jeudi 13 avril 2017

Les Mémoires d’Hadrien et l’histoire

           

De Trajan à Hadrien

Contrairement à une idée reçue, Auguste, en instituant l’empire, avait établi ce qu’il appelle le principat qui consistait à choisir comme successeur le princeps, le "premier", le "meilleur" d’entre les citoyens. Bien sûr, cette règle a été souvent reléguée au profit de la parentèle, surtout pendant la période des  « douze Césars » comme l’a qualifiée Suétone.



Avec la succession de Trajan, on est dans l’entre deux. Hadrien a bien toutes les qualités requises pour succéder à Trajan mais en plus ils ont un lien de parenté, certes assez lâche mais réel : La grand-mère d’Hadrien était la sœur du père de Trajan, Ulpia et Hadrien avait épousé une petite nièce de Trajan, Domitia Paulina. Des liens qui comptaient à l’époque.

    
Hadrien et Antinoüs

Entre réalité et fiction

Il faut d’abord remarquer que l’œuvre de Marguerite Yourcenar, Mémoires d’Hadrien est une œuvre romanesque qu’on ne peut juger à l’aune d’une érudition critique, c’est une fiction fondée sur un travail documentaire particulièrement sérieux, comme l’était toujours l’écrivaine dans son quotidien. Elle fut aussi une grande helléniste ayant appris le grec et le latin avec son père.

   
          Trajan                      Hadrien                          Auguste

Même si Mémoires d’Hadrien, est  suivi des carnets de notes qui informent sur la démarche documentaire de Yourcenar, ce n’est pas un ouvrage d’histoire mais  « un roman qui joue avec l’histoire ». Elle précisait d’ailleurs :« En octobre 1939, le manuscrit fut laissé en Europe avec la plus grande partie des notes ; j’emportai pourtant aux États-Unis les quelques résumés faits jadis à Yale, une carte de l’Empire romain à la mort de Trajan … et le profil de l’Antinoüs du Musée archéologique de Florence, acheté sur place en 1926, et qui est jeune, grave et doux. »

      
Bustes d’Hadrien et de sa femme Sabina

Si elle a choisi Hadrien, ce n’est pas seulement pour retracer sa relation avec son favori Antinoüs mais aussi parce que l’homme est plus intéressant que son prédécesseur Trajan qui représente pourtant l’apogée de l’empire et que la documentation disponible sur Hadrien est vraiment d’une qualité exceptionnelle. Elle s’est également inspirée de l’exemple des Pensées pour moi-même de l’empereur Marc Aurèle pour créer un Hadrien se racontant à travers l’écriture.

  Buste d’Hadrien

Le buste d’Hadrien

Ce bronze a été exhumé de la Tamise, sur le site de Londinium, en 1834. Marguerite Yourcenar en possédait une reproduction dans un cahier et elle confie à son biographe Matthieu Galey [1] qu’elle a beaucoup réfléchi et médité sur ce bronze. Cette sculpture de l’antiquité tardive a sans doute joué un rôle capital dans la genèse des Mémoires d’Hadrien. Sa barbe, courte et bien taillée, ressemble plutôt à celle d’un militaire que, comme le disait Marguerite Yourcenar, d’un philosophe.

  
Les réalisations d'Hadrien : le Panthéon et le Temple de Vénus et de Rome

Les voyages d'Hadrien [2]

Lors de ses voyages à Athènes (en 124-124 puis en 131-133), Hadrien s’initie aux mystères d’Éleusis. Yourcenar reprend cet épisode mais c’est Antinoüs qui s’initie au culte de Mithra mais Alexandre Grandazzi [3] y voit aussi l’influence de Flaubert, « les dieux n’étant plus et le Christ n’étant pas encore, il y a eu de Cicéron à Marc Aurèle un moment unique où l’homme seul a été. »

   Villa Hadrien à Rome

Concernant la mort d’Antinoüs dont on ne connaît pas la cause, Yourcenar choisit l’hypothèse du suicide sacrificiel, une des trois causes possibles dégagées par les sources. Ce qui rend cette option possible, c’est sa date, qui coïncide avec celle de la noyade d’Osiris.

En 131, Hadrien est en Lybie où se passe l’épisode de la chasse au lion. Yourcenar s’inspire des panneaux de l’Arc de Constantin à Rome sur le mont Palatin qui relatent cette scène. Sur ce sujet, Yourcenar a sans doute fait appel à son imagination, sa description particulièrement précise et rigoureuse, véritable ekphrasis, en témoigne.

  Vue du mur d'Hadrien

Notes et références
[1] Marguerite Yourcenar. Les yeux ouverts. Entretiens avec Matthieu Galey, éditions Le Centurion, 1980
[2] Voir aussi Les voyages d'Hadrien, Des sources antiques à Mémoires d’Hadrien

[3] Alexandre Grandazzi, "Urbs. Histoire de la ville de Rome, des origines à la mort d’Auguste" éditions Perrin, 2017 et "Une certaine idée de la Grèce" (entretiens avec Jacqueline de Romilly), éditions Bernard de Fallois, 2003.

  Spectacle en costumes

Voir aussi mes fichiers
* Yourcenar-Galey, Les yeux ouverts -- Yourcenar, essais sur Pindare et Cavafy --
* Yourcenar, Mémoires d'Hadrien --
* Christophe Burgeon, Trajan --
Rome, la fin d’un empire, De Caracalla à Théodoric --
* Valérie Girod, La véritable vie des douze Césars --

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