Référence : Gabriel Garcia Marquez Vivre pour la raconter, éditions Grasset, 550 pages, 2003
Gabriel García Márquez devant chez lui à Mexico pour ses 87 ans
« La vie n'est pas celle qu'on a vécue, mais celle dont on se souvient et comment on s'en souvient pour la raconter » écrit Gabriel Garcia Marquez en préambule de son autobiographie sur sa jeunesse. Sa vie se mêle à son œuvre, il joue constamment avec les personnages et les récits qui ont jalonné ses romans, avec le monde "magique" d'Aracataca et les difficultés de sa famille, à ses premières confrontations avec la littérature.
On le suit dans le dédale de ses nombreuses histoires, ses rencontres, ses nuits mouvementées qui ponctuent sa vie comme son œuvre. Il y a dans ce foisonnement comme un goût de folie, son pays la Colombie à la fois attirante et dangereuse, lui-même pris entre les rires, l'alcool et les femmes, une atmosphère qui rappelle les plus belles pages de Cent ans de solitude et de L'amour au temps du choléra.
Dès l'âge de 23 ans, Garcia Marquez ne vit que pour ses amis et la littérature, dans le fracas des fêtes et des beuveries, dans le silence des librairies. Des amis très différents formant un groupe disparate, " nos désaccords étaient fréquents, mais nous en connaissions toujours les raisons." Ils sont alors considérés comme de jeunes prétentieux anarchistes : Alfonso passait pour un libéral orthodoxe, Germán un libre penseur, Alvaro un anarchiste coléreux et lui Gabriel un communiste dépressif. Mais même totalement fauchés, ils gardaient le sens de l'humour, bien que fort impatients.
L'homme est remarquable avec ses cheveux frisés, sa coupe genre afro, son appétence pour Rabelais, pour le Vallenato (musique traditionnelle colombienne), ses bottes et ses chemises tropicales, sa petite taille et son large sourire, « Gabo » comme on l'avait surnommé, ressemblait à son personnage d'un roman qui allait marquer son époque, Cent ans de solitude. S'il est un thème dominant chez lui, c'est bien la solitude. Il devient le symbole de cette nouvelle génération d'écrivains latino-américains définit par l'oxymore de "réalisme magique", avec son "meilleur ennemi", (comme disait le philosophe Alain Badiou de son collègue Gilles Deleuze) le Péruvien Mario Vargas Llosa, tous deux prix Nobel de littérature. Les gens de son village imaginaire Macondo devinrent célèbres bien au-delà du continent américain. Un nom si connu qu'un maire voulu rebaptiser en Aracataca-Macondo le village natal de Garcia Marques nommé simplement Aracataca, comme par la grâce de Proust, le village d’Illiers finit par devenir Illiers-Combray. Mais les habitants refusèrent.
C'est à Stockholm en 1982, en recevant son prix Nobel, que García Márquez précise sa conception de ses objectifs d'écrivain : «Dans les bonnes consciences de l’Europe, et aussi parfois dans les mauvaises, a fait irruption avec plus de force que jamais l’actualité fantasmatique de l’Amérique latine, cette immense patrie d’hommes hallucinés et de femmes entrées dans l’histoire, dont l’obstination infinie se confond avec la légende. »
Peut-être alors, et à son corps défendant, que sa vie était peu à peu devenue une espèce d'autofiction.
Entrées de Cent ans de solitude, de l’Automne du patriarche (1975) et de Chronique d’une mort annoncée (1981) :
* « Bien des années plus tard, face au peloton d’exécution, le colonel Aureliano Buendía devait se rappeler ce lointain après-midi au cours duquel son père l’emmena faire connaissance avec la glace.»
* « Durant la fin de la semaine les charognards s’abattirent sur les balcons du palais présidentiel, détruisirent à coups de bec le grillage des fenêtres, remuèrent avec leurs ailes le temps stagnant intra-muros, et le lundi au petit jour la ville se réveilla d’une léthargie de plusieurs siècles sous une brise tiède et tendre de grand cadavre et de grandeur pourrie.»
