Cette exposition à la Philharmonie de Paris sur une chanteuse nous invite aussi à nous questionner sur ce que signifie être une femme libre, une femme qui écrit, compose et interprète ses œuvres dans cette seconde moitié du XXe siècle.
Artiste d’exception, Monique Serf alias Barbara a été la muse des années cabarets de la rive gauche, avant de chanter à Bobino puis sur les plus grandes scènes parisiennes. Peu à peu, elle est devenue une espèce de mythe et ses concerts, des moments de communication. Le public, debout, admiratif, ne boudait pas son plaisir.

L’exposition présente des archives vidéo parfois inédites, portant essentiellement du fonds de l’Institut national de l’audiovisuel, qui permettent de découvrir ses multiples facettes. Des textes qu’elle a ébauchés et maintes fois remaniés, des correspondances intimes et des documents personnels qui font mieux comprendre sa façon de composer, de faire de sa vie des chansons intemporelles, des confidences susurrées dans ses chansons.

           
Barbara à Amsterdam en 1965 

Cette exposition permet aussi d’admirer de précieux clichés, les photographes qui ont su gagner sa confiance et l’ont portraiturée de façon plus intime comme Just Jaeckin, Marcel Imsand, Jean-Pierre Leloir, Georges Dudognon
Barbara aimait façonner son image, comme on peut le voir dans ses costumes de scène, les médias de l’époque montrent bien le regard qu’on portait sur sa personne et qui a su préserver son mystère, sacrifier aux rituels de l’artiste sans complètement se démasquer.
La mise en scène de l’univers poétique de Barbara est due à deux grands noms du spectacle : Antoine Fontaine et Christian Marti, qui avaient déjà collaboré à l’exposition Brassens ou la liberté à la Cité de la musique en 2011.

Parcours de l’exposition : De Monique Serf à Barbara

« Il ne faut jamais revenir
Au temps caché des souvenirs
Du temps béni de son enfance. »

 
       
Barbara et son frère Jean à Orry-la-ville à la fin des années 1930

Comment Monique Serf, née le 9 juin 1930 à Paris, 17e, petite fille juive et pauvre, marquée par la guerre et une enfance difficile, devint-elle Barbara, la grande artiste un peu effacée qu’on a connue ?

La publication de son autobiographie Il était un piano noir, parue peu après sa mort, révèle le drame intime qui a marquée son enfance. La cicatrice mémorielle, son besoin d’errance, éclairent d’une façon différence certains textes de ses chansons dont le sens profond nous avait échappé. Dans cette enfance, il y avait aussi son vibrant désir de jouer du piano, d’interpréter ses compositions, mais aussi l’éclairante découverte d’Édith Piaf.

             
L’Écluse – dessin pour la scénographie de l’exposition Barbara, 2017

Scénographie de Antoine Fontaine et Christian Marti
Nolwen Leroy, hommage à Barbara  -- 


Comme beaucoup de chanteuses du début du XXe siècle – telles Yvette Guilbert ou Marie Dubas –, Barbara a débuté par des tours de chant à Bruxelles, où elle partit subitement à 20 ans, puis dans des cabarets parisiens d’après-guerre comme l’Écluse, petite salle de 70 places. « L’Écluse est la première maison que j’ai trouvée. Là il y avait vraiment un cœur qui battait. Une famille qui m’a accueillie. C’est là que j’ai commencé à respirer, que tout s’est déclenché ». Barbara y devint celle qu’on appela la « chanteuse de minuit ».

« Je n’avais plus peur de rien. J’aurais traversé les murs, animée par mon désir obsessionnel, par ma certitude de chanter un jour » avoue-t-elle en parlant de cette période.
Le temps des « Petits zinzins » (1964-1969)
« Mes chansons elles naissent avec la vie […] c’est uniquement des choses que j’ai vécues, qu’on a tous vécues. » 

               
Barbara chez elle, rue de Seine en 1963

 
Grâce à ses premiers succès, Barbara quitte les cabarets pour Bobino. Elle cesse alors d’interpréter Brel ou Brassens – pour composer sans relâche ce qu’elle appelait elle-même ses « petits zinzins ». Des mots simples, des confidences effleurées sur quelques notes, une manière d’offrir à son public sans se révéler totalement ; elle écrit et enregistre beaucoup, fascinant ceux qui la côtoient.

« Touche pas mon piano
Touche pas mes remparts
Touche pas mes lunettes
Touche pas mon regard »

 
Les années 1960 sont celles des tournées dans tout le pays, la vie sur les routes avec ses intimes une bonne partie de l’année, avec Serge Gainsbourg, Serge Reggiani ou Georges Moustaki lui permettent de se produire en Italie, en Israël, au Liban… Chaque concert est donne lieu à la même démarche dominée par une discipline et une exigence absolue où Barbara supervise tout puis s’enferme dans sa loge jusqu’au moment d’entrer en scène.

      
Barbara avec Serge Reggiani            Bruel, hommage à Barbara

L’aventurière (1970-1981)
« Qu’on ne m’ordonne pas,                      Et j’ai choisi mes hommes
je suis reine en mon île                              j’ai bâti mes empires
Je suis femme en mon lit,                           Au diable la raison
je suis folle en vos villes                             Et vivent mes délires. »


Olympia 1969, coup de théâtre : elle annonce sa décision d’arrêter ses tours de chant. Dès lors, elle se diversifie, fait ce qu’elle aime, s’essaie au théâtre (sans grand succès avec Madame), au cinéma avec Jacques Brel (Franz, 1972), Jean-Claude Brialy (L’Oiseau rare, 1973) ou Maurice Béjart (Je suis né à Venise, 1977).

Avec L’Aigle noir, Barbara devient vraiment populaire, touche un nouveau public, présente à la Une des magazines. Mais elle se fait alors plus discrète, imposant ses choix. Elle finit par se retirer à la campagne, dans sa maison de Précy-sur-Marne, son refuge, son espace de liberté et de création où elle compose et imagine ses futurs spectacles.

     
Barbara dans son jardin à Précy-sur-Marne, à l’automne 1989

La naissance de la légende (1981-1997)

« Pantin espoir, Pantin Bonheur
Oh, qu’est-ce que vous m’avez fait là ?
Pantin qui rit, Pantin, j’en pleure,
Pantin, on recommencera ! »

         
Barbara, Bobino 67


Imaginés à Précy, les concerts de Pantin en 1981, participent grandement à la légende de Barbara qui remontent sur scène après des années de silence. Elle met au point une autre façon de construire ses tours de chant, les concerts-spectacles. Si sa voix a changé, sa relation avec le public n'a jamais été aussi forte.

Toujours aiguillée par une remise en cause permanente, Barbara imagine une comédie musicale qu'elle nomme  Lily Passion, sur laquelle elle travaille pendant cinq ans, n’hésitant pas à dérouter son public. Son relatif retrait rehaussent l'engouement pour ses concerts : Châtelet en 1987 et 1993, Mogador en 1990…

Barbara s’investit également, de façon très confidentielle, dans un combat contre le sida auprès des malades et des associations ; visite et chante en prison. Femme engagée, elle participe à la campagne électorale de François Mitterrand en 1988, aux côtés de Jacques Higelin.Elle enregistre son dernier disque en 1996, avant de s’éteindre le 23 novembre 1997.

   

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