André Derain, La décennie radicale

           
                                                                                              
Autoportrait

Le Centre Pompidou présente André Derain 1904 - 1914. La décennie radicale, un nouveau regard porté sur l’œuvre d’un artiste majeur du 20e siècle, même si sa notoriété n’égale pas celle d’un Picasso, avec l’objectif de redécouvrir les étapes du parcours de sa période d’avant-guerre quand il participe aux mouvements d’avant-garde. 
L’exposition réunit des éléments particulièrement intéressants comme la production estivale de 1905 à Collioure, la série des vues de Londres et ses grandes compositions sur les thèmes de la danse et des baigneuses
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Les grandes baigneuses                     La vie encore… avec le jeu de la mort
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L’œuvre d’André Derain n’a pas connu de grandes monographies depuis la rétrospective que le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris lui a consacré en 1994. Il a pourtant eu un rôle important dans la naissance du fauvisme et du cubisme. En solitaire, il revient au réalisme, préfigurant les mouvements figuratifs de réalisme magique, en particulier la peinture métaphysique de De Chirico ou ce qu’on a appelé la Nouvelle Objectivité allemande.


     
Lucie Kahnweiler                                                             
Arlequin et Pierrot
 

Il faut cependant noter la très intéressante exposition en 1917, organisée par le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris qui eut pour objet d'explorer la relation et la profonde amitié entre trois artistes majeurs du XXe siècle : Derain, Balthus et Giacometti. Concernant Derain, elle est complémentaire de La décennie radicale puisqu'elle nous plonge dans l'évolution picturale des années trente, loin du Derain des années 1904-1914.

   
Montagnes à Collioure                                     Bateaux à Collioure


Avec près de 200 œuvres, cette exposition a retracé les moments marquants de cette amitié artistique. Leur rencontre en 1933 et l’intensification de leurs relations à partir de 1935 vont démultiplier les croisements entre leurs vies et leurs œuvres. Car c'est d'abord une profonde communauté esthétique qui les réunit tous les trois.
Elle montre bien les liens picturaux qui les unissent à travers les portraits croisés, des amis et galeristes communs aux modèles, à travers des ensembles regroupant leurs
œuvres d'après-guerre où émergent doutes et obsessions.

     
Le port de Londres 1906                                         La Tamise

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Son rôle dans "l'aventure fauve"
 L’œuvre d’avant-guerre de Derain, marquée par l’inventivité et l’audace, est d’autant plus intéressante. Au début du 20e siècle, proche de peintres comme Maurice de Vlaminck et Henri Matisse, puis de Georges Braque et de Pablo Picasso, André Derain participe aux mouvements fondamentaux du fauvisme et du cubisme. Se frottant à des expérimentations plastiques, il se confronte à la peinture, au dessin, à la xylographie, la sculpture, la céramique, le cinéma, puis sur le tard à la photographie.

L’exposition s’appuie sur des documents d’archives inédites concernant ses photographies, sa collection d’estampes et de reproductions d’œuvres d’art, ses écrits et sa correspondance – mettant ainsi l’accent sur une sélection de ses œuvres les plus représentatives à travers des références artistiques telles que les gravures d’Epinal, les objets maoris ou les sculptures africaines de sa collection.
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La danse 1906 (détail)                                        Vue de l'Estaque 1905

Elle présente aussi quelque 70 peintures et un ensemble important d’œuvres sur papier – aquarelles, dessins, carnets de croquis, gravures -, des sculptures, une cinquantaine de photographies, des sculptures maories et africaines, des céramiques…
L’exposition se concentre sur ses meilleures années avec par exemple Les flamboyantes séries des vues de Collioure, de Londres et de l’Estaque,œuvres maîtresses du Fauvisme, avec également l’année 1907 considérée comme celle du « tournant Cézannien » qui le mènera au temps des grandes baigneuses et des paysages synthétiques.
Comme l’écrit la commissaire de l’exposition Cécile Debray, André Derain reste « un inventeur, un découvreur... »


       
La danseuse 1906                        Le séchage des voiles                                


Derain et Matisse
Pendant l'été 1905, Derain et Henri Matisse s'installent à Collioure, ils peignent sans répit, fascinés par la lumière et les couleurs du pays. Cependant, ils ne travaillent jamais au même moment ni à partir du même endroit. Si chacun conserve son style, les deux peintres ne se limitent plus à décrire simplement leur sujet. Ils transcrivent d'abord leurs émotions pour rendre plus vivants leurs tableaux. 

      
 Mme Matisse en kimono                    La clairière

Ils peignent les choses telles qu'ils les voient et non plus telles qu'elles sont dans leur réalité quotidienne, avec la couleur comme principal vecteur, devenant subjective et expressive. Ils utilisent des couleurs pures et violentes posées en larges aplats pour qu'elles prédominent sur des formes désormais simplifiées tout comme les ombres et les perspectives.

   
Collioure, le port de pêche
 

Avec Matisse, il "invente" le fauvisme
C'est à Collioure qu'il ­découvre Gauguin et se libère du néo-impressionniste. Avec Henri Matisse, il invente une nouvelle façon de peindre qu'en 1905 un critique d'art nomme fauvisme en référence aux couleurs "criardes", "sauvages" de leurs tableaux. Plusieurs œuvres peintes à Collioure sont présentées à l'exposition, parmi lesquelles une grande toile de 1906 très fragile exposée pour la dernière fois en 2001 : La Danse, une scène représentant un paradis perdu.

    
Collioure, autres vues du port


« Pendant ces dix années, tout va très vite avec Derain. Il est par exemple le premier à s'intéresser aux arts dits primitifs et à inciter ses amis, dont Picasso, à regarder les créations africaines », écrit Cécile Debray, la commissaire de l'exposition. On passe ainsi des toiles cubistes à la série des Baigneuses (dont un magnifique prêté par le MoMA, le musée d'art moderne), puis à un "réalisme magique", des portraits d'une facture plus froide mais plus suggestive. 


        
     Derain & Vlaminck en 1942             Collioure, le village


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