* « Le jour où il allait être abattu, Santiago Nasar s’était levé à cinq heures et demie du matin pour attendre le bateau sur lequel l’évêque arrivait. »
* Voir aussi mes articles :
- sur la bio de Gabriel Garcia Marquez --
- Gabriel Garcia Marquez, Adieu Gabo --
< • Christian Broussas –Garcia Marquez - 13 juin 2017 • © cjb © • >>
Gabriel García Márquez devant chez lui à Mexico pour ses 87 ans
« La vie n'est pas celle qu'on a vécue, mais celle dont on se souvient et comment on s'en souvient pour la raconter » écrit Gabriel Garcia Marquez en préambule de son autobiographie sur sa jeunesse. Sa vie se mêle à son œuvre, il joue constamment avec les personnages et les récits qui ont jalonné ses romans, avec le monde "magique" d'Aracataca et les difficultés de sa famille, à ses premières confrontations avec la littérature.
On le suit dans le dédale de ses nombreuses histoires, ses rencontres, ses nuits mouvementées qui ponctuent sa vie comme son œuvre. Il y a dans ce foisonnement comme un goût de folie, son pays la Colombie à la fois attirante et dangereuse, lui-même pris entre les rires, l'alcool et les femmes, une atmosphère qui rappelle les plus belles pages de Cent ans de solitude et de L'amour au temps du choléra.
Dès l'âge de 23 ans, Garcia Marquez ne vit que pour ses amis et la littérature, dans le fracas des fêtes et des beuveries, dans le silence des librairies. Des amis très différents formant un groupe disparate, " nos désaccords étaient fréquents, mais nous en connaissions toujours les raisons." Ils sont alors considérés comme de jeunes prétentieux anarchistes : Alfonso passait pour un libéral orthodoxe, Germán un libre penseur, Alvaro un anarchiste coléreux et lui Gabriel un communiste dépressif. Mais même totalement fauchés, ils gardaient le sens de l'humour, bien que fort impatients.
L'homme est remarquable avec ses cheveux frisés, sa coupe genre afro, son appétence pour Rabelais, pour le Vallenato (musique traditionnelle colombienne), ses bottes et ses chemises tropicales, sa petite taille et son large sourire, « Gabo » comme on l'avait surnommé, ressemblait à son personnage d'un roman qui allait marquer son époque, Cent ans de solitude. S'il est un thème dominant chez lui, c'est bien la solitude. Il devient le symbole de cette nouvelle génération d'écrivains latino-américains définit par l'oxymore de "réalisme magique", avec son "meilleur ennemi", (comme disait le philosophe Alain Badiou de son collègue Gilles Deleuze) le Péruvien Mario Vargas Llosa, tous deux prix Nobel de littérature. Les gens de son village imaginaire Macondo devinrent célèbres bien au-delà du continent américain. Un nom si connu qu'un maire voulu rebaptiser en Aracataca-Macondo le village natal de Garcia Marques nommé simplement Aracataca, comme par la grâce de Proust, le village d’Illiers finit par devenir Illiers-Combray. Mais les habitants refusèrent.
C'est à Stockholm en 1982, en recevant son prix Nobel, que García Márquez précise sa conception de ses objectifs d'écrivain : «Dans les bonnes consciences de l’Europe, et aussi parfois dans les mauvaises, a fait irruption avec plus de force que jamais l’actualité fantasmatique de l’Amérique latine, cette immense patrie d’hommes hallucinés et de femmes entrées dans l’histoire, dont l’obstination infinie se confond avec la légende. »
Peut-être alors, et à son corps défendant, que sa vie était peu à peu devenue une espèce d'autofiction.
Entrées de Cent ans de solitude, de l’Automne du patriarche (1975) et de Chronique d’une mort annoncée (1981) :
* « Bien des années plus tard, face au peloton d’exécution, le colonel Aureliano Buendía devait se rappeler ce lointain après-midi au cours duquel son père l’emmena faire connaissance avec la glace.»
* « Durant la fin de la semaine les charognards s’abattirent sur les balcons du palais présidentiel, détruisirent à coups de bec le grillage des fenêtres, remuèrent avec leurs ailes le temps stagnant intra-muros, et le lundi au petit jour la ville se réveilla d’une léthargie de plusieurs siècles sous une brise tiède et tendre de grand cadavre et de grandeur pourrie.»
* « Le jour où il allait être abattu, Santiago Nasar s’était levé à cinq heures et demie du matin pour attendre le bateau sur lequel l’évêque arrivait. »
* Voir aussi mes articles :
- sur la bio de Gabriel Garcia Marquez --
- Gabriel Garcia Marquez, Adieu Gabo --
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