les pièces classiques que j'avais enregistrées à l'Armory les unes aux autres, comme une rivière qui s'écoule», poursuit-t-elle.

Hélène Grimaud : son parcours
Hyper active Hélène Grimaud ? Sans doute, et avec d’autres qualificatifs lui sont souvent accolés comme précoce, douée mais aussi instable et ingérable. En ce sens, elle ressemble à son musicien favori Johannes Brahms (avec Robert Schumann) dont elle analyse les œuvres avec toute la fougue dont elle est capable et dont elle aime le caractère emporté et même torturé. Ce tempérament ne l’empêche pas de respecter la partition où elle insuffle toute sa vitalité.

Mais elle consacra aussi des albums à d'autres grands compositeurs qu'elle admire comme Chopin [4], J.S. Bach, Franz Liszt, Maurice Ravel, W.A. Mozart... ainsi que des compositeurs plus contemporains comme Serge Rachmaninov, Béla Bartók, Arvo Pärt ou John Corigliano. [5]

   
Concert, auditorium de Lyon, 2016                                            

Ses qualités de solistes furent vite reconnues mais elle s’en lassa aussi assez vite pour s’installer aux États-Unis, à Tallahassee en Floride. C’est là qu’elle renouera avec l'inspiration et fera une rencontre fondamentale avec Alawa, une louve apprivoisée. 
Elle va s’en occuper, s’intéresser à son comportement, puis fonder un centre pour les loups dans l'État de New York, une colline du Connecticut, y consacrant tout son temps libre.  

Concert, La roque d'Ahthéron, 2004

Cette relation la stabilise en quelque sorte, gommant le côté artificiel de sa vie d’artiste et elle pense que le contact avec les loups l'ont réconciliée avec le genre humain. « Si je ne projette aucune charge émotionnelle, autant rester chez moi » aime-t-elle affirmer. Dans ses concerts comme dans tout, elle se donne totalement, parlant même « d’une émotion mise à nue pouvant devenir intolérable. »
 
Elle reconnaît cependant avoir parfois « une vie de schizophrène. Par exemple, hier j’étais à Munich ; ce matin, j’ai une émission à la radio et ce soir à la télévision. Et demain, départ pour Tel-Aviv retrouver Zubin Mehta et l’orchestre philharmonique d’Israël. »

Hélène Grimaud et sa louve


Hélène Grimaud a retracé sa jeunesse et cette période sa vie dans son premier livre Variations sauvages paru en 2003 et son expérience où elle parle musique et liberté, et bien sûr de son expérience des loups et la sauvegarde de la nature. « Un petit traité d'insoumission à l'usage de tous les enfants terribles » ironise-t-elle.
Elle évoque ses difficultés, malgré sa beauté et ce talent qu’on lui reconnaît, cette espèce d’inadaptation au monde qui l’entoure, mal-être à l’école, plutôt introvertie et sauvage.
[Concert à Berlin, 11/2014, court extrait]

Elle avoue que « c'est la musique qui m'a sauvée. Je n'étais même pas douée. Mais j'avais pour la première fois une sensation de délivrance, d'évasion. Peu m'importait au fond qu'il s'agisse du piano. J'étais plutôt attirée par le violoncelle. Mais ma seule angoisse était que ce tourbillon nouveau s'arrête un jour. »

Elle s’explique dans son livre Leçons particulières où elle se demande comment concilier la musique, le monde sauvage et son amour de la vie. À travers son enthousiasme communicatif, son approche de la peinture, la musique, la littérature ou la mythologie, elle se livre à une méditation sur le sens à donner à ses actes, sur le contenu du bonheur, sur les « liens secrets existant entre les êtres et le monde. »*

Vient ensuite le temps des ruptures. Après les États-Unis et Berlin, elle s’installe
en Suisse, entre Zurich et Lucerne, dans une ferme avec une vue sublime sur le lac d'Aegeri, « il y a des vaches. Je me réveille de nouveau en pleine nature. » (Interview à Elle en 2007) Rupture avec un amour qui aura duré onze ans, rupture avec les concerts pour cause de maladie.

En 2013, elle renoue avec son "cher Brahms" en enregistrant ses deux premiers concertos pour piano, dont elle dit dans une interview en octobre 2013 «  il a transformé mon existence… Je découvrais une musique d’une telle qualité d’émotions ! Elle semblait porter en elle le regret du paradis perdu. » Toujours cette connivence avec le romantisme allemand.
[Brahms, Piano Concertos nos 1 et 2 », double album, Deutsche Grammophon, 2013]

                                                Photo de Mat Hennek                       Hélène grimaud et Mat Hennek               

Hélène Grimaud partage son temps entre la musique (concerts et enregistrements), sa famille avec son compagnon le photographe allemand Mat Hennek, dont elle a adopté les deux enfants et  le Wolf Conservation Center dédié à l'étude scientifique des loups et à leur sauvegarde, qu'elle a créé en 1999 aux États-Unis.
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Grimaud Leçons particulières
Après l'événement qu'aura été son précédent ouvrage Variations sauvages, Hélène Grimaud  se soumet dans Leçons particulières à une confession souvent émouvante, autobiographie où elle se livre ou tente de nous livrer sa vérité.
Elle nous transmet ses doutes sur le sens à donner à sa vie à travers un triple voyage : voyage en Italie pour nous faire partager ses beautés; voyage initiatique à travers des rencontres de circonstance, voyage intérieur pour savoir comment trouver le chemin du bonheur.

Elle cherche comment unir ses passions pour la musique, les loups et l’environnement, ses positions de vie pour rejoindre son besoin vital de vérité et de lucidité.
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Grimaud Retour à SalemEn musicienne impénitente, Hélène Grimaud fait découvrir à sa narratrice, chez un antiquaire, un manuscrit de Brahms qui relate un voyage du musicien sur l'île de Rügen située au nord de l’Allemagne dans la Baltique. Médusée par sa découverte, elle nous emmène dans les voyages du grand musicien allemand, revenant à l’actualité des problèmes écologiques.
Le romantisme de Brahms est ainsi confronté aux réalités contemporaines d’un livre qui mélange avec bonheur passé et présent, passages didactiques et fantastiques.
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 Vidéos : Extraits et interviews
Vidéo : Brahms, Concertos pour piano par Hélène Grimaud
             Interview de Thierry Ardisson, 2001, de Nikos Aliagas --
             En duo avec Sol Gabetta (Robert Schumann, Johannes Brahms, Claude

             Debussy,Dmitri Chostakovitch) -

Notes et références
 [1] Voir aussi l'article de CultureBox sur Water
[2]
Le Figaro culture, janvier 2016

[3] L'Armory ou Park Avenue Armory
Au cœur de New-York, ancien palais du 7e régiment de la Garde nationale.
[4]
À quatorze ans, elle donne son premier concert à Aix-en-Provence, sa ville natale, avec le Deuxième concerto de Chopin.
[5] Luciano Berio (1925-2003) compositeur italien surtout connu pour ses travaux expérimentaux et son travail de pionnier dans la musique électroacoustique.
Tōru Takemitsu (1930-1996) compositeur japonais, homme phare de sa génération, il a tenté une synthèse entre les cultures japonaise et occidentale.


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< Christian Broussas – H. Grimaud - 28 janvier 2016 -© • cjb • © >