Référence : Patrick Rambaud, Quand Dieu apprenait le dessin, éditions Grasset, 288 pages, janvier 2018
L’aventure de deux Vénitiens, au IXe siècle, partis chercher la relique de saint Marc à Alexandrie, pour construire la République des doges.
Nous sommes au IXe siècle, dans le Moyen-Âge profond, « à l’âge des ténèbres. » Pas de Palais des doges alors mais une lourde forteresse, la tanière des ducs. Les Vénitiens se réfugiaient dans les lagunes pour échapper aux barbares. À leurs ennemis, ils vendaient des esclaves, à leurs clients du poivre ou de la soie. Leur force était alors maritime dans une Europe dévouée à la papauté.
Venise la rebelle se veut la rivale de Rome et entend le faire savoir. Le 31 janvier 828, le doge de Rialto envoie deux tribuns en mission à Alexandrie pour se saisir de la dépouille momifiée de Saint Marc… L’objectif de Venise : placer la ville sous la protection d’un évangéliste aussi renommé, constituerait un moyen de devenir l’égale de Rome et de pouvoir asseoir sa suprématie. Entre politique et religion, une histoire de pouvoir contée avec l’ironie mordante, l’humour de Patrick Rambaud.
Rien d’héroïque dans cette mission assignée aux deux tribuns vénitiens, Rustico et Marino Bon, une aventure jusqu’à la lointaine Alexandrie, avec les aléas du chemin, petits événements faits de chausse-trappes et de tractations mesquines. Une époque difficile, charnière entre la nostalgie de l’époque romaine et une Renaissance lointaine, hypothétique.
Cette Europe barbare morcelée où le roi Louis le Pieux n’a aucune vision de l’avenir, est minée par les rivalités. On assiste à une espèce de "struggle for life" avant la lettre où la force est reine, prime sur la loi et le savoir. Ne reste de la paix romaine que des vestiges, ici ou là. Reste le recours à la religion, le refuge dans le pouvoir des reliques des saints... qu’ils soient vrais ou pas.
Dans ce monde déclinant, Venise au carrefour de deux mondes, entre un Orient en expansion et un Occident finissant, croit au rôle grandissant des villes et en son étoile. Elle a décidé de saper la puissance romaine en construisant une légitimité par le religieux pour assurer son indépendance et le pouvoir des doges.
La politique, affirme Patrick Rambaud, bien avant Machiavel, les Vénitiens savent que « la vérité déplaît, on ne gouverne pas ou mal, en la clamant ». Le pouvoir de la foi, la légende, ce sera donc pour Venise la quête de la relique de Saint Marc par Rustico et Marino Bon et son installation dans la cité des doges.
Patrick Rambaud prend un malin plaisir à jouer de son style, avec une ironie jubilatoire pour contrebalancer la puissance du mythe. Aucun romantisme, aucun lyrisme pour chanter les louanges de Dieu, où le trivial n’est jamais loin du sacré, où le discours et les postures cachent bien souvent des calculs plus sordides et une lette pour le pouvoir.
Dieu apprenait alors le dessin, épure Pour un projet plus abouti, mais il n’est pas sûr qu’il ait fait depuis beaucoup de progrès.
Voir aussi
* Patrick Rambaud, Chroniques --
<< Christian Broussas – P. Rambaud - 27/02/2018 © • cjb • © >>
L’aventure de deux Vénitiens, au IXe siècle, partis chercher la relique de saint Marc à Alexandrie, pour construire la République des doges.
Nous sommes au IXe siècle, dans le Moyen-Âge profond, « à l’âge des ténèbres. » Pas de Palais des doges alors mais une lourde forteresse, la tanière des ducs. Les Vénitiens se réfugiaient dans les lagunes pour échapper aux barbares. À leurs ennemis, ils vendaient des esclaves, à leurs clients du poivre ou de la soie. Leur force était alors maritime dans une Europe dévouée à la papauté.
Venise la rebelle se veut la rivale de Rome et entend le faire savoir. Le 31 janvier 828, le doge de Rialto envoie deux tribuns en mission à Alexandrie pour se saisir de la dépouille momifiée de Saint Marc… L’objectif de Venise : placer la ville sous la protection d’un évangéliste aussi renommé, constituerait un moyen de devenir l’égale de Rome et de pouvoir asseoir sa suprématie. Entre politique et religion, une histoire de pouvoir contée avec l’ironie mordante, l’humour de Patrick Rambaud.
Rien d’héroïque dans cette mission assignée aux deux tribuns vénitiens, Rustico et Marino Bon, une aventure jusqu’à la lointaine Alexandrie, avec les aléas du chemin, petits événements faits de chausse-trappes et de tractations mesquines. Une époque difficile, charnière entre la nostalgie de l’époque romaine et une Renaissance lointaine, hypothétique.
Cette Europe barbare morcelée où le roi Louis le Pieux n’a aucune vision de l’avenir, est minée par les rivalités. On assiste à une espèce de "struggle for life" avant la lettre où la force est reine, prime sur la loi et le savoir. Ne reste de la paix romaine que des vestiges, ici ou là. Reste le recours à la religion, le refuge dans le pouvoir des reliques des saints... qu’ils soient vrais ou pas.
Dans ce monde déclinant, Venise au carrefour de deux mondes, entre un Orient en expansion et un Occident finissant, croit au rôle grandissant des villes et en son étoile. Elle a décidé de saper la puissance romaine en construisant une légitimité par le religieux pour assurer son indépendance et le pouvoir des doges.
La politique, affirme Patrick Rambaud, bien avant Machiavel, les Vénitiens savent que « la vérité déplaît, on ne gouverne pas ou mal, en la clamant ». Le pouvoir de la foi, la légende, ce sera donc pour Venise la quête de la relique de Saint Marc par Rustico et Marino Bon et son installation dans la cité des doges.
Patrick Rambaud prend un malin plaisir à jouer de son style, avec une ironie jubilatoire pour contrebalancer la puissance du mythe. Aucun romantisme, aucun lyrisme pour chanter les louanges de Dieu, où le trivial n’est jamais loin du sacré, où le discours et les postures cachent bien souvent des calculs plus sordides et une lette pour le pouvoir.
Dieu apprenait alors le dessin, épure Pour un projet plus abouti, mais il n’est pas sûr qu’il ait fait depuis beaucoup de progrès.
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